D2021-12-243 (2)

Décision d’appel

Appelante

Alexandra Lavoie, Rebel News

Intimés

Alexis De Lancer, journaliste

Émission « Les coulisses du pouvoir »

Radio-Canada

Date de dépôt de l’appel

Le 12 juillet 2023

Date de la décision de la commission d’appel

Le 1er décembre 2023

Rôle de la commission d’appel

Lors de la révision d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.

Contexte

Alexandra Lavoie a déposé une plainte le 10 décembre 2021 au sujet d’une intervention du journaliste Alexis De Lancer à l’émission « Les coulisses du pouvoir », diffusée le 12 septembre 2021 sur les ondes d’ICI Radio-Canada Télé. Dans le segment mis en cause, l’animateur Daniel Thibeault s’entretient avec le journaliste Alexis De Lancer à propos de Rebel News, une organisation dont fait partie Alexandra Lavoie, l’appelante dans ce dossier. La plainte initiale comportait trois griefs d’informations inexactes et un grief de partialité, qui ont tous été rejetés à l’unanimité par le comité des plaintes le 28 avril 2023.

Dans sa demande d’appel déposée le 12 juillet 2023, Mme Lavoie ne précise pas de quels griefs elle fait appel. Elle soutient toutefois que « la décision rendue par le comité des plaintes est manifestement mal fondée et doit être réformée ».

Motifs de l’appelante

L’appelante conteste la décision de première instance en se fondant sur deux arguments, soit que « le comité des plaintes a eu recours à de la preuve supplémentaire qui n’a pas été administrée par les parties » et que « le comité des plaintes a, sans preuve à l’appui, fait montre d’un biais défavorable envers Rebel News et favorable envers Radio-Canada et son journaliste ».

Point 1 : preuve supplémentaire

Règlement applicable

Règlement 2 : Règlement sur l’étude des plaintes du public

Préparation du dossier par le secrétariat général : « Le secrétariat général effectue le travail préparatoire requis pour présenter un dossier complet et structuré aux sous-comités des plaintes : a) vérifier les faits et préparer les dossiers pour permettre aux sous-comités des plaintes d’en prendre connaissance de manière efficace et de prendre leurs décisions; b) à la demande d’un sous-comité, effectuer des vérifications additionnelles; […] (article 24.01 du Règlement 2 : Règlement sur l’étude des plaintes du public du Conseil de presse du Québec) 

Observations des parties sur le mérite de la plainte : « […] Les parties doivent également être informées de toute information additionnelle d’importance obtenue dans le cadre des vérifications du secrétariat général et que celui-ci se propose de communiquer au comité des plaintes. Les parties doivent transmettre leurs observations dans les 15 jours de la date de l’envoi de l’information. » (article 25.04 du Règlement 2)

Les membres de la commission d’appel doivent déterminer si l’appelante apporte des éléments qui démontrent que le comité des plaintes a utilisé des informations non conformes au Règlement 2 au sujet de la préparation des dossiers.

Décision

Les membres de la commission d’appel estiment que le comité des plaintes n’a pas erré sur ce point car il pouvait légitimement avoir recours aux vérifications du Conseil au sujet des éléments du dossier.

La commission d’appel maintient la décision rendue en première instance.

Analyse

L’appelante, Alexandra Lavoie, affirme que « le comité des plaintes et le Conseil de presse doivent analyser la conduite reprochée au journaliste à la lumière des éléments documentaires et factuels qui existaient au moment du manquement déontologique allégué ».

Elle poursuit : « Dans le présent dossier, le comité des plaintes a introduit dans son analyse de la preuve et des arguments qui n’ont été apportés par ni l’une ni l’autre des parties. Plus particulièrement, le comité des plaintes a :

aux paragraphes 22 et 23 de la décision, fait ses propres recherches sur YouTube afin d’obtenir une vidéo qui contredisait la position de la plaignante, alors que le journaliste lui-même ne l’avait même pas trouvée ni mentionnée (tant [dans] son intervention télévisuelle reprochée que dans sa défense à l’encontre de la plainte);

aux paragraphes 30 et 31 de la décision, fait ses propres recherches sur Internet afin d’obtenir un rapport de la Commission des débats des chefs dont un extrait émettait une opinion défavorable à l’égard de Rebel News, alors que le journaliste lui-même n’avait même pas mentionné ce rapport (ni dans son intervention télévisuelle reprochée ni dans sa défense à l’encontre de la plainte);

au paragraphe 32 de la décision, fait ses propres recherches afin d’obtenir un article de magazine dont le contenu était défavorable à Rebel News, alors que le journaliste lui-même n’a jamais fait mention de cet article (ni dans son intervention télévisuelle reprochée ni dans sa défense à l’encontre de la plainte). »

Mme Lavoie conclut : « En d’autres mots, le comité des plaintes a, de son propre chef et après que les parties eurent soumis tous leurs éléments de preuve et arguments, été faire des recherches supplémentaires afin de compléter la preuve qui lui avait été soumise. […] Ce n’est pas le rôle du comité des plaintes de compléter la défense du journaliste lorsque celle-ci n’est pas assez probante. »

Les intimés n’ont pas souhaité formuler de commentaires en réponse à l’appel.

Après étude de cet argument de l’appelante, la commission d’appel juge que le comité des plaintes pouvait légitimement avoir recours à des vérifications additionnelles qui n’ont pas été administrées aux parties. Les articles 24.01, 24.01 a) et 24.01 b) du Règlement 2 sur l’étude des plaintes du public établissent que c’est le rôle du Conseil de presse d’effectuer des recherches complémentaires afin de permettre au comité des plaintes de prendre des décisions éclairées en toute connaissance de cause.

Dans le cas présent, les informations additionnelles fournies par le Conseil de presse étaient du domaine public. Toute personne pouvait prendre connaissance, au même titre que le Conseil, de la vidéo provenant de la chaîne YouTube de Rebel News (paragraphes 22 et 23 de la décision), du rapport de 2021 de la Commission des débats des chefs (paragraphes 30 et 31), et de l’article du magazine L’actualité (paragraphe 32) dont il est question dans la décision de première instance. Ces éléments de preuve avaient tous été mis en ligne et rendus publics avant le 12 septembre 2021, date à laquelle le segment de l’émission « Les coulisses du pouvoir » visé par cette plainte a été diffusé. Ainsi, lesdites informations n’avaient pas à être transmises aux parties, ne constituant pas des « informations d’importance » au sens entendu à l’article 25.04 du Règlement 2 puisqu’elles étaient déjà dans la sphère publique et qu’elles existaient au moment du dépôt de la plainte, contrairement à ce que soutient l’appelante.

Les allégations formulées par Mme Lavoie à l’endroit du comité des plaintes sont donc non fondées, le Conseil pouvant en toute légitimité effectuer des recherches et avoir recours à des éléments de preuve supplémentaires qui n’ont pas été administrés par les parties, tel que le confirme l’article 24.01 du Règlement 2.

Point 2 : biais défavorable envers Rebel News et biais favorable envers Radio-Canada et Alexis De Lancer

Règlement applicable

Règlement 2 : Règlement sur l’étude des plaintes du public

Respect de l’équité procédurale : « Le Conseil de presse du Québec reconnaît à toute personne le droit au respect des règles de l’équité procédurale lors de l’étude d’une plainte la concernant. » (article 2.01 du Règlement 2)

Les membres de la commission d’appel doivent déterminer si l’appelante apporte des éléments qui démontrent que le comité des plaintes « a, sans preuve à l’appui, fait montre d’un biais défavorable envers Rebel News et [d’un biais] favorable envers Radio-Canada et son journaliste ».

Décision

Les membres de la commission d’appel estiment que le comité des plaintes n’a pas fait preuve d’un biais défavorable envers Rebel News, ni d’un biais favorable envers Radio-Canada et son journaliste.

La commission d’appel maintient la décision rendue en première instance.

Analyse

  1. Biais défavorable envers Rebel News

Alexandra Lavoie affirme que « dès le paragraphe 2 de la décision, le comité des plaintes, sans aucune preuve justificative, qualifie Rebel News d’ “organisation controversée” ».

Les intimés n’ont pas souhaité formuler de commentaires en réponse à l’appel.

Le passage de la décision de première instance, remis dans son contexte, se lit comme suit :

« À huit jours des élections fédérales canadiennes du 20 septembre 2021, l’animateur de l’émission “Les coulisses du pouvoir”, Daniel Thibeault, s’entretient avec le journaliste Alexis De Lancer au sujet de Rebel News. Cette organisation controversée avait fait parler d’elle dans les semaines précédentes puisque, le 31 août, la Commission des débats des chefs avait refusé d’accréditer 11 de ses collaborateurs qui souhaitaient assister aux débats des chefs en français (le 8 septembre) et en anglais (le 9 septembre). Le 8 septembre, jour du premier débat, Rebel News s’est vu octroyer une injonction interlocutoire par la Cour fédérale du Canada. La juge Elizabeth Heneghan a tranché en sa faveur, accordant à l’un de ses représentants l’accès aux débats des chefs en personne, et à 10 autres l’accès en mode virtuel.

Dans le segment des “Coulisses du pouvoir” visé par cette plainte, Alexis De Lancer est consulté à titre d’animateur de l’émission “Les décrypteurs”, dont la mission, selon le site de Radio-Canada, est de “combattre la désinformation”. Il explique les origines de Rebel News, un site Internet fondé en 2015 par les commentateurs politiques conservateurs Ezra Levant et Brian Lilley, deux têtes d’affiche du défunt réseau anglophone Sun News Network. M. De Lancer résume quelques-unes des controverses liées à Rebel News en matière de désinformation, et mentionne le malaise causé par cette organisation au sein du milieu journalistique et de l’appareil politique. Il conclut en présentant deux déclarations, l’une du premier ministre Justin Trudeau et l’autre de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) et de la Fédération nationale des communications et de la culture (FNCC-CSN). La FPJQ et la FNCC-CSN ont qualifié Rebel News « d’organisation bien connue pour son militantisme politique et sa propagation de fausses nouvelles ».

Le comité des plaintes n’a fait preuve d’aucun biais en qualifiant Rebel News d’ “organisation controversée”. Il s’est appuyé sur des faits, en l’occurrence le refus initial de la Commission des débats des chefs – le 31 août 2021 – d’accréditer les collaborateurs de Rebel News qui souhaitaient assister aux débats électoraux, ainsi que les déclarations du premier ministre Justin Trudeau, de la FPJQ et de la FNCC-CSN concernant Rebel News.

Les arguments de l’appelante ne constituent pas une preuve de biais de la part du comité des plaintes. 

  1. Biais favorable envers Radio-Canada et Alexis De Lancer

Alexandra Lavoie soutient : « À l’avant-dernier paragraphe de la décision (paragraphe 39), le comité des plaintes, encore une fois sans aucune preuve justificative, écrit que “l’expertise de M. De Lancer à titre de journaliste spécialiste de la désinformation lui confère une crédibilité manifeste dans le contexte de cette intervention”. »

« En l’absence de tout élément de preuve permettant de faire de telles affirmations, celles-ci ne peuvent que constituer des opinions personnelles émises par les membres du comité des plaintes qui ont participé à la décision. En l’occurrence, ces opinions personnelles (péjoratives à l’égard de Rebel News et manifestement élogieuses à l’égard du journaliste) font état d’un biais penchant clairement en défaveur de Rebel News et en faveur du journaliste », ajoute l’appelante.

Elle souligne également : « Il va sans dire qu’une décision ne peut jamais être fondée sur des opinions personnelles et des biais non soutenus. »

Enfin, l’appelante conclut : « Ce biais manifeste doit également être analysé à la lumière du fait que le comité des plaintes est allé chercher de la preuve et des arguments supplémentaires afin de bonifier la défense du journaliste (tel que soulevé dans la section précédente), mais n’a rien fait pour bonifier la position de la plaignante. »

Radio-Canada n’a pas souhaité formuler de commentaires en réponse à l’appel.

Le passage de la décision de première instance, remis dans son contexte, se lit comme suit :

« La plaignante considère que “le journaliste Alexis De Lancer émet une opinion alors même que son intervention aux ‘Coulisses du pouvoir’ s’inscrit dans le registre du journalisme factuel.” Elle ajoute que “ce mélange des genres est aussi contraire aux NPJ [Normes et pratiques journalistiques] en vigueur à Radio-Canada (Les journalistes de Radio-Canada n’expriment pas leurs opinions personnelles. Cela a pour but de protéger l’impartialité du diffuseur public et de permettre aux journalistes d’explorer un sujet avec ouverture et sans parti pris).”

Les mis en cause contestent l’allégation de la plaignante selon laquelle M. De Lancer aurait émis son opinion personnelle. Ils rétorquent que “les journalistes peuvent aussi faire de l’analyse. C’est précisément ce qu’a fait M. De Lancer”.

Il convient de rappeler l’importance de faire une distinction claire entre l’analyse journalistique et l’expression d’une opinion personnelle. En affirmant “Alors, qu’est-ce qu’ils font? Ben, essentiellement, beaucoup d’opinion, plutôt pas mal à droite. Beaucoup de désinformation aussi”, M. De Lancer n’exprime pas de parti pris en faveur d’un point de vue particulier. Il pratique l’analyse journalistique, en appuyant son affirmation sur des faits, notamment sur l’étude The Methodological Challenges of Studying “Fake News” des chercheurs Ahmed Al-Rawi et Abdelrahman Fakida, de l’Université Simon Fraser. Cette étude soutient : “Rebel News […] presents ‘a seamless mix of far-right activism and commentary’ […]” (“Rebel News […] présente ‘un harmonieux mélange d’activisme d’extrême droite et de commentaire’ […]”). De plus, l’expertise de M. De Lancer à titre de journaliste spécialiste de la désinformation lui confère une crédibilité manifeste dans le contexte de cette intervention. En l’absence d’un parti pris en faveur d’un point de vue particulier, et considérant qu’un journaliste est libre de choisir les informations à partir desquelles il effectue une analyse, le grief de partialité est rejeté. »

Lorsqu’il rend une décision, le comité des plaintes peut se prononcer sur la crédibilité d’une source. C’était le cas dans le dossier D2017-07-093, où le Conseil a jugé que l’éditorialiste en chef de La Presse, François Cardinal, « a basé son argumentaire sur des sources diversifiées et crédibles auxquelles il pouvait légitimement se fier. Parmi les sources de l’éditorialiste, on trouve les déclarations de dirigeants politiques britanniques, français et allemands, l’article d’un journaliste s’étant rendu à Khan Cheikhoun et un autre citant un colonel à la retraite et ancien chef de l’unité britannique de lutte contre les armes nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques. […] Le Conseil estime que l’éditorialiste, dans son choix de mots, aurait pu être moins affirmatif dans la nature et l’attribution de la responsabilité de l’attaque, mais qu’il se basait sur un consensus solide pour étayer sa thèse. » De la même façon, dans le cas présent, le comité des plaintes a estimé que l’interviewé, Alexis De Lancer, offrait une analyse crédible basée sur son expertise en matière de désinformation. Il ne s’agit pas là d’une preuve de parti pris en faveur de Radio-Canada ou de son journaliste.

Mme Lavoie peut certes être en désaccord avec la décision de première instance, mais elle n’apporte aucun élément de preuve concret démontrant un quelconque parti pris de la part des membres du comité des plaintes. Pour ces raisons, les allégations de « biais défavorable envers Rebel News » et de « biais favorable envers Radio-Canada et son journaliste » sont rejetées.

Par conséquent, le comité des plaintes n’a pas manqué à son devoir d’équité procédurale envers les parties lors de l’étude de cette plainte.

Conclusion

Après examen, les membres de la commission d’appel concluent à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.

Par conséquent, conformément aux règles de procédure, le dossier est clos.

Le Conseil de presse du Québec rappelle que les décisions de la commission d’appel sont finales. L’article 31.02 s’applique aux décisions de la commission d’appel : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement 2, article 31.02)

La composition de la commission d’appel lors de la prise de décision :

Représentant du public

Jacques Gauthier, président de la commission d’appel

Représentant des journalistes

Vincent Larouche

Représentant des entreprises de presse

Éric Trottier

Décision de première instance

Plaignante

Alexandra Lavoie, Rebel News

Mis en cause

Alexis De Lancer, journaliste

Émission « Les coulisses du pouvoir »

Radio-Canada

Date de dépôt de la plainte

Le 10 décembre 2021

Date de la décision

Le 28 avril 2023

Résumé de la plainte 

Alexandra Lavoie, de Rebel News, dépose une plainte le 10 décembre 2021 au sujet d’un segment de l’émission « Les coulisses du pouvoir » avec le journaliste Alexis De Lancer, diffusé le 12 septembre 2021 sur les ondes d’ICI Radio-Canada Télé. La plaignante déplore des informations inexactes et de la partialité. 

Contexte

À huit jours des élections fédérales canadiennes du 20 septembre 2021, l’animateur de l’émission « Les coulisses du pouvoir », Daniel Thibeault, s’entretient avec le journaliste Alexis De Lancer au sujet de Rebel News. Cette organisation controversée avait fait parler d’elle dans les semaines précédentes puisque, le 31 août, la Commission des débats des chefs avait refusé d’accréditer 11 de ses collaborateurs qui souhaitaient assister aux débats des chefs en français (le 8 septembre) et en anglais (le 9 septembre). Le 8 septembre, jour du premier débat, Rebel News s’est vu octroyer une injonction interlocutoire par la Cour fédérale du Canada. La juge Elizabeth Heneghan a tranché en sa faveur, accordant à l’un de ses représentants l’accès aux débats des chefs en personne, et à 10 autres l’accès en mode virtuel.

Dans le segment des « Coulisses du pouvoir » visé par cette plainte, Alexis De Lancer est consulté à titre d’animateur de l’émission « Les décrypteurs », dont la mission, selon le site de Radio-Canada, est de « combattre la désinformation ». Il explique les origines de Rebel News, un site Internet fondé en 2015 par les commentateurs politiques conservateurs Ezra Levant et Brian Lilley, deux têtes d’affiche du défunt réseau anglophone Sun News Network. M. De Lancer résume quelques-unes des controverses liées à Rebel News en matière de désinformation, et mentionne le malaise causé par cette organisation au sein du milieu journalistique et de l’appareil politique. Il conclut en présentant deux déclarations, l’une du premier ministre Justin Trudeau et l’autre de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) et de la Fédération nationale des communications et de la culture (FNCC-CSN). La FPJQ et la FNCC-CSN ont qualifié Rebel News « d’organisation bien connue pour son militantisme politique et sa propagation de fausses nouvelles ».

Griefs de la plaignante

Grief 1 : informations inexactes

Principe déontologique applicable

Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)

1.1 « Informations fausses ou encore trompeuses »

Le Conseil doit déterminer si le journaliste Alexis De Lancer a produit de l’information inexacte concernant les résultats d’une étude de l’Université Simon Fraser sur les fausses nouvelles en parlant « d’informations fausses ou encore trompeuses » dans le passage retranscrit ci-dessous.

« Bien, avant de parler d’exemples, moi, j’ai une donnée que je trouve assez intéressante qui nous provient d’un chercheur de l’Université Simon Fraser, en Colombie-Britannique. Selon ses analyses, qui portent sur plusieurs des dernières années, 65 % de leur contenu [de Rebel News], dit ce chercheur, relève d’informations fausses ou encore trompeuses. »

Décision

Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’information inexacte sur ce point. 

Analyse

La plaignante considère que « le journaliste fait dire aux chercheurs ce qu’ils ne disent nullement » dans l’étude. Elle soutient que « la proportion de 65 % à laquelle fait référence le journaliste De Lancer n’est pas associée uniquement à des “informations fausses ou encore trompeuses”. Contrairement à ce qu’il affirme, cette proportion [65 %] concerne un ensemble disparate (méta-catégorie) de contenus qui regroupent désinformation / informations douteuses / informations pouvant induire en erreur / informations non prouvées / mélange de ces catégories […] Absolument personne ne sait quelle proposition représente les “nouvelles fausses ou encore trompeuses”. Cette statistique regroupe possiblement de la désinformation, et de la mésinformation. »

La plaignante affirme en outre que « […] pour qu’il y ait désinformation, il faut obligatoirement une intention de tromper pour nuire. Or, la recherche de Al-Rawi et Fakida [étude de l’Université Simon Fraser] n’a pas été en mesure d’en faire la preuve. Au contraire, les auteurs reconnaissent la grande difficulté méthodologique que cela comporte. »

Les mis en cause répondent : « La plaignante soutient que M. De Lancer n’aurait pas dû parler d’informations “fausses ou trompeuses” pour qualifier son contenu puisque la statistique dont il était alors question regroupait la “désinformation”, des “informations douteuses”, des “informations pouvant induire en erreur”, des “informations non prouvées” ou encore un “mélange de ces catégories”. Dans ce contexte, Radio-Canada admet que les propos tenus par le journaliste étaient imprécis. »  

Avant de se prononcer sur le présent grief, il est nécessaire de se pencher sur l’étude « The Methodological Challenges of Studying “Fake News” » des chercheurs Ahmed Al-Rawi et Abdelrahman Fakida, de l’Université Simon Fraser, à laquelle fait référence Alexis De Lancer dans son intervention. À la page 3 de cette étude, qui a été publiée en septembre 2021, les chercheurs expliquent que leur objectif est d’élaborer une méthodologie efficace permettant de détecter les fausses nouvelles. Ils ont entrepris de comptabiliser les fausses nouvelles provenant de deux sites canadiens qui se qualifient eux-mêmes de « media outlets » (« organes de presse ») : Global Research et Rebel News.

À la page 10 de l’étude se trouve un graphique qui résume les données compilées par les chercheurs à propos de Global Research et Rebel News. Les nouvelles analysées par les chercheurs sont classées selon trois catégories : « Factual » (« Factuelles »), « False/Doubtful » (« Fausses/Douteuses ») et « Satire/Unrelated » (« Satiriques/Sans rapport »). Or, l’étude révèle que sur un total de 200 nouvelles provenant de Rebel News, 130 nouvelles (donc 65 %) s’inscrivent dans la catégorie « False/Doubtful » (« Fausses/Douteuses »). 

Dans sa plainte, Alexandra Lavoie ne se réfère pas à ce graphique qui résume l’étude, mais tire plutôt des passages de la section « Méthodologie » de celle-ci, en plus de citer des extraits d’autres documents qui commentent l’étude mais qui n’ont pas été rédigés par les chercheurs concernés.

Durant sa présentation, M. De Lancer résume l’étude de l’Université Simon Fraser, qui montre que 65 % des nouvelles véhiculées par Rebel News sont « fausses ou douteuses ». Bien qu’il ait employé le terme « informations trompeuses », alors qu’il aurait été plus précis d’utiliser l’expression « informations douteuses », cela ne constitue pas une information inexacte. Le dictionnaire de langue anglaise Merriam-Webster définit le mot « doubtful » (« douteux »), terme utilisé par les chercheurs, comme « marqué par des caractéristiques qui soulèvent des doutes sur la valeur, l’honnêteté ou la validité » (« marked by qualities that raise doubts about worth, honesty, or validity »). De plus, le dictionnaire Collins propose comme synonyme de « doubtful » l’adjectif « untrustworthy » (« indigne de confiance »). Le mot « trompeur » étant quant à lui défini par Le Robert en ligne comme « qui induit en erreur », il n’est pas inexact d’utiliser ce mot au lieu du terme « douteux » dans le présent contexte. 

L’information transmise par le journaliste demeure fidèle à la réalité, conformément au principe d’exactitude du Guide, et l’emploi du mot « trompeuses » plutôt que « douteuses » n’altère pas la compréhension du sujet abordé dans le cadre de cette intervention. 

Le Conseil a maintes fois statué qu’une formulation imprécise ne constitue pas un manquement au principe d’exactitude, notamment dans la décision antérieure D2017-10-125. Dans ce dossier, le plaignant considérait que la journaliste avait rapporté une information inexacte en écrivant que « l’enquête policière a démontré que [le tueur de la mosquée de Québec, Alexandre] Bissonnette (…) possédait trois armes ». Il estimait que ce ne sont pas les policiers qui ont prouvé que Bissonnette possédait trois armes, mais que cette information provenait plutôt du témoignage du père de l’auteur de la tuerie. Le Conseil a fait valoir que « l’information selon laquelle Alexandre Bissonnette possédait trois armes a été rendue publique dans le cadre de l’enquête policière et que le témoignage du père du suspect a été rapporté dans le cadre de cette même enquête. La journaliste pouvait donc légitimement présenter l’information comme provenant de l’enquête policière. » Pour les mêmes motifs, dans le cas présent, malgré que le journaliste ait eu recours à une formulation imprécise, aucun manquement déontologique ne peut être constaté. Le grief d’information inexacte est donc rejeté.

Enfin, en ce qui concerne l’affirmation de la plaignante selon laquelle « pour qu’il y ait désinformation, il faut obligatoirement une intention de tromper pour nuire », Alexis De Lancer ne mentionne pas le terme « désinformation » dans le passage visé par ce grief. Il n’y a donc pas lieu de se pencher sur l’exactitude de ce terme.

1.2 Sanction de YouTube

Le Conseil doit déterminer si le journaliste Alexis De Lancer a produit de l’information inexacte à propos d’une sanction imposée par YouTube à Rebel News dans le passage retranscrit ci-dessous.

« YouTube a déjà sévi contre une de leurs vidéos qui leur avait valu d’être démonétisés. C’est-à-dire que YouTube enlevait cette possibilité de générer des revenus en fonction de leur contenu. YouTube leur reprochait d’avoir véhiculé de la désinformation basée sur les vaccins, sur la pandémie. Ils ont été très actifs sur ce front-là que je viens de mentionner. » 

Décision

Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’information inexacte sur ce point. 

Analyse

La plaignante déplore que l’affirmation du journaliste « est tout simplement fausse ». Elle indique que « le seul reproche que YouTube ait jamais soulevé à l’égard de Rebel News était en lien avec la publication d’une vidéo au sujet de Donald Trump et ses propos à propos des élections qui lui auraient été volées. » Elle ajoute « [qu’]une démarche journalistique adéquate de la part de M. De Lancer aurait fait en sorte qu’il n’aurait jamais tenu de tels propos qu’il aurait dû savoir être faux. »

La plaignante a fourni à titre de preuve un échange de courriels entre un présumé représentant de YouTube et Ezra Levant, l’un des deux fondateurs de Rebel News, remontant au mois d’avril 2021. Elle avance que ces communications « confirment clairement que les sanctions imposées au compte de Rebel News n’avaient aucun lien avec “de la désinformation basée sur les vaccins, sur la pandémie”, ce qui démontre que les affirmations faites par Radio-Canada et son journaliste étaient tout simplement fausses. »

Les courriels en question ayant été très largement caviardés, ils ne peuvent constituer un élément de preuve sur lequel s’appuyer. Le Conseil n’est donc pas en mesure de déterminer l’ensemble des raisons invoquées par YouTube pour justifier la démonétisation de Rebel News, ni si ces communications proviennent réellement d’un représentant de YouTube. À la lecture des passages non censurés, la seule constatation qu’il est possible de faire est qu’une vidéo de Rebel News intitulée « If Big Tech can silence Trump, they can silence anyone » ( « Si les géants de la technologie peuvent réduire Trump au silence, ils peuvent faire taire n’importe qui ») enfreint la politique de YouTube « election related misinformation policy » (« politique de mésinformation en lien avec les élections »). 

En revanche, dans une autre vidéo YouTube consultée par le Conseil, Ezra Levant affirme lui-même : « If we stop criticizing the [COVID-19] lockdown, they [YouTube] say we can reapply in 30 days and possibly get our ads back » (« Si nous cessons de critiquer le confinement [dû à la COVID-19], ils [YouTube] disent que nous pourrons soumettre une nouvelle demande dans 30 jours et possiblement ravoir nos publicités »). M. Levant déclare aussi dans cette allocution : « We even put a little warning on the front of our videos about the pandemic letting people know that we are skeptics of the conventional wisdom » (« Nous avons même ajouté un petit avertissement au début de nos vidéos sur la pandémie faisant savoir aux gens que nous sommes sceptiques à l’égard des connaissances [scientifiques] reçues »). 

Cette vidéo intitulée « YouTube has finally come to kill Rebel News (But I’ve got a plan to survive) » (« YouTube est finalement venu tuer Rebel News (mais j’ai un plan pour survivre) ») a été mise en ligne sur la chaîne YouTube de Rebel News le 23 mars 2021, date antérieure à l’échange de courriels caviardés fournis par la plaignante. Dans cette vidéo, M. Levant réagit à la sanction de démonétisation imposée à son réseau, ce qui vient corroborer les propos d’Alexis De Lancer selon lesquels « YouTube leur reprochait d’avoir véhiculé de la désinformation basée sur les vaccins, sur la pandémie. »  

Puisque les éléments apportés par la plaignante en soutien à sa plainte ne sont pas probants et qu’une vidéo du cofondateur de Rebel News vient contredire les allégations de la plaignante, on ne peut conclure qu’une inexactitude a été véhiculée par le journaliste. Le Conseil a fait valoir à de nombreuses occasions qu’il revient à la partie plaignante de fournir la preuve de ce qu’elle avance. C’est pourquoi le présent grief d’inexactitude est rejeté. 

1.3 Raisons invoquées par la Commission des débats des chefs

Le Conseil doit déterminer si le journaliste Alexis De Lancer a produit de l’information inexacte en ce qui a trait aux raisons pour lesquelles la Commission des débats des chefs a initialement interdit à Rebel News d’assister aux débats des chefs de l’automne 2021 dans le passage retranscrit ci-dessous. 

« Deux éléments sur lesquels j’attire votre attention, ils [Rebel News] avaient notamment donné beaucoup d’oxygène à la théorie selon laquelle les attentats de la mosquée de Québec avaient été téléguidés de l’étranger, ce qui est absolument faux, comme on le sait. Aussi, plus près de nous pendant la pandémie, ils avaient laissé entendre que le gouvernement fédéral instaurait des camps d’internement un peu partout au pays pour, entre guillemets, emprisonner les patients qui étaient atteints de la COVID-19. Et là, ça continue, on l’a vu dans la dernière semaine aussi, ce type de fausses nouvelles qui circulent. Bref, pour toutes ces raisons-là, la commission qui organise les débats avait jugé qu’ils ne pouvaient pas assister aux débats des chefs cette année, comme ça avait été le cas en 2019. » 

Décision

Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’information inexacte sur ce point. 

Analyse

La plaignante affirme que « la raison invoquée par la Commission des débats des chefs pour écarter Rebel News du débat des chefs était que cette dernière se trouvait en situation de conflit d’intérêts puisqu’elle était activement impliquée dans certains enjeux sociaux qui étaient directement abordés pendant la campagne électorale, ce qui la rendait trop engagée dans ses nouvelles. » Elle ajoute que « la Cour fédérale a renversé la décision de la Commission des débats des chefs et a ordonné à cette dernière d’accréditer les journalistes de Rebel News. Nulle part dans les décisions de la Commission des débats des chefs ou de la Cour fédérale n’a-t-il été suggéré ou mentionné que Rebel News avait été écartée du débat des chefs en raison de la propagation de fausses nouvelles. »

Les mis en cause soutiennent « [qu’]il semble exact en effet de prétendre que “la raison invoquée par la Commission des débats des chefs pour écarter Rebel News du débat des chefs était que cette dernière se trouvait en situation de conflit d’intérêts puisqu’elle était activement impliquée dans certains enjeux sociaux qui étaient directement abordés pendant la campagne électorale, ce qui la rendait trop engagée dans ses nouvelles” comme le prétend la plaignante. Radio-Canada est donc tout à fait disposée à publier cette information. »

Ils ajoutent « [qu’]il est également important de noter que M. De Lancer était au fait de certains éléments et que c’est sur ces renseignements qu’il s’appuyait lorsqu’il a fait ses déclarations aux “Coulisses du pouvoir”. »

On peut lire dans le « Rapport sur l’expérience de la Commission des débats des chefs lors des élections fédérales de 2021 », disponible en ligne, que « la Commission a rejeté les demandes des représentants de l’organisation Rebel News Network (“Rebel”), ayant déterminé que le site Web de Rebel violait les lignes directrices de l’Association canadienne des journalistes sur les conflits d’intérêts. La Commission a estimé que Rebel était en conflit d’intérêts parce qu’elle devenait un acteur dans les nouvelles qu’elle couvrait, lançait des pétitions, recueillait des fonds et engageait des procédures de litiges sur des questions qu’elle traitait régulièrement. Par ailleurs, Rebel intègre également des liens vers ses pétitions et ses campagnes de collecte de fonds à ses articles et à ses vidéos. »

À la lumière de ces informations, les raisons invoquées par M. De Lancer n’entrent pas en contradiction avec les justifications de la Commission des débats des chefs pour exclure Rebel News des débats. Dans son intervention, le journaliste soutient que Rebel News propage de fausses nouvelles à propos de la pandémie, notamment en ayant suggéré « que le gouvernement fédéral instaurait des camps d’internement un peu partout au pays pour […] emprisonner les patients qui étaient atteints de la COVID-19 ». 

Dans un article de La Presse Canadienne paru dans le magazine L’actualité le 7 septembre 2021, on peut lire : « La Commission [des débats des chefs] a répondu dans des documents judiciaires que Rebel avait violé les règles de la commission en matière de conflits d’intérêts, parce que le média et ses journalistes s’impliquent activement dans cette campagne et qu’ils en sont même des acteurs. Dans une lettre déposée devant le tribunal, le commissaire David Johnston cite notamment les campagnes de financement de Rebel pour collecter des fonds afin de s’opposer aux passeports vaccinaux, mais aussi les positions du média sur le projet de loi fédéral visant à modifier la Loi sur la radiodiffusion et sur les exigences du gouvernement fédéral en matière de quarantaine à l’hôtel. » Ces informations viennent préciser les déclarations faites par la Commission des débats des chefs dans son rapport, et témoignent du lien direct entre les conflits d’intérêts chez Rebel News et le militantisme anti-mesures sanitaires de l’organisation.

En définitive, la plaignante ne démontre pas en quoi les propos du journaliste sont inexacts. Le présent grief d’information inexacte est donc rejeté.  

Grief 2 : partialité

Principe déontologique applicable

Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : c) impartialité : absence de parti pris en faveur d’un point de vue particulier. » (article 9 c) du Guide)

Le Conseil doit déterminer si le journaliste Alexis De Lancer a manqué à son devoir d’impartialité en tenant les propos retranscrits ci-dessous au sujet de Rebel News. 

« Alors, qu’est-ce qu’ils font? Ben, essentiellement, beaucoup d’opinion, plutôt pas mal à droite. Beaucoup de désinformation aussi. »

Décision

Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de partialité.

Analyse 

La plaignante considère que « le journaliste Alexis De Lancer émet une opinion alors même que son intervention aux “Coulisses du pouvoir” s’inscrit dans le registre du journalisme factuel. » Elle ajoute que « ce mélange des genres est aussi contraire aux NPJ [Normes et pratiques journalistiques] en vigueur à Radio-Canada (Les journalistes de Radio-Canada n’expriment pas leurs opinions personnelles. Cela a pour but de protéger l’impartialité du diffuseur public et de permettre aux journalistes d’explorer un sujet avec ouverture et sans parti pris). »

Les mis en cause contestent l’allégation de la plaignante selon laquelle M. De Lancer aurait émis son opinion personnelle. Ils rétorquent que « les journalistes peuvent aussi faire de l’analyse. C’est précisément ce qu’a fait M. De Lancer. »

Il convient de rappeler l’importance de faire une distinction claire entre l’analyse journalistique et l’expression d’une opinion personnelle. En affirmant « Alors, qu’est-ce qu’ils font? Ben, essentiellement, beaucoup d’opinion, plutôt pas mal à droite. Beaucoup de désinformation aussi », M. De Lancer n’exprime pas de parti pris en faveur d’un point de vue particulier. Il pratique l’analyse journalistique, en appuyant son affirmation sur des faits, notamment sur l’étude « The Methodological Challenges of Studying “Fake News” » des chercheurs Ahmed Al-Rawi et Abdelrahman Fakida, de l’Université Simon Fraser. Cette étude soutient : « Rebel News […] presents “a seamless mix of far-right activism and commentary” […] » (« Rebel News […] présente “un harmonieux mélange d’activisme d’extrême droite et de commentaire” […] »). De plus, l’expertise de M. De Lancer à titre de journaliste spécialiste de la désinformation lui confère une crédibilité manifeste dans le contexte de cette intervention. En l’absence d’un parti pris en faveur d’un point de vue particulier, et considérant qu’un journaliste est libre de choisir les informations à partir desquelles il effectue une analyse, le grief de partialité est rejeté.  

La distinction entre l’analyse journalistique et l’expression d’une opinion a été abordée dans la décision antérieure D2018-07-073, où deux griefs de partialité visant un journaliste faisant de l’analyse politique ont été rejetés. La plaignante reprochait au journaliste de faire de « la propagande de guerre » lorsqu’il rapportait que les États-Unis n’avaient pas de stratégie dans le conflit syrien. Dans son texte d’analyse, le journaliste ne prétendait pas que les États-Unis devaient intervenir militairement ou pas dans le conflit syrien. Il rapportait plutôt « les hésitations du gouvernement américain à ce sujet. Plusieurs passages de l’article évoquent aussi les dangers et les conséquences envisageables d’une intervention militaire des États-Unis en Syrie. » Le journaliste n’exprimait donc pas un parti pris pour un point de vue en particulier. Le Conseil a ajouté que, dans le cadre de la liberté éditoriale du média, le journaliste peut choisir les informations sur lesquelles il fonde son analyse. De la même façon, dans le cas présent, le journaliste n’émet pas son point de vue personnel au sujet de Rebel News, mais apporte des informations factuelles.

Conclusion

Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte d’Alexandra Lavoie, de Rebel News, visant un segment de l’émission « Les coulisses du pouvoir » avec le journaliste Alexis De Lancer, diffusé sur les ondes d’ICI Radio-Canada Télé le 12 septembre 2021, concernant les griefs d’informations inexactes et de partialité.

La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :

Représentants du public

Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes

Mathieu Montégiani

Représentants des journalistes

Simon Chabot-Blain

Daniel Leduc

Représentants des entreprises de presse

Stéphan Frappier

Sylvain Poisson