Plaignant
Marianne Deshaies
Rose Deschênes
Mis en cause
Guy Latour, journaliste
LanauWeb
Résumé de la plainte
Marianne Deshaies et Rose Deschênes déposent chacune une plainte le 17 février 2021 au sujet de l’article « Coupable d’avoir agressé la fillette de son coloc, il pourrait être déclaré délinquant dangereux » du journaliste Guy Latour, publié le 15 février 2021 sur le site Internet de LanauWeb, un média en ligne présentant les nouvelles locales de la région de Lanaudière. Les plaignantes déplorent l’identification d’une personne mineure impliquée dans un contexte judiciaire.
CONTEXTE
L’article rapporte que Denis Trudeau, un pédophile de 55 ans de Rawdon, pourrait être déclaré comme délinquant dangereux ou délinquant à contrôler. Le journaliste indique que « M. Trudeau avait plaidé coupable, en octobre [2020] dernier, à 10 chefs d’accusation soit deux chefs de menace de mort, deux chefs d’avoir rendu du matériel explicitement accessible à des mineurs, de contact sexuel, d’incitation à des contacts sexuels, d’avoir produit et d’avoir eu en sa possession de la pornographie juvénile ainsi que deux chefs d’avoir brisé une ordonnance lui interdisant de communiquer directement ou indirectement de quelque façon que ce soit avec une personne âgée de moins de 16 ans à moins d’être sous la supervision d’un adulte et d’utiliser Internet ou tout autre réseau numérique ». Le texte comporte une section « Rappel des faits » qui présente des informations contextuelles sur les crimes commis par M. Trudeau et décrit les gestes qu’il a posés sur ses victimes. Le journaliste souligne que, depuis 2015, une ordonnance interdisait pourtant à l’agresseur de communiquer avec une personne âgée de moins de 16 ans et de se connecter à Internet.
Analyse
GRIEF DES PLAIGNANTES
Grief 1 : identification d’une personne mineure impliquée dans un contexte judiciaire
Principe déontologique applicable
Identification des personnes mineures impliquées dans un contexte judiciaire : « Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent de publier toute mention de nature à permettre l’identification d’une personne mineure impliquée dans un contexte judiciaire comme victime ou témoin, sauf s’il existe un intérêt public prépondérant pour le faire, que cette personne y consent de façon libre et éclairée et qu’elle est accompagnée par des personnes majeures responsables. » (article 22 (2) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si l’article mis en cause permet l’identification de la victime d’âge mineur. Si c’est le cas, il doit établir si l’intérêt public le justifiait, si cette personne y a consenti de façon libre et éclairée et, le cas échéant, si elle était accompagnée par des personnes majeures responsables.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’identification d’une personne mineure impliquée dans un contexte judiciaire.
Analyse
Marianne Deshaies considère que « l’obligation de respecter la non-publication de l’identité du mineur est compromise par la grande quantité de détails donnée dans la trame factuelle ». Elle reproche aux mis en cause de permettre l’identification de l’enfant « en raison de la quantité de détails explicites (mineur, sexe, Rawdon, Sainte-Julienne, moment des faits, nom de l’accusé, détails sur les multiples agressions, détails sur la famille) ». L’autre plaignante, Rose Deschênes, estime également que « les détails nommés permettent d’identifier l’enfant » et que « cela est trop détaillé par rapport aux actes et cela pourrait nuire à l’intégrité de l’enfant et de sa famille ».
Le journaliste Guy Latour et l’éditeur de LanauWeb, Marc Lachapelle estiment qu’ils ont pris les précautions nécessaires pour ne pas identifier la victime mineure. Ils affirment que le journaliste « n’a que confirmé les faits relatés dans le résumé des faits déposé à la cour ».
Ils ajoutent que le nom de l’accusé ne faisait pas l’objet d’une ordonnance de non-publication de la cour et que les détails de ses actes pédophiles « ne permettent pas d’identifier davantage » la victime.
Après analyse de l’article, on constate effectivement que les informations qui y sont contenues sont de nature publique. Il s’agit, notamment, du nom et de l’âge de l’agresseur, du fait qu’il était le colocataire du père de la victime, des villes et des dates où les crimes se sont produits. L’ensemble de ces éléments ne compromet pas l’anonymat de la victime auprès des lecteurs et des lectrices. Par ailleurs, ces informations sont d’intérêt public, car elles permettent de comprendre le contexte de ce crime.
Quelles informations pourraient compromettre l’identification d’une victime d’âge mineure, au-delà de la publication de son nom? Plusieurs éléments, seuls ou une fois combinés, peuvent permettre d’identifier une personne dont l’identité doit être protégée et la vigilance est de mise. La décision antérieure D2020-04-062 fournit des exemples d’informations qui, une fois combinées, permettent l’identification d’une personne mineure impliquée dans un contexte judiciaire. Dans ce dossier, le Conseil a blâmé le média, car plusieurs détails rapportés dans l’article nuisaient à la protection de l’anonymat de l’enfant. L’article comportait les informations suivantes : l’âge de l’enfant, une photo récente d’elle, visage flouté, aux côtés de sa soeur dont le visage n’était pas flouté, le nom et prénom de sa soeur, le nom et prénom de sa mère, le nom et prénom de sa tante, le nom et prénom de sa cousine, le nom de la petite rue et du quartier où habitait son père, le nom et l’âge de l’auteure présumée du crime. Le Conseil a expliqué que « la combinaison de ces informations facilit[ait] l’identification de l’enfant. Le média a modifié l’article en retirant uniquement le nom de sa mère, mais cela ne suffisait toutefois pas à protéger l’anonymat de l’enfant, puisque toutes les autres informations demeuraient présentes ».
À l’inverse, dans le cas présent, les informations contenues dans l’article ne permettent pas d’identifier la victime de ce crime. Le journaliste ne mentionne pas les noms et prénoms de l’enfant, de son frère, de son père, ni de sa mère ou toute autre membre de sa famille. De plus, il n’y a pas de détails concernant le quartier, le nom de la rue ou l’adresse du lieu où ont été commis les crimes. Finalement, la photographie qui accompagne l’article ne montre pas ni la victime ni ses proches. Cette personne n’est donc pas identifiable aux yeux du public.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette les plaintes de Marianne Deshaies et de Rose Deschênes au sujet de l’article « Coupable d’avoir agressé la fillette de son coloc, il pourrait être déclaré délinquant dangereux » de Guy Latour, publié sur le site Internet de LanauWeb. Le grief d’identification d’une personne mineure impliquée dans un contexte judiciaire a été rejeté.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes
Olivier Girardeau
Représentantes des journalistes :
Madeleine Roy
Paule Vermot-Desroches
Représentants des entreprises de presse :
Maxime Bertrand
Éric Grenier