D2022-01-004

Plaignant

Mathieu Simard

Mis en cause

François-David Bernier, chroniqueur

Le Journal de Québec

Québecor Média

Date de dépôt de la plainte

Le 4 janvier 2022

Date de la décision

Le 26 mai 2023

Résumé de la plainte 

Mathieu Simard dépose une plainte le 4 janvier 2022 au sujet de l’article « Vaccination obligatoire ou couvre-feu? », du chroniqueur François-David Bernier, publié sur le site internet du Journal de Québec le 3 janvier 2022. Le plaignant déplore un grief d’information inexacte.

Contexte

La chronique visée par la plainte a été écrite au retour des Fêtes, le 3 janvier 2022, pendant la cinquième vague de la pandémie alors que le nombre de personnes atteintes de la COVID-19 ne cessait d’augmenter. Pour contrer la propagation du variant Omicron, à la fin de décembre 2021, le gouvernement avait interdit les rassemblements privés, ordonné la fermeture des restaurants et imposé un couvre-feu. La rentrée scolaire avait été reportée au 17 janvier. Le gouvernement recommandait la 3e dose de vaccin, qui était disponible pour les 60 ans et plus. Dans son texte, le chroniqueur remet en question le couvre-feu entre 22h et 5h entré en vigueur le 31 décembre 2021, affirmant d’entrée de jeu que « le gouvernement Legault semble avoir choisi de pénaliser la majorité de la population au lieu de la minorité [les non vaccinés] ».

Principe déontologique relié au journalisme d’opinion 

Journalisme d’opinion : (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte et complète, comme défini à l’article 9 du présent Guide. (article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)

Grief du plaignant

Grief 1 : information inexacte

Principe déontologique applicable

Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)

Le Conseil doit déterminer si le chroniqueur a transmis une information inexacte dans le passage suivant : « Selon les statistiques, la moitié des hospitalisations liées à la COVID-19 concernerait les non-vaccinés ».

Décision

Le Conseil de presse du Québec retient le grief d’information inexacte, car il juge que le chroniqueur a contrevenu à l’article 9 a) du Guide.

Analyse

Le plaignant déplore une inexactitude dans le pourcentage de personnes hospitalisées qui sont non vaccinées. « Selon les statistiques du gouvernement, dit-il, seulement 36% des hospitalisations pour la COVID au cours des 28 derniers jours touchent des non-vaccinés (821 sur 2245) et non 50% tel que prétendu. »

Les chiffres avancés par le plaignant ont été publiés sur le compte Twitter du ministère de la Santé, le 3 janvier 2022 dans une publication intitulée « TABLEAU DE BORD – Situation de la COVID-19 – (en date du) 2 janvier 2022 ». Comme la chronique mise en cause a été publiée le 3 janvier 2022 également, il est vraisemblable que le chroniqueur n’ait pas eu accès à ces statistiques. Cependant, le ministère publiait quotidiennement une mise à jour du nombre d’hospitalisations durant cette période. Il était facile d’obtenir les chiffres officiels en la matière. En plus de faire état du bilan des hospitalisations des 28 derniers jours liées à la COVID-19, ces tableaux indiquaient aussi les « nouvelles hospitalisations du jour ».

Le tableau de bord faisant état de la situation en date du 1er janvier 2022, rapporte que 38% des personnes hospitalisées dans les 28 derniers jours sont non vaccinées. Il y est indiqué également que 42% des nouvelles hospitalisations sont attribuables à des patients non-vaccinés. Dans le tableau de bord du 31 décembre 2021, les non-vaccinés constituent 38% des hospitalisations des 28 derniers jours et 36% des nouvelles hospitalisations du jour.

Il faut remonter au 27 décembre, puis au 22 décembre, pour trouver des statistiques correspondant aux 50% présentés par le chroniqueur. Plus précisément, dans le tableau du 27 décembre, il est rapporté que les personnes non vaccinées constituaient 45% des hospitalisations des 28 derniers jours et 51% des nouvelles hospitalisations du jour. Dans le tableau du 22 décembre, ces deux données sont respectivement de 45% et de 65%.

L’écart entre ce que le chroniqueur avance et les données officielles des jours précédant la publication du texte est important. Dans le contexte de la pandémie, alors que la situation changeait de jour en jour et que les données étaient relayées au quotidien, le chroniqueur se devait de s’en tenir aux statistiques les plus récentes. Son texte a été publié le 3 janvier 2022 et traite du couvre-feu annoncé par le gouvernement le 30 décembre, entré en vigueur le lendemain, et qu’il estime être une « atteinte aux droits fondamentaux et aux libertés individuelles ».  Or, il base son argumentaire sur une statistique qui correspond – en partie – à celles du 27 décembre, du 22 décembre ou avant, alors que les statistiques ont considérablement changé. Le chroniqueur écrit que la moitié des hospitalisations « concernerait » les non-vaccinés. L’emploi du conditionnel n’excuse pas la publication de données inexactes dans un texte journalistique, même une chronique. Comme indiqué dans l’article 10.2 du Guide, le journaliste d’opinion doit présenter une information exacte et complète, tel que défini à l’article 9.

Les données du gouvernement étaient facilement disponibles, mises à jour et rendues publiques sur une base quotidienne. L’enjeu était majeur puisque le nombre d’hospitalisations témoignait de la gravité de la situation, que le couvre-feu touchait les libertés individuelles et que la vaccination divisait la population. Le chroniqueur aurait dû transmettre des données exactes au moment des faits qu’il rapportait. 

Le nombre d’hospitalisations devait être appuyé par des informations vérifiables. Dans le dossier D2021-03-049, le Conseil devait déterminer si le chroniqueur rapportait de l’information inexacte en écrivant « Moins on est instruit, plus on est pauvre. Plus on est pauvre, moins on a de dents. Plus vous regardez de vidéos de conspirationnistes, plus vous voyez de gens édentés ». La plaignante estimait qu’il était faux de faire une telle affirmation et s’est sentie insultée par ces propos. Or la chronique s’appuyait sur plusieurs études scientifiques bien identifiées dans le texte et le grief avait été rejeté. Contrairement, dans le cas présent, la source des statistiques mentionnées par le chroniqueur n’est pas citée, et les chiffres avancés ne correspondent pas aux données disponibles au moment de la chronique. Le grief est donc retenu.

Note

Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal qui n’est pas membre du Conseil de presse, et n’a pas répondu à la présente plainte.

Conclusion

Le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Mathieu Simard visant l’article « Vaccination obligatoire ou couvre-feu? » de François-David Bernier, publié le 3 janvier 2022 sur le site internet du Journal de Québec, concernant le grief d’information inexacte et blâme le chroniqueur et Le Journal de Québec.

Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)

La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :

Représentants du public

Suzanne Legault, présidente du comité des plaintes

Charles-Éric Lavery

Représentantes des journalistes

Camille Lopez

Paule Vermot-Desroches

Représentants des entreprises de presse

Jeanne Lamontagne

Sylvain Poisson