D2021-11-215
Plaignant
Francis Tenta
Mis en cause
Émission « Salut Bonjour »
TVA
Groupe TVA
Québecor
Date de dépôt de la plainte
Le 17 novembre 2021
Date de la décision
Le 28 avril 2023
Résumé de la plainte
Francis Tenta dépose une plainte le 17 novembre 2021 au sujet d’un segment de l’émission « Salut Bonjour » diffusé le même jour sur les ondes de TVA. Le plaignant déplore de la discrimination.
Contexte
Dans le passage de l’émission matinale « Salut Bonjour » visé par la plainte, le journaliste Georges Pothier s’entretient en direct avec l’ex-agent du Service de police de Laval et analyste en intervention policière Daniel Cléroux, au sujet de la mort de Thomas Trudel, un adolescent de 16 ans tué par balle alors qu’il rentrait chez lui à Montréal-Nord. À ce moment, il s’agissait du troisième homicide d’un adolescent à Montréal en quelques mois. Cela s’inscrivait également dans un contexte où on observait une augmentation de la violence par armes à feu dans la métropole.
C’est dans ce contexte que le journaliste demande à son invité, M. Cléroux, si les efforts policiers donnent quelque chose. L’analyste en intervention policière évoque notamment les initiations qui ont lieu au sein des gangs de rue.
Grief du plaignant
Grief 1 : discrimination
Principe déontologique applicable
Discrimination : « (1) Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés. » (article 19 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont diffusé des propos discriminatoires pouvant entretenir les préjugés et/ou attiser la haine et le mépris envers les « groupes racisés » lorsque l’invité Daniel Cléroux affirme : « Le jeune Thomas n’a pas du tout le profil d’être quelqu’un qui fait partie d’un gang, un, de par sa nationalité (…) ».
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de discrimination.
Analyse
Le plaignant considère que les propos de l’invité Daniel Cléroux, analyste en intervention policière, sont discriminatoires. Selon lui, « cette remarque vise directement les autres groupes racisés puisqu’elle insinue que les gangs de rue sont des gens de race et non blanche ». Il ajoute que « cette remarque pourrait aussi attiser la haine contre les personnes de race puisque selon ces propos, ces personnes sont plus susceptibles d’être dans des gangs de rue donc criminelles plutôt qu’une personne de couleur de peau blanche ».
Prenons le temps d’analyser le passage dans son contexte. Voici l’échange en question lors de l’émission en direct :
Georges Pothier (journaliste) : Bon, on se demande, est-ce que tous les efforts policiers, la création du groupe Centaure, l’escouade spéciale… est-ce que ça donne quelque chose?
Daniel Cléroux (invité) : Oui. Ça donne des résultats, mais le problème c’est que présentement avec les gangs de rues, ce qui se passe avec les gangs criminalisés… il se passe… il y a des drôles d’événements qui se passent qui sont pas reliés à l’autre, dans le sens c’est qu’il y a toutes sortes de choses qui roulent sur Internet présentement où il y a des initiations au niveau des gangs de rues. Il y a même des commandes qui sont faites où on propose à des jeunes de commettre un crime violent, d’agresser quelqu’un qu’il soit criminel ou non juste pour pouvoir faire sa place.
George Pothier : Penses-tu que ça pu jouer dans cette histoire-là?
Daniel Cléroux : Oui, moi je pense que ça pu jouer parce que écoute, on n’a pas encore les détails de l’enquête, mais le jeune Thomas a pas du tout le profil d’être quelqu’un qui fait partie d’un gang 1) de par sa nationalité, 2) on en retrouve pas des gens de ce profil-là dans les gangs de rues et évidemment il y a des guerres, il y a un exercice de force qui se fait présentement avec les gangs. Et le jeune, moi j’ai vraiment l’impression qu’il s’est retrouvé à la mauvaise place au mauvais moment. On a juste à se rappeler quelques années, il y a une dame qui a été agressée dans un autobus avec un exacto, le SPVM l’avait dit, c’était encore une fois comme une genre d’initiation qui avait été faite et là c’est vraiment … on se trouve dans des situations qui sont peu ordinaires.
Lorsque le plaignant affirme que la remarque « vise directement les autres groupes racisés puisqu’elle insinue que les gangs de rue sont des gens de race et non blanche », il interprète à sa façon les propos de Daniel Cléroux. Lors de son intervention à l’émission « Salut Bonjour », M. Cléroux affirme : « On n’a pas encore les détails de l’enquête, mais le jeune Thomas n’a pas du tout le profil d’être quelqu’un qui fait partie d’un gang, un, de par sa nationalité (…) ». Alors que le plaignant base son argumentaire sur « la race », en mettant l’accent sur la couleur de peau, M. Cléroux parle plutôt dans cet extrait de la nationalité de la victime.
De plus, en évaluant les propos de l’ex-policier, il apparaît qu’il ne pointe pas une nationalité en particulier et il ne s’avance pas non plus sur le profil d’un membre de gang de rue. M. Cléroux n’a donc pas tenu les propos que lui reproche le plaignant.
L’analyse d’un grief doit se faire sur la base des propos diffusés et non l’interprétation que le plaignant en fait. Dans le dossier D2019-05-078, le Conseil a rejeté un grief de discrimination parce qu’il a constaté que le plaignant avait interprété les propos du chroniqueur. Ce dernier soutenait que « Toutes les religions ont du mal à s’adapter à la modernité. C’est indéniablement au sein de l’islam que ces difficultés provoquent les tensions les plus vives. On peut, par exemple, être choqué par les écoles illégales des juifs ultra-orthodoxes, mais au moins, ces gens ne sont pas violents et n’aspirent pas à imposer leur foi au reste de l’humanité. » De son côté, le plaignant avançait qu’« avec ses propos [sur le fait que] que les musulmans sont violents », le chroniqueur « suscite et attise la haine et le mépris contre les musulmans » et qu’il « encourage indirectement la violence ou à entretenir les préjugés envers eux ». De la même façon, dans le cas présent, les arguments du plaignant s’appuyant sur son interprétation des propos de Daniel Cléroux, aucun manquement déontologique n’est constaté.
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Groupe TVA, qui n’est pas membre du Conseil de presse et n’a pas répondu à la présente plainte.
Conclusion
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Francis Tenta visant un segment de l’émission « Salut Bonjour » diffusé le 17 novembre 2021 sur les ondes de TVA concernant le grief de discrimination.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public
Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes
Mathieu Montégiani
Représentants des journalistes
Lisa-Marie Gervais
Daniel Leduc
Représentants des entreprises de presse
Stéphan Frappier
Sylvain Poisson