D2021-10-182

Plaignants

Kim Noël 

Daniel St-Hilaire

1 plaignante en appui

Mis en cause

Le quotidien Le Journal de Québec

Le quotidien Le Journal de Montréal

Québecor Média

Date de dépôt de la plainte

Le 20 octobre 2021

Date de la décision

Le 31 mars 2023

Résumé de la plainte 

Kim Noël, Daniel St-Hilaire et une plaignante en appui déposent une plainte le 20 octobre 2021 au sujet de l’article « Doublement vacciné et en forme à 73 ans : contaminé à mort par son vendeur de thermopompes antivaccins », publié dans Le Journal de Québec et Le Journal de Montréal le 20 octobre 2021. Les plaignants déplorent un titre sensationnaliste.

Contexte

Au moment de la parution de l’article en cause, le Québec faisait face à la quatrième vague de la pandémie de COVID-19, causée principalement par le variant Delta. L’Institut national de santé publique (INSPQ) estimait alors qu’un peu plus de 75 % des Québécois1 étaient adéquatement vaccinés, ayant reçu deux doses. Des mesures sanitaires telles que la distanciation sociale, le port du masque d’intervention et le passeport vaccinal étaient en vigueur dans la province. Malgré les mesures des gouvernements fédéral, provincial et les recommandations de l’INSPQ, une frange de la population refusait de se conformer aux mesures sanitaires et de se faire inoculer, invoquant les libertés individuelles. Cette situation faisait l’objet d’un débat très polarisant au sein des médias et de la population en général.

Dans l’article visé par cette plainte, on rapporte que Raymond Doré, un résident de Mont-Laurier âgé de 73 ans, est mort des suites de la COVID-19, le 3 octobre 2021, après avoir reçu la visite « d’un employé d’une compagnie de chauffage non vacciné et porteur du virus qui ne respectait pas les mesures sanitaires », deux semaines plus tôt. La veuve du défunt affirme que la visite de cet employé a coûté la vie à son mari, une opinion que semblent partager leurs trois filles. La journaliste précise cependant que « Le Journal n’a pas pu confirmer scientifiquement d’où venait la contamination ».

1 Source : https://www.inspq.qc.ca/covid-19/donnees/ligne-du-temps. Voir la rubrique « Ensemble des événements et mesures liés à la COVID-19 en ordre chronologique ». (Consulté en mars 2023) 

Grief des plaignants

Grief 1 : titre sensationnaliste

Principes déontologiques applicables

Sensationnalisme : « Les journalistes et les médias d’information ne déforment pas la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’ils rapportent. » (article 14.1 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)

Illustrations, manchettes, titres et légendes : « Le choix et le traitement des éléments accompagnant ou habillant une information, tels que les photographies, vidéos, illustrations, manchettes, titres et légendes, doivent refléter l’information à laquelle ces éléments se rattachent. » (article 14.3 du Guide)

Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont déformé la réalité en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements dans le titre « Doublement vacciné et en forme à 73 ans : contaminé à mort par son vendeur de thermopompes antivaccins ».

Décision

Le Conseil de presse du Québec retient le grief de titre sensationnaliste, car il estime que Le Journal de Québec et Le Journal de Montréal ont contrevenu aux articles 14.1 et 14.3 du Guide. Puisque le média est responsable des titres, la journaliste n’est pas visée.

Analyse

Kim Noël déplore dans sa plainte que le titre de l’article rapporte « qu’un homme est mort contaminé par son vendeur de thermopompes et [qu’]on utilise le terme “antivaccin”. Alors qu’en réalité on ne sait pas d’où vient la contamination. » Elle ajoute que « Le Journal fait une grosse nouvelle à l’effet que Raymond Doré est mort [parce] qu’il aurait été possiblement contaminé par une personne non vaccinée, et pourtant il n’y a pas de preuve scientifique pour prouver d’où venait la contamination et aussi de quoi il est mort […] Comment se fait-il qu’on fasse une nouvelle sensationnelle avec cela alors qu’on ne sait même pas d’où vient la contamination? »

Pour sa part, Daniel St-Hilaire estime « [qu’]il y a carrément interprétation des faits et des événements. Aucune preuve scientifique n’a été présentée par la journaliste pour démontrer une corrélation entre la venue du technicien et l’état de santé du défunt. »

À la lecture de l’article, on constate que la journaliste se montre circonspecte en rapportant  que la théorie selon laquelle le vendeur de thermopompes aurait contaminé Raymond Doré n’est qu’une hypothèse avancée par la famille du défunt. Les soupçons pesant sur l’employé non vacciné n’étaient appuyés par aucune preuve à ce moment-là, ce qu’elle prend la peine de préciser dans la phrase « Le Journal n’a pas pu confirmer scientifiquement d’où venait la contamination, ce pour quoi nous ne nommons ni la compagnie ni l’employé, mais tout indique que l’hypothèse de la famille est vraie. »

Un titre est conçu pour attirer l’attention du lecteur, mais il ne doit pas pour autant déformer abusivement les faits. Comme le rappelle la décision antérieure D2018-01-004, « il est important de distinguer un titre accrocheur d’un titre sensationnaliste, en termes de déontologie journalistique. Un titre rédigé pour attirer l’attention du lecteur n’est pas sensationnaliste à moins qu’il ne déforme les faits. Le sensationnalisme implique une exagération abusive ou une interprétation qui ne représente pas la réalité. » Or, dans le cas dont il est question ici, le titre déforme abusivement le contenu de l’article, puisqu’il présente comme un fait avéré ce qui n’était qu’une hypothèse, ne laissant planer aucun doute sur l’origine de la contamination à la COVID-19 qui aurait coûté la vie à M. Doré. 

L’emploi d’un verbe au conditionnel dans le titre ou l’ajout d’un point d’interrogation aurait permis de communiquer fidèlement l’incertitude qui planait au moment de la publication. Le titre écarte plutôt toute nuance en établissant un lien de cause à effet entre la visite de l’employé non vacciné et la mort de Raymond Doré. 

Note

Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Québec et du Journal de Montréal, qui ne sont pas membres du Conseil de presse et n’ont pas répondu à la présente plainte.

Conclusion

Le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Kim Noël, Daniel St-Hilaire et une plaignante en appui visant l’article « Doublement vacciné et en forme à 73 ans : contaminé à mort par son vendeur de thermopompes antivaccins », publié le 20 octobre 2021, et blâme Le Journal de Québec et Le Journal de Montréal concernant le grief de titre sensationnaliste.

Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)

La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :

Représentants du public

Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes

Charles-Éric Lavery

Représentants des journalistes

Simon Chabot-Blain

Sylvie Fournier

Représentants des entreprises de presse

Jeanne Dompierre

Éric Grenier