D2021-11-198

Plaignant

Anthony Parisien, copropriétaire, directeur de projets pour Les Habitations Raymond Guay et Associés inc.

Mis en cause

Denis Bélanger, journaliste

L’hebdomadaire L’Oeil régional

DBC Communication

Date de dépôt de la plainte

Le 2 novembre 2021

Date de la décision

Le 28 avril 2023

Résumé de la plainte 

Anthony Parisien, copropriétaire et directeur de projets pour Les Habitations Raymond Guay et Associés inc., dépose une plainte le 2 novembre 2021 au sujet de la une intitulée « Expulsé en pleine pénurie de logements – Son logement sera démoli » et de l’article « Un logement deux fois plus cher – Yves Dalpé doit quitter un logement à prix abordable » du journaliste Denis Bélanger publiés dans l’hebdomadaire L’Oeil régional, le 15 septembre 2021. La plainte vise également la version modifiée de l’article. Le plaignant déplore des informations inexactes, un manque d’équilibre et un correctif insuffisant. 

Contexte

L’article « Un logement deux fois plus cher – Yves Dalpé doit quitter un logement à prix abordable » présente l’histoire d’un résident de Mont-Saint-Hilaire, Yves Dalpé, qui a reçu un avis l’informant que l’immeuble qu’il habite sera démoli. Le journaliste rapporte les démarches de M. Dalpé pour se reloger et l’impact que cela aura sur son budget. Le journaliste mentionne également que le projet qui sera réalisé à cet emplacement ne fait pas l’unanimité.

Le plaignant dans ce dossier est copropriétaire et directeur de projets pour Les Habitations Raymond Guay et Associés inc. (“HRGA”), l’entreprise propriétaire de l’immeuble dont il est question dans l’article visé par la plainte.

Griefs du plaignant

Grief 1 : informations inexactes

Principe déontologique applicable

Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : exactitude : fidélité à la réalité ». (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)

1.1 Surtitre de la une

Le Conseil doit déterminer si le média a transmis de l’information inexacte dans le surtitre de la une « Expulsé en pleine pénurie de logements ».

Décision

Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’information inexacte sur ce point.

Analyse

Le plaignant affirme qu’Yves Dalpé n’a « jamais été expulsé de son logement. Les Habitations Raymond Guay et Associés inc. (“HRGA”) a plutôt avisé M. Dalpé qu’elle entendait obtenir un permis de démolition pour l’immeuble dans lequel ce dernier réside et lui a offert la possibilité d’en venir à une entente pour le départ de ce dernier ». Il ajoute que M. Dalpé « n’était aucunement dans l’obligation de quitter son logement. De fait, au moment de publier l’article, M. Dalpé habitait toujours son logement et aucun permis de démolition n’avait été délivré par la Ville de Beloeil. »

Le directeur de l’information de L’Oeil régional, Vincent Guilbault, affirme que « l’utilisation du mot est justifiée et conforme à la réalité ». Il souligne que « dans la lettre “Avis d’intention de démolition d’immeubles” envoyée à Yves Dalpé, le 27 août 2021, le plaignant utilise lui-même le terme “expulsé de l’immeuble” ». 

Dans l’avis transmis à M. Dalpé par le propriétaire de l’immeuble, on lit : 

« Par ailleurs et par la présente, vous êtes formellement avisé que notre cliente entame un processus de démolition de l’Immeuble. Par le fait même, vous serez expulsé de l’Immeuble suite à l’émission de l’autorisation de démolition de l’immeuble émise par l’autorité compétente, conformément aux dispositions pertinentes de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. »

Le média a choisi le surtitre « Expulsé en pleine pénurie de logements », pour accompagner  le titre « Son logement sera démoli ». Ce faisant, il a bien reflété la réalité puisque le locataire allait être expulsé en raison du processus de démolition de l’immeuble, même s’il y vivait toujours au moment du reportage. Le média a choisi d’utiliser précisément le même terme « expulsé » qui se retrouvait dans l’avis transmis au locataire et dont le journaliste a pris connaissance. L’utilisation du verbe « expulsé » dans le surtitre de la une est donc fidèle à la réalité.

Dans le passé, le Conseil a statué que le choix des mots relève de la liberté éditoriale des médias. Ils doivent cependant « peser l’emploi des mots qu’ils utilisent, être fidèles aux faits et faire preuve de rigueur dans l’information afin de ne pas induire le public en erreur sur la vraie nature des situations ou encore l’exacte signification des événements », comme le rappelle la décision D2017-03-051

Dans le cas présent, au vu de l’avis transmis à M. Dalpé, il n’était pas inexact d’affirmer dans le surtitre « Expulsé en pleine pénurie de logements », puisqu’il devait quitter son logement en raison du projet de démolition présenté dans l’avis qu’il avait reçu, même s’il y vivait toujours au moment de la publication de l’article.

1.2 Coût du loyer

Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont transmis de l’information inexacte dans le passage suivant de l’article : 

« Une bien mauvaise nouvelle est tombée sur la tête d’Yves Dalpé. Le coût de son loyer va quasiment doubler. Il doit donc quitter son deux et demi à Mont-Saint-Hilaire dont le bail s’élevait à un peu plus de 400 $ par mois. »

Décision

Le Conseil rejette le grief d’information inexacte sur ce point.

Analyse

Le plaignant indique que « le loyer de M. Dalpé n’a jamais été augmenté par HRGA. »

Bien que le plaignant interprète le texte comme voulant dire que le propriétaire a augmenté le loyer, ce n’est pas ce qui est indiqué dans l’article. Même si la formulation « Le coût de son loyer va quasiment doubler » peut paraître imprécise, le journaliste n’a pas écrit que HRGA avait augmenté le loyer de M. Dalpé. 

Une lecture complète de l’article permet de comprendre que dans le contexte où le propriétaire de l’immeuble (HRGA) a indiqué son projet de démolir l’édifice, le locataire a dû chercher à se reloger et le logement trouvé lui coûtera deux fois plus que son loyer actuel. L’article indique : « Yves Dalpé s’est trouvé un toit temporaire situé à 35 minutes de sa demeure et qui lui coûterait près de 800 $. » Le lecteur comprend bien que la hausse des frais de loyer de M. Dalpé est liée à son déménagement plutôt qu’à une augmentation imposée par le propriétaire.

L’inexactitude alléguée par le plaignant tient donc de l’interprétation qu’il fait de ce passage de l’article. Dans un cas d’interprétation semblable (D2019-07-089), le Conseil a également rejeté le grief d’information inexacte. Il avait déterminé que le passage de l’article mis en cause visait une description de chacune des spécialités de la dentisterie et que cet extrait « ne permet pas de conclure que les dentistes généralistes ne peuvent pas effectuer des traitements plus complexes ou qu’il s’agit de champs de pratique exclusifs aux dentistes spécialistes, comme l’avance le plaignant ».

De la même façon, dans le cas du présent dossier, le plaignant substitue son interprétation de l’article à son contenu réel lorsqu’il affirme que l’article laisse entendre que le propriétaire du logement d’Yves Dalpé a augmenté le loyer. 

Les mis en cause indiquent : « Le journal a reconnu que le passage pouvait être mal interprété. C’est pourquoi le passage a été modifié rapidement et selon les règles de l’art de la profession dans l’article paru en ligne pour se lire comme ceci : “Il doit quitter son deux et demi à Mont-Saint-Hilaire dont le bail s’élevait à un peu plus de 400 $ par mois. Il a réussi à trouver un autre logement, mais qui coûte le double du prix.” » Ils ajoutent qu’une précision a également été publiée dans la version imprimée du journal.

Le fait que le média ait choisi d’apporter une précision à son article est un choix qui lui revient et ne constitue pas l’admission d’une erreur déontologique comme le rappelle la décision D2019-04-059. Dans ce dossier, la plaignante s’étant plainte au média, celui-ci avait effectué un correctif, une décision qui lui revenait. Malgré ce correctif, le Conseil a rejeté le grief parce qu’il a jugé qu’il n’y avait eu aucun manquement à la déontologie.  

Pareillement, dans le cas présent, bien que le média ait ajouté une précision afin d’éviter tout malentendu au sujet de l’augmentation du loyer, il n’y avait  pas d’inexactitude dans la version initiale de l’article pour autant. 

Grief 2 : manque d’équilibre

Principe déontologique applicable

Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : d) équilibre : dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération du point de vue des parties en présence ». (article 9 d) du Guide)

Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont manqué d’équilibre.

Décision

Le Conseil rejette le grief de manque d’équilibre.

Analyse 

Le plaignant déplore que « la seule tentative par M. Bélanger de contacter HRGA a été de laisser un courriel dans la boîte générale de celle-ci en indiquant uniquement que ce dernier était en train de rédiger un article sur le projet envisagé au 125-127 rue Messier, sans mentionner de contenu particulier ou de date de parution. Le courriel de M. Bélanger était sibyllin, à contretemps et trompeur. »

Les mis en cause considèrent quant à eux  avoir agi adéquatement en « permettant au plaignant de s’exprimer publiquement quelques jours avant la parution du texte ». Ils indiquent que le journaliste a fait parvenir un courriel à l’entreprise du plaignant indiquant qu’il préparait un reportage sur le projet de la rue Martel/Messier à Mont-Saint-Hilaire et lui demandant s’il avait des commentaires à faire sur ce projet. Le journaliste y précisait  également son jour de tombée.

L’article présente l’expérience d’un locataire qui a dû chercher à se reloger à la suite d’un avis de démolition envoyé par le propriétaire de l’immeuble abritant son logement. Ses démarches s’inscrivent dans le contexte d’un marché immobilier où les prix sont en forte hausse. 

Le principe déontologique définit l’équilibre comme la « présentation d’une juste pondération du point de vue des parties en présence ». Le journaliste a pris des moyens suffisants pour recueillir le point de vue du plaignant. 

Dans le courriel transmis au propriétaire de l’immeuble, le journaliste lui indique clairement sa date de tombée, qui était quelques jours plus tard, ce qui laissait un délai de réponse suffisant au plaignant. De plus, à la fin de son article, le journaliste fait état de ses démarches auprès du propriétaire : « L’Œil Régional a tenté d’obtenir des commentaires des Habitations Raymond Guay, mais aucun représentant n’a été en mesure de rappeler le journaliste au moment de mettre sous presse. » 

Lorsqu’un journaliste a tenté de joindre sans succès l’une des parties en présence dans un dossier en lui laissant un délai raisonnable de réponse, et qu’il en informe le public, le Conseil rejette le grief de manque d’équilibre comme ce fut le cas dans la décision  D2021-06-102. Dans ce dossier,  le Conseil a jugé que le journaliste avait tenté de joindre l’homme qui était visé par des allégations d’entorses à l’éthique et qu’il « lui a donné amplement le temps de répondre, mais celui-ci ne lui a pas accordé d’entrevue, ce qu’a précisé M. Noël [le journaliste] dans son article ». 

De la même façon, dans le cas présent, on ne saurait reprocher au journaliste l’absence de réponse du plaignant alors qu’il a pris des moyens raisonnables pour le joindre. L’article précise que des efforts ont été faits pour obtenir le point de vue du plaignant au sujet du projet de démolition de l’immeuble. 

Grief 3 : correctif insuffisant

Principe déontologique applicable

Correction des erreurs : « Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. » (article 27.1 du Guide)

Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont manqué à leur devoir de correction des erreurs.

Décision

Le Conseil rejette le grief de correctif insuffisant.

Analyse

Le Conseil n’ayant constaté aucun manquement déontologique aux griefs précédents, le média n’avait pas à effectuer de correctif à l’article publié.

Conclusion

Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte d’Anthony Parisien, copropriétaire et directeur de projets pour Les Habitations Raymond Guay et Associés inc. visant le titre de la une « Expulsé en pleine pénurie de logements – Son logement sera démoli » et l’article « Un logement deux fois plus cher – Yves Dalpé doit quitter un logement à prix abordable » du journaliste Denis Bélanger publiés dans l’hebdomadaire L’Oeil régional, le 15 septembre 2021 concernant les griefs d’informations inexactes, de manque d’équilibre et de correctif insuffisant. 

La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :

Représentants du public

Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes

Mathieu Montégiani

Représentants des journalistes

Lisa-Marie Gervais

Daniel Leduc

Représentants des entreprises de presse

Stéphan Frappier

Éric Grenier