Plaignant
Josée Provençal
Jérémy Bouchez
3 plaignants en appui
Mis en cause
Denise Bombardier, chroniqueuse
Normand Lester, chroniqueur
Richard Martineau, chroniqueur
Benoît Dutrizac, animateur
Le Journal de Montréal
QUB radio
Québecor Média
Résumé de la plainte
Josée Provençal, Jérémy Bouchez et trois plaignants en appui déposent des plaintes le 21 avril 2021 au sujet de trois chroniques publiées sur le site web du Journal de Montréal et d’un segment radiophonique diffusé sur les ondes de QUB radio : « Pourquoi Montréal lève le nez sur Camille Laurin » de Denise Bombardier, publiée le 17 avril 2021; « La mairesse insulte la mémoire de Camille Laurin » de Normand Lester publiée le 17 avril 2021; le segment de l’émission « Dutrizac » intitulé « La Ville de Montréal refuse de rendre hommage à Camille Laurin parce qu’il est un homme blanc », animé par Benoît Dutrizac et diffusé le 19 avril 2021 et « “Hommes blancs” interdits à Montréal? » de Richard Martineau, publiée le 20 avril 2021. Les plaignants déplorent des informations inexactes.
CONTEXTE
Les quatre produits journalistiques (trois chroniques et un segment radio) visés par les plaintes traitent du « refus » de la Ville de Montréal de nommer une promenade piétonne au nom de Camille Laurin sur le campus MIL de l’Université de Montréal.
Dans sa chronique intitulée « Pourquoi Montréal lève le nez sur Camille Laurin », Denise Bombardier revient sur un article factuel qui s’intitule « Deux visions s’opposent pour nommer des lieux », publié le 16 avril 2021 sur le site web du Journal de Montréal. Ce texte rapporte que « le choix du futur nom d’une promenade piétonne de l’arrondissement d’Outremont crée des frictions entre la société d’histoire locale et la Ville de Montréal, qui a écarté la candidature du politicien Camille Laurin ».
Dans son texte, Denise Bombardier rappelle qu’il n’y aura pas de voie piétonne au nom de Camille Laurin, malgré une demande de l’arrondissement d’Outremont et de la Société d’histoire d’Outremont (SHO). Elle explique que « sans l’accord de la Ville de Montréal, les arrondissements ne peuvent procéder à de telles décisions » et soutient qu’une « fin de non-recevoir a été envoyée à l’arrondissement d’Outremont par le bureau de la mairesse, avec la mention suivante : cette demande “ne permettant pas d’intégrer des femmes et des représentants de minorités culturelles et ethniques” ». La chroniqueuse se demande : « Est-ce à dire que selon les critères pour attribuer des honneurs à des citoyens, il faut désormais refuser tous les hommes francophones de souche ? Car sur la liste qui reçoit l’approbation de la mairesse Plante et de son cabinet, on retrouve des Québécoises de souche. » Elle conclut son texte en affirmant que « cette décision de refuser d’honorer le père de la loi 101 avec un bout de trottoir à son nom révèle une politicienne de bas étage ».
Dans la chronique « La mairesse insulte la mémoire de Camille Laurin », Normand Lester revient sur le sujet de la chronique de Denise Bombardier et indique : « Raison invoquée pour justifier l’insulte : C’EST UN HOMME BLANC. Le bureau de la mairesse Valérie Plante explique que la demande est refusée, parce qu’elle “ne permettait pas d’intégrer plus de femmes et plus de représentants de minorités culturelles et ethniques”. » Il affirme que Valérie Plante « compte sur les anglophones et sur les communautés culturelles pour assurer sa réélection ». Le chroniqueur mentionne ensuite qu’il est lui-même membre de la SHO et fournit d’autres exemples de cas où la Ville de Montréal « dirigée par Plante et, avant elle Coderre » aurait, selon lui, donné « la priorité à son idéologie woke-féministe pour imposer des toponymes et des odonymes insignifiants ou carrément absurdes à Outremont ».
Lors de son émission de radio « Dutrizac », l’animateur Benoit Dutrizac explique que « la Ville de Montréal refuse de rendre hommage à Camille Laurin parce que c’est un homme blanc ». Il discute de cette affaire avec le député du Parti Québécois Pascal Bérubé. Ce dernier détaille le parcours de Camille Laurin, qu’il présente comme « un acteur majeur de l’identité québécoise », et soutient que l’attribution de noms de lieux devrait se faire « au mérite ».
Dans la chronique « “Hommes blancs” interdits à Montréal? », Richard Martineau « [s’]insurge » contre la décision de « la Ville de Montréal [de] refuse[r] de donner le nom de Camille Laurin à un passage piétonnier à Outremont parce que le père de la loi 101 était “un homme blanc” ». Il soutient : « En effet, ce n’est pas à la Ville de Montréal de juger si un individu est un “homme” ou une “femme”! » et « Et puis, c’est quoi ça, être “blanc”? Là encore, Madame la Mairesse, vous faites preuve d’un manque d’ouverture déplorable! Aux États-Unis, l’une des principales figures de la lutte des droits des Noirs (Rachel Dolezal) était une Blanche qui se définissait comme noire, car elle se sentait noire à l’intérieur! » Il conclut en demandant à Valérie Plante de revenir sur sa décision.
La voie piétonne du campus MIL de l’Université de Montréal, inaugurée le 20 août 2021, porte aujourd’hui le nom « promenade Camille-Laurin ». Psychiatre de formation, Camille Laurin était un homme politique, élu sous la bannière du Parti Québécois. Il a notamment occupé les postes de vice-premier ministre et de ministre sous le gouvernement de René Lévesque. Il est considéré comme le père de la loi 101, soit la Charte de la langue française. Il a habité une vingtaine d’années dans l’arrondissement d’Outremont et a enseigné à l’Université de Montréal. Il est décédé en 1999. À Montréal, une école, un édifice public et une rue portent également le nom de Camille Laurin.
Analyse
PRINCIPE DÉONTOLOGIQUE RELIÉ AU JOURNALISME D’OPINION
Journalisme d’opinion : (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. (article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
GRIEFS DES PLAIGNANTS
Grief 1 : informations inexactes
Principe déontologique applicable
Qualité de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide)
1.1 Chronique de Denise Bombardier
Le Conseil doit déterminer si Denise Bombardier a produit de l’information inexacte dans le passage suivant :
« Or, une fin de non-recevoir a été envoyée à l’arrondissement d’Outremont par le bureau de la mairesse, avec la mention suivante : cette demande “ne permettant pas d’intégrer des femmes et des représentants de minorités culturelles et ethniques”. » (Denise Bombardier, chronique 1)
Décision
Le Conseil de presse rejette à la majorité (5/6) le grief d’information inexacte sur ce point, car il ne dispose pas des preuves montrant que la journaliste a contrevenu à l’article 9 a) du Guide.
Analyse
Denise Bombardier est la première dans cette série de chroniques sur le même sujet à se prononcer sur le « refus » de nommer la voie piétonne au nom de Camille Laurin dans les médias. Elle base son opinion sur une « fin de non-recevoir […] envoyée à l’arrondissement d’Outremont par le bureau de la mairesse, avec la mention suivante : cette demande “ne permettant pas d’intégrer des femmes et des représentants de minorités culturelles et ethniques” ».
La plaignante Josée Provençal avance que la chronique « présente et propage une fausse nouvelle, l’information présentée est inexacte et démontre l’absence d’une recherche approfondie ». Selon elle, « cette information est fausse, [car] le maire d’Outremont Monsieur Philipe Tomlinson affirme n’avoir eu aucune communication avec le bureau de la mairesse sur le sujet de cette promenade ». Elle estime également que les faits rapportés « ne présentent pas les éléments essentiels devant mener à bien comprendre le refus de la “Ville de Montréal”, du moins du comité de la toponymie ». Selon la plaignante, cette information « crée des tensions inutiles en plus de nuire à la confiance du public envers les politiciens. Cette fausse nouvelle a été reprise comme vous pouvez le voir par plusieurs “journalistes/commentateurs” au sein de Québecor médias et porte aussi préjudice au travail journalistique ».
La plaignante estime que les informations selon lesquelles le « bureau de la mairesse » aurait donné une « fin de non-recevoir » contenant une mention sur l’intégration « des femmes et des minorités ethniques et culturelles » sont inexactes, mais elle n’en fait pas la démonstration. Elle soumet en appui la chronique « Camille Laurin mérite mieux » d’Isabelle Hachey, publiée par La Presse le 21 avril 2021, où l’ancien maire d’Outremont, Philipe Tomlinson « affirme n’avoir jamais eu de correspondance au sujet de la promenade avec le bureau de la mairesse ». Or, ces informations ont été rapportées quatre jours après la publication du texte de Denise Bombardier, le Conseil ne peut donc en tenir compte dans l’analyse de ce point. De plus, les propos de M. Tomlinson ne prouvent pas qu’une « fin de non-recevoir » n’a pas été envoyée à l’arrondissement par le bureau de la mairesse ni qu’elle ne contenait pas la mention sur l’intégration des femmes et des minorités culturelles et ethniques. En l’absence de preuve concluante d’inexactitude, le Conseil ne peut retenir le grief d’information inexacte.
Il aurait toutefois été éclairant pour le public d’avoir les explications de la chroniqueuse – qui par ailleurs, n’a pas répondu à la plainte – au sujet de la « fin de non-recevoir » se trouvant au coeur de son argumentaire.
Il faut comprendre qu’à la Ville de Montréal, une demande d’attribution d’un nom à un lieu public doit être transmise à la Division du patrimoine, qui est conseillée par le comité de toponymie dans l’analyse des dossiers. Les dénominations sont ensuite recommandées au conseil municipal de la Ville, qui rend sa décision en adoptant une résolution.
Au moment de la publication de la chronique de Denise Bombardier, certains éléments semblent contredire l’affirmation de la chroniqueuse voulant que la décision de refuser le nom de Camille Laurin pour la voie piétonne provienne du bureau de la mairesse et que le refus découle du fait que « cette demande “ne [permettait] pas d’intégrer des femmes et des représentants de minorités culturelles et ethniques” ».
En effet, la présidente du comité de toponymie, Marie Lessard, a expliqué au Conseil de presse que « le comité de toponymie de la Ville de Montréal, que je préside, avait recommandé un autre nom (“passage des Scientifiques”) pour la simple raison qu’une rue montréalaise s’appelait déjà Camille-Laurin, alors qu’un des rôles de la toponymie est de permettre un repérage rapide et sécuritaire et que la liste des personnes qu’on souhaite honorer par une inscription dans la toponymie montréalaise est très longue ». Un rapport du comité de toponymie, daté du 27 mars 2019, corrobore cette information. En ce qui concerne l’aspect de la « demande “ne permettant pas d’intégrer des femmes et des représentants de minorités culturelles et ethniques” », Mme Lessard souligne « que des noms d’homme blancs avaient déjà été attribués, sur recommandation du comité de toponymie de la Ville, à certains espaces [du campus MIL] lors de la discussion sur le nom à donner à ce passage, soit Dickie-Moere et Pierre Dansereau ». De plus, dans les jours qui ont suivi la chronique de Denise Bombardier, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a expliqué qu’elle n’était pas au courant du dossier Camille Laurin. Le mardi 20 avril 2021, soit trois jours après la publication de la chronique de Denise Bombardier, Valérie Plante s’est exprimée sur l’affaire à l’émission radiophonique « Tout un matin », indiquant à l’animateur Patrick Masbourian que « contrairement à ce qui a été véhiculé », elle « n’était pas au courant de la décision ». Elle a également annoncé que la voie piétonne du campus MIL de l’Université de Montréal porterait le nom Camille-Laurin.
Pour les membres majoritaires, bien que la combinaison de ces éléments laisse présager que la chroniqueuse se trompe, elle ne prouve pas hors de tout doute que les informations concernant la « fin de non-recevoir » envoyée par « le bureau de la mairesse » étaient fausses. Rien ne démontre que ce document n’existe pas ou que la manière dont Denise Bombardier en a rapporté le contenu n’était pas fidèle à la réalité.
Un membre exprime sa dissidence, car il estime que la chroniqueuse n’a pas respecté l’article 10.2 (2) du Guide, qui stipule que « le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie ». Selon ce membre, la chroniqueuse fonde son opinion sur une « fin de non-recevoir » inconnue du public, sans expliquer d’où elle a obtenu cette information.
Les membres majoritaires, bien qu’ils estiment qu’il aurait été préférable que Mme Bombardier fasse la démonstration de ce qu’elle avance dans sa chronique afin d’éclairer le public, considèrent qu’ils ne disposent pas de la preuve nécessaire pour établir que l’information n’était pas fidèle à la réalité et rejettent le grief d’information inexacte pour absence de preuve.
Les décisions antérieures du Conseil montrent que lorsqu’il examine une allégation d’inexactitude, le Conseil ne peut retenir le grief que s’il a la preuve qu’une information inexacte a été véhiculée. Il revient au plaignant de démontrer que les faits sont inexacts. Dans le dossier D2018-04-037, par exemple, le grief d’information inexacte a été rejeté, car le Conseil ne disposait pas des preuves nécessaires pour conclure à l’information inexacte alléguée. La plaignante affirmait qu’il n’y avait eu qu’un seul suicide parmi les employés de Rouyn-Noranda, et non deux, comme le rapportait le média. Or l’information présentée était imprécise et ne comportait aucune référence dans le temps, il était donc impossible de savoir à quels suicides on faisait référence et de déterminer que l’information était inexacte comme l’alléguait la plaignante.
Dans le cas présent, il n’est pas possible de conclure à une faute d’inexactitude de la part de Denise Bombardier, car la plaignante n’apporte pas les preuves nécessaires pour démontrer sans équivoque que l’information est inexacte. Dans ce contexte, les membres majoritaires donnent le bénéfice du doute à la chroniqueuse, tout en précisant qu’il aurait été préférable qu’elle fournisse au public la démonstration de ce qu’elle affirme lorsqu’elle dit: « Or, une fin de non-recevoir a été envoyée à l’arrondissement d’Outremont par le bureau de la mairesse ».
1.2 Chronique de Normand Lester
À la suite de la publication de la chronique de Denise Bombardier, trois autres chroniqueurs, se basant sur les informations de Denise Bombardier, ont également fait l’objet de plaintes au Conseil de presse. Il s’agit de Normand Lester, dans une chronique intitulée « La mairesse insulte la mémoire de Camille Laurin », de Richard Martineau dans sa chronique « “Hommes blancs” interdits à Montréal? » et de Benoît Dutrizac dans le segment radio : « La Ville de Montréal refuse de rendre hommage à Camille Laurin parce qu’il est un homme blanc » .
Le Conseil doit déterminer si Normand Lester a produit de l’information inexacte dans le passage suivant :
« Raison invoquée pour justifier l’insulte : C’EST UN HOMME BLANC. Le bureau de la mairesse Valérie Plante explique que la demande est refusée, parce qu’elle “ne permettait pas d’intégrer plus de femmes et plus de représentants de minorités culturelles et ethniques”. » (Normand Lester, chronique 2)
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’information inexacte sur ce point.
Analyse
Pour Josée Provençal, l’information rapportée par Normand Lester est « fausse » et « crée des tensions inutiles en plus de nuire à la confiance du public envers les politiciens ». Elle déplore que « cette fausse nouvelle [ait] été reprise […] par plusieurs “journalistes/commentateurs” au sein de Québecor Média » et soutient qu’elle « porte aussi préjudice au travail journalistique ». La plaignante avance que « ces “journalistes/commentateurs” rapportent des éléments inexacts qui ne semblent pas avoir pris le soin de vérifier et contre-vérifier, ce qui démontre un flagrant manque de rigueur ».
De la même manière qu’au sous-grief 1.1, la plaignante n’apporte pas les preuves nécessaires pour établir que l’information rapportée par Normand Lester était inexacte. Par ailleurs, la plaignante n’apporte pas d’arguments précis concernant les informations contenues dans la chronique de Normand Lester.
Les membres sont unanimes sur ce point, car le chroniqueur explique au lecteur qu’il fonde son opinion sur les informations rapportées dans la chronique de Denise Bombardier « Pourquoi Montréal lève le nez sur Camille Laurin ». Dans sa chronique publiée le même jour, Normand Lester indique d’entrée de jeu qu’il se base sur le texte de sa collègue pour faire valoir son point de vue : « Denise Bombardier dénonce avec vigueur l’humiliation que la Ville de Montréal inflige à la mémoire du père de la loi 101, le Dr Camille Laurin en refusant de donner son nom à un simple passage piétonnier, comme le propose la Société d’Histoire d’Outremont. » Un hyperlien sur les termes « dénonce avec vigueur » mène au texte de Denise Bombardier. Normand Lester reprend ensuite les informations rapportées par la chroniqueuse :
« Raison invoquée pour justifier l’insulte : C’EST UN HOMME BLANC. Le bureau de la mairesse Valérie Plante explique que la demande est refusée, parce qu’elle “ne permettait pas d’intégrer plus de femmes et plus de représentants de minorités culturelles et ethniques”. »
Considérant le manque de preuve pour trancher de l’exactitude des informations, le Conseil ne peut conclure à un manquement déontologique de la part du chroniqueur.
1.3 Chronique de Richard Martineau
Le Conseil doit déterminer si le Journal de Montréal a produit de l’information inexacte dans le paragraphe introductif d’une chronique de Richard Martineau:
« Ainsi, la Ville de Montréal refuse de donner le nom de Camille Laurin à un passage piétonnier à Outremont parce que le père de la loi 101 était “un homme blanc”. » (Richard Martineau, chronique 3)
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’information inexacte sur ce point.
Analyse
Josée Provençal soutient que l’information rapportée dans cette chronique de Richard Martineau est « fausse » et « crée des tensions inutiles en plus de nuire à la confiance du public envers les politiciens ». Elle déplore que « cette fausse nouvelle [ait] été reprise […] par plusieurs “journalistes/commentateurs” au sein de Québecor Média » et soutient qu’elle « porte aussi préjudice au travail journalistique ». La plaignante avance que « ces “journalistes/commentateurs” rapportent des éléments inexacts qui ne semblent pas avoir pris le soin de vérifier et contre-vérifier, ce qui démontre un flagrant manque de rigueur ».
Le plaignant Jérémy Bouchez considère que « cette phrase (et l’ensemble de l’article) induit clairement les lectrices et lecteurs en erreur en subodorant que la mairesse Valérie Plante a sciemment décidé de refuser de nommer le passage Camille Laurin parce que c’est un homme blanc, ce qui est absolument faux ». Pour le plaignant, « c’est de la fausse information dans le but de servir les intérêts et la posture politique du journaliste en question. C’est grave ».
Contrairement à ce que suggère Jérémy Bouchez, le chroniqueur n’écrit pas que « Valérie Plante a sciemment décidé de refuser de nommer le passage Camille Laurin parce que c’est un homme blanc ». Richard Martineau écrit que le refus provient de la Ville de Montréal, ce qui est fidèle à la réalité. Dans le cadre d’une demande d’attribution d’un nom à un lieu public, le Comité de toponymie de la Ville de Montréal présente ses recommandations au conseil municipal de la Ville, qui rend sa décision en adoptant une résolution. Considérant que le comité de toponymie et le conseil municipal sont des entités de la Ville de Montréal, il n’était pas inexact d’écrire que le refus provenait de la Ville.
En ce qui concerne la raison du refus avancée par Richard Martineau, parce « que le père de la loi 101 était “un homme blanc” », les plaignants n’apportent pas les preuves nécessaires pour établir que cette information est inexacte. Dans ce contexte, le comité des plaintes ne peut retenir une faute déontologique contre le chroniqueur.
1.4 Segment radio de Benoit Dutrizac
Le Conseil doit déterminer si Benoit Dutrizac a produit de l’information inexacte dans le passage suivant :
« La Ville de Montréal refuse de rendre hommage au père de la loi 101 Camille Laurin parce que c’est un homme blanc. » (Benoit Dutrizac, segment radio)
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’information inexacte sur ce point.
Analyse
Pour Josée Provençal, l’information rapportée par l’animateur est « fausse » et « crée des tensions inutiles en plus de nuire à la confiance du public envers les politiciens ». Elle déplore que « cette fausse nouvelle [ait] été reprise […] par plusieurs “journalistes/commentateurs” au sein de Québecor Média » et soutient qu’elle « porte aussi préjudice au travail journalistique ». La plaignante avance que « ces “journalistes/commentateurs” rapportent des éléments inexacts qui ne semblent pas avoir pris le soin de vérifier et contre-vérifier, ce qui démontre un flagrant manque de rigueur ».
À son émission de radio, le 19 avril 2021, Benoit Dutrizac débute le segment visé par la plainte avec les propos suivants : « C’est une nouvelle qui n’est pas banale, la Ville de Montréal qui refuse de rendre hommage au père de la loi 101, Camille Laurin, parce que c’est un homme blanc. C’est simple. C’est tout. C’est tout ce qu’il y a à dire. »
Tel qu’expliqué au sous-grief 1.3, considérant que le comité de toponymie et le conseil municipal sont des entités de la Ville de Montréal, il n’était pas inexact de dire que le refus provenait de la Ville.
En ce qui concerne l’information selon laquelle la Ville aurait refusé le nom de Camille Laurin « parce c’est un homme blanc », la plaignante n’apporte pas les preuves nécessaires pour établir que cette information est inexacte. Par ailleurs, Josée Provençal ne fournit pas d’arguments précis concernant les informations rapportées par Benoit Dutrizac.
De la même manière que pour les sous-griefs 1.1. à 1.3, le comité des plaintes ne peut en conclure à un manquement déontologique de la part de l’animateur dans un contexte où il ne dispose pas de la preuve nécessaire pour trancher.
Commentaire éthique
Bien que le grief d’information inexacte visant Denise Bombardier ait été rejeté à la majorité, le Conseil souligne qu’il aurait été pertinent pour le public d’avoir des explications concernant la « fin de non-recevoir […] envoyée à l’arrondissement d’Outremont » sur laquelle la chroniqueuse se base pour fonder son opinion. Le lecteur ne sait pas à quel moment ni par qui ce message aurait été envoyé. De plus, la chroniqueuse ne précise pas comment elle a obtenu copie de cette communication. Ces détails auraient permis au public d’évaluer si les informations rapportées par la chroniqueuse étaient fidèles à la réalité.
Par ailleurs, à la suite de la controverse engendrée par sa chronique, Denise Bombardier a écrit un deuxième texte intitulé « Camille Laurin : l’étrange distraction de Valérie Plante », publié le 20 avril 2021. Considérant que plusieurs personnes, dont la mairesse Valérie Plante, avaient démenti les informations sur la « fin de non-recevoir », la chroniqueuse aurait pu y fournir des explications sur cette « fin de non-recevoir »pour prouver l’exactitude de ses propos. Or cette chronique ne contient aucune information supplémentaire sur la « fin de non-recevoir » au centre de « l’affaire Camille-Laurin ».
Griefs non traités : partialité et équilibre
Josée Provençal estime que les chroniqueurs « ne semblent pas être impartiaux, dans la mesure où ils semblent avoir un parti pris contre la mairesse de Montréal » et qu’« il n’y a pas d’équilibre puisque l’on nous expose qu’un seul côté de cette histoire ».
Cependant, l’article 10.2 (3) du Guide sur le journalisme d’opinion prévoit que « l’information que le journaliste d’opinion présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. » Les journalistes d’opinion ne sont donc pas soumis aux devoirs d’impartialité et d’équilibre.
Note Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal et de QUB Radio, qui ne sont pas membres du Conseil de presse, et qui n’ont pas répondu à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette à la majorité (5/6) les plaintes de Josée Provençal et de trois plaignants en appui au sujet de la chronique de Denise Bombardier publiée sur le site web du Journal de Montréal. Les plaintes de Josée Provençal, de Jérémy Bouchez et de trois plaignants en appui au sujet des chroniques de Normand Lester et de Richard Martineau, publiées sur le site web du Journal de Montréal, et du segment radio animé par Benoit Dutrizac, diffusé sur les ondes de QUB Radio, sont rejetées à l’unanimité.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
François Aird, président du comité des plaintes
Mathieu Montégiani
Représentants des journalistes :
Simon Chabot-Blain
Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse :
Marie-Andrée Chouinard
Jean-Philippe Pineault