D2022-11-222

Plaignant

Patrick Chamoun

Mis en cause

Héloïse Archambault, journaliste

Le Journal de Montréal

Québecor Média

Date de dépôt de la plainte

Le 25 novembre 2022

Date de la décision

Le 6 décembre 2023

Résumé de la plainte

Patrick Chamoun dépose une plainte le 25 novembre 2022 au sujet de l’article « Elle meurt après une chirurgie esthétique dans une clinique de Westmount », de la journaliste Héloïse Archambault, publié sur le site Web du Journal de Montréal le 23 novembre 2022. Le plaignant déplore un grief de manque de fiabilité des informations transmises par les sources et un grief d’information incomplète.

Contexte

Dans son article, la journaliste rapporte qu’une mère de famille est décédée après avoir subi une opération en chirurgie esthétique dans une clinique privée le 1er novembre 2022. Des complications sont survenues lors de l’opération et la patiente a été transportée d’urgence à l’hôpital. Sa mort s’en est suivie le 13 novembre 2022. La journaliste indique d’entrée de jeu que la raison pour laquelle l’état de la femme s’est détérioré pendant l’opération est inconnue. Plus loin dans l’article, elle dit que, selon des spécialistes en chirurgie esthétique, les risques de complications peuvent être liés, entre autres, à l’anesthésie. Sous le couvert de l’anonymat, un chirurgien plasticien donne son opinion sur les risques de faire appel à un inhalothérapeute plutôt qu’à un anesthésiste, qui est médecin. Le texte ne précise pas si un inhalothérapeute ou un anesthésiste était en fonction lors de l’opération en question, le 1er novembre 2022.

Griefs du plaignant

Grief 1 : manque de fiabilité des informations transmises par les sources

Principe déontologique applicable

Fiabilité des informations transmises par les sources : « Les journalistes prennent les moyens raisonnables pour évaluer la fiabilité des informations transmises par leurs sources, afin de garantir au public une information de qualité. » (article 11 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)

Le Conseil doit déterminer si la journaliste a pris les moyens raisonnables pour évaluer la fiabilité des informations transmises par sa source dans le passage suivant :

« Or, selon un chirurgien plasticien contacté par Le Journal, plusieurs cas de sédation ont causé des complications en 2022 au Québec. Le médecin est convaincu que cela est lié à l’embauche d’inhalothérapeutes, plutôt que d’anesthésistes (qui sont médecins). “La seule raison d’avoir un inhalothérapeute, c’est pour payer moins cher, dit-il sous le couvert de l’anonymat. Mais, c’est plus que cow-boy. On met les patients en danger.”

Trop braves

Bien que les inhalothérapeutes aient le droit de faire de la sédation légère ou modérée, dans certaines conditions, les risques sont réels si la situation dégénère (dépression cardiorespiratoire, dose trop forte, etc.). “Ils deviennent trop braves, ils se prennent pour des anesthésistes”, dit le chirurgien, qui s’assure de toujours embaucher un médecin spécialiste. »

Décision

Le Conseil de presse du Québec retient le grief de manque fiabilité des informations transmises par les sources.

Analyse

Ne connaissant pas la cause du décès de la patiente, la journaliste présente dans son texte deux risques « majeurs » liés à de telles chirurgies : les caillots (de sang ou de gras) et l’anesthésie. Elle fait une entrevue avec une source confidentielle, un chirurgien plasticien, concernant les risques liés à la sédation.

Le plaignant reproche à la journaliste d’avoir rapporté « les paroles diffamatoires et dénigrantes envers une profession [celle des inhalothérapeutes] d’un chirurgien qui ne connaît pas le droit de pratique et les limites de l’inhalothérapeute ». Le plaignant estime que « la citation mentionnée ne fait qu’aggraver la méfiance de la population envers l’inhalothérapeute, elle mine sa crédibilité. […] Le tout écrit sans détail ni fondement. »

Dans le passage en cause, deux affirmations sont présentées par le chirurgien interviewé comme des faits : 1) plusieurs cas de sédation ont causé des complications en 2022 au Québec; et 2) ces complications sont liées à l’embauche d’inhalothérapeutes. Ces affirmations, qui sont dommageables pour la confiance du public envers la profession des inhalothérapeutes, ne reposent que sur une seule source, confidentielle de surcroît. Elles auraient mérité d’être validées, par exemple auprès de différentes autorités médicales, de l’Ordre des inhalothérapeutes, d’autres spécialistes ou encore dans des rapports de coroners.

Outre le fait qu’elle ne valide pas l’information transmise par sa source, la journaliste ne pousse pas non plus son entrevue plus loin. Elle aurait pu demander au chirurgien de lui fournir des preuves de ce qu’il avançait et de détailler ses allégations et expliquer ces allégations au public.

Contrairement au cas présent, dans le dossier D2018-04-042, où la plaignante estimait que les informations transmises par les sources de la journaliste Nathalie Petrowski n’étaient pas « tout à fait justes » et que les inexactitudes qu’elle lui reprochait témoignaient de leur manque de fiabilité, le Conseil avait constaté que dans son texte, la journaliste citait huit sources différentes, toutes concordantes, ce qui lui avait permis de corroborer leurs versions des faits et de jauger leur crédibilité. Le Conseil avait donc jugé que la journaliste avait pris les moyens raisonnables pour évaluer les informations en question.

Pour toutes les raisons invoquées, le Conseil estime que dans le cas présent, la journaliste n’a pas pris les moyens raisonnables pour évaluer la fiabilité des informations transmises par sa source confidentielle et retient le grief de manque fiabilité des informations transmises par les sources.

Grief 2 : information incomplète

Principe déontologique applicable

Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 e) du Guide)

Le Conseil doit déterminer si la journaliste a omis une information essentielle à la bonne compréhension du sujet dans le passage suivant :

« Or, selon un chirurgien plasticien contacté par Le Journal, plusieurs cas de sédation ont causé des complications en 2022 au Québec. Le médecin est convaincu que cela est lié à l’embauche d’inhalothérapeutes, plutôt que d’anesthésistes (qui sont médecins). “La seule raison d’avoir un inhalothérapeute, c’est pour payer moins cher, dit-il sous le couvert de l’anonymat. Mais, c’est plus que cow-boy. On met les patients en danger.”

Trop braves

Bien que les inhalothérapeutes aient le droit de faire de la sédation légère ou modérée, dans certaines conditions, les risques sont réels si la situation dégénère (dépression cardiorespiratoire, dose trop forte, etc.). “Ils deviennent trop braves, ils se prennent pour des anesthésistes”, dit le chirurgien, qui s’assure de toujours embaucher un médecin spécialiste. »

Décision

Le Conseil rejette le grief d’information incomplète.

Analyse 

Le plaignant affirme que « le chirurgien [interviewé sous le couvert de l’anonymat] a omis de préciser que l’inhalo en sédation est géré par le chirurgien, c’est-à-dire que c’est le chirurgien qui prescrit les doses à donner par l’inhalo, laissant entendre que les inhalo agissent seuls ». Il estime que la journaliste « aurait pu facilement valider cette information auprès de l’ordre professionnel ».

Le plaignant estime qu’une information essentielle à la compréhension du sujet est manquante. Or, ce qu’il apporte comme information supplémentaire n’est pas précis. Malgré ses recherches, le Conseil n’a pas pu valider la proposition du plaignant telle qu’il l’a présentée. Il appartient au plaignant de fournir la preuve de ce qu’il avance, et d’appuyer ses dires sur des informations vérifiables.

Dans un dossier similaire, le D2021-01-014, le Conseil avait rejeté le grief d’information incomplète parce que le plaignant n’avait pas démontré de quelle façon l’information aurait changé la compréhension du sujet, soit que les vols des 10 et 13 janvier 2021 d’Air Transat en provenance de Port-au-Prince « étaient infestés de cas de COVID-19 ». Le plaignant déplorait que l’article ne mentionne pas le « fait qu’il y avait une centaine de bancs vides dans l’avion », mais n’avait pas soumis de preuve pour soutenir son affirmation.

Par ailleurs, dans le cas présent, le plaignant estime que les propos du chirurgien laissent entendre que les inhalothérapeutes agissent seuls, ce qu’il déplore. Or, nulle part dans le texte il n’est écrit que les inhalothérapeutes agissent seuls. Il s’agit ici de son interprétation, ce qu’il indique d’ailleurs en utilisant l’expression « laissant entendre » dans son argumentaire.

Puisque le plaignant n’a pas apporté la preuve de ce qu’il avance et qu’il déplore une information qui n’est pas présente dans le texte, le grief d’information incomplète est rejeté.

Note

Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal, qui n’est pas membre du Conseil de presse et n’a pas répondu à la présente plainte.

Conclusion

Le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Patrick Chamoun visant l’article d’Héloïse Archambault « Elle meurt après une chirurgie esthétique dans une clinique de Westmount », publié le 23 novembre 2022 sur le site Web du Journal de Montréal, concernant le grief de manque de fiabilité des informations transmises par les sources.

Le Conseil rejette la plainte concernant le grief d’information incomplète.

Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement 2, article 31.02)

La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :

Représentants du public

Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes

Mathieu Montégiani

Représentants des journalistes

Sylvie Fournier

Paule Vermot-Desroches

Représentants des entreprises de presse

Maxime Bertrand

Éric Grenier