D2022-04-160

Plaignante

Ville d’Acton Vale

(Vicky Lessard, coordonnatrice – Ressources humaines et communications)

Mis en cause

Marie-Ève Martel, journaliste

La Voix de l’Est

Date de dépôt de la plainte

Le 1er avril 2022

Date de la décision

Le 16 juin 2023

Résumé de la plainte 

Vicky Lessard – au nom de la Ville d’Acton Vale – dépose une plainte le 1er avril 2022 au sujet de l’article « Ça chauffe à la caserne de pompiers d’Acton Vale » de la journaliste Marie-Ève Martel, publié sur le site internet de La Voix de l’Est, le 20 mars 2022. La plaignante déplore une information inexacte et une absence de correctif.

Contexte

Dans le reportage mis en cause, la journaliste fait état d’un climat toxique à la caserne 50 de la petite municipalité d’Acton Vale, en Montérégie. Des sources confidentielles rapportent que le directeur général adjoint serait à l’origine des tensions. On apprend qu’en raison de l’ambiance de travail malsaine, de « cinq à sept » pompiers auraient démissionné dans les mois précédents. La Ville conteste cette affirmation. Le 25 mars 2022, Vicky Lessard, la plaignante, qui est coordinatrice aux ressources humaines et aux communications à la Ville d’Acton Vale, a envoyé un courriel à La Voix de l’Est demandant, au nom de la Municipalité, une rétractation complète. Le journal n’a pas retiré l’article.

Griefs de la plaignante

Grief 1 : information inexacte

Principe déontologique applicable

Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a)  exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)

Le Conseil doit déterminer si la journaliste a transmis de l’information inexacte dans le passage suivant : « Résultat, de “cinq à sept” pompiers ont démissionné au cours des derniers mois et d’autres songeraient à leur emboîter le pas, y compris des recrues ayant récemment fait leur entrée au sein du service de sécurité incendie ». 

Décision

Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’information inexacte sur ce point.

Analyse

La plaignante affirme que « la validation des informations se trouvant dans l’article n’a pas été effectuée. Pour preuve, aucune démission de pompiers n’est recensée au département des Ressources humaines en date des 12 derniers mois de la parution de l’article ». Elle ajoute : « En se fondant sur les allégations anonymes de membres du personnel, le média a induit le public en erreur et exagéré les faits pour mettre en cause la sécurité des citoyens, ce qui est complètement faux ».

L’article intitulé « Ça chauffe à la caserne de pompiers d’Acton Vale » commence comme suit :

« Le torchon brûle à la caserne 50 d’Acton Vale. Les relations entre le directeur général adjoint Jean Fontaine et certains pompiers sont à ce point tendues que plusieurs ont démissionné ou songeraient à le faire.

Selon des informations ayant été acheminées à La Voix de l’Est au début mars, voilà “plusieurs années” que M. Fontaine, en poste depuis près de 35 ans, ne fait pas l’unanimité. La situation se serait cependant envenimée il y a un an et demi, voire deux ans.

Ses subordonnés lui reprochent son manque de respect, alors qu’il aurait tendance à rabaisser certains pompiers. D’autres le blâment d’avoir pris de mauvaises décisions sur le terrain, lors d’interventions.

Résultat, de “cinq à sept” pompiers ont démissionné au cours des derniers mois et d’autres songeraient à leur emboîter le pas, y compris des recrues ayant récemment fait leur entrée au sein du service de sécurité incendie. » 

(Soulignement ajouté par le Conseil de presse pour identifier le passage visé par la plainte)

Les mis en cause expliquent qu’ils ont obtenu ces informations de sources confidentielles « des plus fiables ». La journaliste dit avoir parlé à au moins cinq pompiers « actuels et anciens ». Elle ajoute qu’« une source distincte des autres, très bien placée et très fiable de par sa position […] nous a contactés dans les jours qui ont suivi pour confirmer les informations recueillies. À elle seule, cette source était encore plus solide à mon sens que les pompiers à qui j’avais parlé en début de recherches. »

« Toutes les sources à qui j’ai parlé ont réclamé l’anonymat, certains par peur de perdre leur emploi, d’autres par crainte de représailles de la part de leur ancien employeur. Il m’a été confirmé à maintes reprises que des pompiers avaient démissionné dans le passé, parfois pour d’autres motifs supplémentaires, mais en évoquant le climat tendu et les relations difficiles avec le directeur adjoint. D’autres ont confié réfléchir à leur avenir au sein de la caserne en raison du caractère difficile de celui-ci et du manque de respect témoigné à leur égard ou celui de collègues », explique la journaliste dans sa réplique.

Elle explique qu’elle a commencé trois semaines avant la publication de son article à tenter d’obtenir des entrevues avec le maire, Éric Charbonneau, la directrice générale, Nathalie Ouellet, le directeur du service sécurité incendie, Joël Perron, son directeur adjoint, Jean Fontaine – celui qui fait l’objet de l’article – et la coordinatrice aux ressources humaines et aux communications – la plaignante dans le dossier. Dans les messages courriel qu’elle leur a envoyés et qu’elle a transmis au Conseil, la journaliste indique clairement que sa demande d’entrevue porte sur « le conflit qui sévit en ce moment à la caserne 50. » Elle y indique avoir « obtenu et contrevérifié des allégations à l’effet qu’un officier ne fait pas l’unanimité au point où des rencontres ont été organisées pour calmer les tensions ». Elle précise qu’on lui a dit « que l’insatisfaction au sein des pompiers est telle que certains refuseraient de travailler en compagnie de l’officier en question, ce qui mènerait à un bris de service (potentiel)… ». Les demandes d’entrevue de la journaliste sont restées lettre morte.

Bien que la plaignante affirme, dans sa réplique au Conseil, que durant les 12 mois précédant la publication de l’article, il n’y a eu aucune démission de pompier à la caserne d’Acton Vale, elle n’apporte pas de preuve pour appuyer ses dires. Par ailleurs, la journaliste ne circonscrit pas les démissions à une période de temps précise. Elle écrit d’abord dans son article : « La situation se serait cependant envenimée il y a un an et demi, voire deux ans. » Plus loin, elle indique : « Résultat, de “cinq à sept” pompiers ont démissionné au cours des derniers mois ». L’expression « au cours des derniers mois » pourrait donc signifier il y a 12 à 18 mois, lorsque la situation « se serait envenimée ». 

À l’analyse de ce dossier, il n’y a pas de raison de douter de la fiabilité des sources confidentielles qui ont fourni de l’information au média et à la journaliste. Le travail de la journaliste était de corroborer ces informations. Fait important à souligner, la journaliste a pris les moyens raisonnables pour obtenir le point de vue de la Ville. Cette dernière a eu l’occasion à plusieurs reprises de donner sa version des faits, ce qu’elle n’a pas fait. Si la Ville estimait que les informations de la journaliste étaient erronées, elle aurait pu se faire entendre au moment du reportage et ainsi expliquer au public sa position.

Il revient à la personne qui dépose une plainte de fournir la preuve de ce qu’elle avance. Lorsqu’un plaignant contredit les informations contenues dans un reportage, il doit être en mesure de démontrer ses allégations. Dans la décision D2021-03-061, le Conseil se trouvait aussi devant des versions contradictoires. Il a rejeté la plainte parce que la partie plaignante, le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Côte-Nord, n’apportait pas de preuve de ce qu’elle avançait. D’autre part, il a trouvé que la journaliste avait eu recours à des sources fiables – bien que confidentielles – et avait pris les moyens raisonnables pour valider les informations auprès du CISSS. Pour les mêmes raisons, dans le cas présent, le Conseil donne le bénéfice du doute à la journaliste et rejette le grief d’information inexacte.

Grief 2 : absence de correctif

Principe déontologique applicable

Correction des erreurs : « Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. » (article 27.1 du Guide)

Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont contrevenu à l’article 27.1 du Guide.

Décision

Le Conseil rejette le grief d’absence de correctif. 

Analyse 

Le Conseil n’ayant constaté aucun manquement déontologique au grief d’information inexacte, le média n’avait pas à diffuser de correctif ou à se rétracter, comme le réclamait la plaignante. 

Conclusion

Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Vicky Lessard – déposée au  nom de la Ville d’Acton Vale –  visant l’article « Ça chauffe à la caserne de pompiers d’Acton Vale » de la journaliste Marie-Ève Martel publié sur le site internet de La Voix de l’Est, le 20 mars 2022, concernant les griefs d’information inexacte et d’absence de correctif.

La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :

Représentants du public

François Aird, président du comité des plaintes

Suzanne Legault

Représentants des journalistes

Simon Chabot-Blain

Sylvie Fournier

Représentants des entreprises de presse

Marie-Andrée Chouinard

Éric Grenier