D2021-11-208
Plaignante
Geneviève Denis
Mis en cause
Le Journal de Montréal
Québecor Média
Date de dépôt de la plainte
Le 12 novembre 2021
Date de la décision
Le 31 mars 2023
Résumé de la plainte
Geneviève Denis dépose une plainte le 12 novembre 2021 au sujet de l’article « Nouveau procès parce qu’il est anglo » publié dans Le Journal de Montréal, le 11 novembre 2021. La plaignante déplore un titre inexact et un titre sensationnaliste. Le journaliste n’est pas mis en cause dans ce grief, parce que le titre relève de la responsabilité du média.
Contexte
L’article mis en cause rapporte qu’« un trafiquant de drogue anglophone condamné à 15 ans de prison après avoir été pincé avec la plus grosse quantité de crystal meth jamais saisie à Montréal aura droit à un nouveau procès, car ses droits linguistiques n’ont pas été respectés par le tribunal. » En tant qu’anglophone, l’accusé avait droit à un procès dans la langue de son choix, cependant « le français s’est vite installé dans la salle d’audience […] Un nouveau procès, en anglais cette fois », a été ordonné par le juge Robert M. Mainville.
Griefs de la plaignante
Grief 1 : titre inexact
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Illustrations, manchettes, titres et légendes : « Le choix et le traitement des éléments accompagnant ou habillant une information, tels que les photographies, vidéos, illustrations, manchettes, titres et légendes, doivent refléter l’information à laquelle ces éléments se rattachent. » (article 14.3 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le média a produit de l’information fidèle à la réalité en titrant son article « Nouveau procès parce qu’il est anglo ».
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de titre inexact.
Analyse
La plaignante considère que le titre « Nouveau procès parce qu’il est anglo » est inexact. Elle estime que cette inexactitude est confirmée par le début de l’article où l’on peut lire : « Un trafiquant anglophone condamné à 15 ans de prison après avoir été pincé avec la plus grosse quantité de crystal meth jamais saisie à Montréal aura droit à un nouveau procès, car ses droits linguistiques n’ont pas été respectés par le tribunal. »
Le titre est accompagné du sous-titre « La cause du trafiquant s’était passée surtout en français ». Dans l’article, il est question du fait que le procès s’était principalement déroulé en français, en dépit du fait que selon le Code criminel, « un accusé a le droit de choisir de subir son procès dans la langue officielle de son choix », qui, dans le cas rapporté, était l’anglais.
Bien que la plaignante estime que le titre « laisse croire qu’il en est tout autre » et qu’ainsi formulé, il « alimente la rage de certain[s] francophone[s] envers “les Anglais” », il s’agit d’un titre factuel qui reflète le contenu de l’article, puisqu’il y a un lien direct entre le fait que l’accusé, qui est anglophone, aura droit à un nouveau procès puisque son procès initial s’était principalement tenu en français, ce qui n’était pas son choix.
De plus, le sens du titre est précisé dans le corps de l’article, comme le veut l’article 14.3 du Guide. Dans la décision antérieure D2020-03-043, le Conseil a jugé que le titre « Les assureurs coupent les ailes aux snowbirds » ne comportait pas d’inexactitude. Le plaignant affirmait que le titre de la chronique avait suscité chez plusieurs snowbirds un « vent de panique » et il déplorait qu’« il f[aille] lire attentivement l’article pour comprendre que le titre est trompeur ». Le Conseil a cependant constaté que « le titre fait directement écho à ce que dit la chronique, qui reprend l’avis émis par l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP), […] [qui] met en garde les voyageurs qui voudraient poursuivre leur séjour à l’étranger, et faire ainsi fi de l’avis émis par le gouvernement canadien exhortant à ses ressortissants de rentrer au pays ».
Dans le cas présent, bien que le titre choisi par le média soit concis, il est immédiatement suivi d’un sous-titre descriptif et il ne comporte pas d’inexactitude puisqu’il fait référence à ce qui est mentionné dans l’article, à savoir que c’est parce que l’accusé est anglophone et que son procès s’est déroulé principalement en français – ce qui n’était pas la langue de son choix – qu’il a droit à un nouveau procès.
Grief 2 : titre sensationnaliste
Principe déontologique applicable
Sensationnalisme : « Les journalistes et les médias d’information ne déforment pas la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’ils rapportent. » (article 14.1 du Guide)
Illustrations, manchettes, titres et légendes : « Le choix et le traitement des éléments accompagnant ou habillant une information, tels que les photographies, vidéos, illustrations, manchettes, titres et légendes, doivent refléter l’information à laquelle ces éléments se rattachent. » (article 14.3 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le média déforme la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements dans le titre : « Nouveau procès parce qu’il est anglo ».
Décision
Le Conseil rejette le grief de titre sensationnaliste.
Analyse
La plaignante reprend ici les mêmes arguments que pour le grief précédent. Elle s’inquiète de l’interprétation qui pourrait être faite du titre, qu’elle considère sensationnaliste, estimant qu’il pourrait « alimente[r] la rage de certain[s] francophone[s] envers « les Anglais ». »
Pour qu’un titre soit jugé sensationnaliste, il faut qu’il y ait eu une exagération ou une interprétation abusive des faits qui a pour conséquence de déformer la réalité. Or, dans le cas présent, aucun élément ne vient appuyer une interprétation abusive des faits. La référence au statut linguistique de l’accusé dans le titre n’exagère pas la réalité. Au Canada, le terme « anglo » désigne une personne dont la langue maternelle est l’anglais (« an English-speaking Canadian », selon le Collins Dictionary). Or, à titre d’anglophone, l’accusé a souhaité un procès dans sa langue, ce qui relève de son droit.
Bien qu’un titre puisse frapper l’imaginaire et attirer le lecteur par son style, il n’en est pas pour autant sensationnaliste du moment où il ne déforme pas les faits par une interprétation abusive ou une exagération manifeste de la réalité. Dans le dossier D2021-04-071, le Conseil devait déterminer si le sous-titre « Alors, Justin, est-ce qu’on coupe rapidement les liens avec l’Inde cette fois-ci? » était sensationnaliste. Le plaignant considérait que le sous-titre interprétait « abusivement la portée du fait rapporté : arrivée du “variant indien” ». Le Conseil a cependant jugé que le sous-titre ne déformait pas la réalité de façon abusive puisqu’au moment de la publication, « on parlait communément du variant de l’Inde et pas encore du variant Delta » et que, « bien que l’interpellation du premier ministre “Alors, Justin, est-ce qu’on coupe rapidement les liens avec l’Inde cette fois-ci?” puisse sembler familière, elle ne constitu[ait] pas une exagération des faits. »
Pareillement, dans le cas présent, le titre « Nouveau procès parce qu’il est anglo », ne déforme pas la réalité et n’exagère pas abusivement la portée réelle des faits qu’il décrit. Il fait référence au statut linguistique de l’accusé, un anglophone, qui n’a pas été respecté lors du procès initial, et au nouveau procès ordonné par la Cour d’appel.
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal qui n’est pas membre du Conseil de presse, et n’a pas répondu à la présente plainte.
Conclusion
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Geneviève Denis visant l’article « Nouveau procès parce qu’il est anglo » publié sur le site Internet du Journal de Montréal le 11 novembre 2021 concernant les griefs de titre inexact et de titre sensationnaliste.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public
Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes
Charles-Éric Lavery
Représentants des journalistes
Simon Chabot-Blain
Sylvie Fournier
Représentants des entreprises de presse
Jeanne Dompierre
Éric Grenier