D2022-12-227

Plaignant

Yves Laberge

Mis en cause

Clémence Delfils, journaliste

Le quotidien La Presse

Date de dépôt de la plainte

Le 4 décembre 2022

Date de la décision

Le 26 janvier 2024

Résumé de la plainte

Yves Laberge dépose une plainte le 4 décembre 2022 au sujet de l’article « Un épisode de surmortalité qui perdure », de la journaliste Clémence Delfils, publié dans La Presse le 2 décembre 2022. Le plaignant déplore des informations inexactes.

Contexte

La plainte vise le paragraphe introductif de l’article « Un épisode de surmortalité qui perdure », publié dans La Presse le 2 décembre 2022, qui se lit comme suit :

« Le Québec enregistre plus de décès que prévu depuis le début de l’été 2022, un long épisode de surmortalité qui pourrait être dû à la baisse des restrictions liées à la COVID-19 et à la multiplication des virus. » 

Dans l’article, la journaliste explique qu’« après plusieurs épisodes de fortes hausses et de baisses liées aux vagues de COVID-19, une tendance stagnante de surmortalité se fait sentir depuis juillet [2022] au Québec. » Elle rapporte les propos de deux experts, soit le démographe Frédéric Fleury-Payeur, de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), et la Dre Rodica Gilca, analyste de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

Son texte est accompagné de trois graphiques dont les données proviennent de l’ISQ.

Griefs du plaignant

Grief 1 : informations inexactes

Principe déontologique applicable

Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)

1.1 Surmortalité depuis le début de l’été 2022 

Le Conseil doit déterminer si la journaliste a transmis de l’information inexacte à propos de la période de surmortalité dans l’extrait suivant du paragraphe introductif : « Le Québec enregistre plus de décès que prévu depuis le début de l’été 2022 […] ».

Décision

Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’information inexacte sur ce point.

Analyse

Le plaignant estime que « mentionner ou laisser sous-entendre que la surmortalité a commencé seulement depuis le début de l’été est une fausse information ». Il soutient que « depuis le début de 2022 et à chaque mois, il y a une surmortalité ». Il dépose comme preuves différents tableaux statistiques, dont certains proviennent de ses propres « calculs de surmortalité mensuelle à partir du 1er janvier [2022] ». 

La Presse réplique que les chiffres et graphiques utilisés dans l’article proviennent de données compilées et diffusées mensuellement par l’ISQ. La Presse joint le tableau « Estimations de surmortalité hebdomadaire selon le groupe d’âge, Québec, 2020-2023 »1 et mentionne que « ces données font bel et bien état d’un long épisode de surmortalité qui a débuté au début de l’été 2022 ».

La Presse souligne également qu’« un démographe de l’ISQ, Frédéric Fleury-Payeur, est largement cité pour appuyer les informations présentées dans le texte [et que] M. Fleury-Payeur évoque lui-même un épisode de surmortalité anormalement soutenu à partir de juillet 2022 ».

Les journalistes font régulièrement appel à des experts afin d’éclairer le public au sujet d’enjeux complexes. Lorsqu’ils rapportent les propos d’un expert, les journalistes doivent bien identifier ses propos afin que le public puisse évaluer la valeur des informations transmises. Lorsqu’un journaliste relate les propos d’un expert, on peut être en désaccord avec l’analyse de ce dernier sur le sujet, mais cela ne signifie pas que le journaliste a produit une inexactitude. Dans la décision D2019-01-005, le Conseil explique qu’on ne peut conclure à une inexactitude de la part de la journaliste qui rapportait l’opinion d’un expert. Dans ce dossier, le plaignant était en désaccord avec les projections démographiques du professeur Eric Kaufmann reprises par la journaliste. Cependant, la journaliste avait clairement identifié dans son texte qu’elle reprenait l’hypothèse de l’auteur dont l’essai constituait le sujet de la chronique.

De la même manière, dans le cas présent, bien que le plaignant apporte une perspective différente en proposant sa propre analyse des chiffres, la journaliste n’a pas transmis d’information inexacte. Il est clairement indiqué, dans son texte, que les données sur lesquelles elle s’appuie proviennent de l’ISQ et qu’elle cite les propos du démographe de l’ISQ, Frédéric Fleury-Payeur. La journaliste a donc rapporté une information fidèle à la réalité.

1.2 Les causes de la surmortalité

Le Conseil doit déterminer si la journaliste a transmis de l’information inexacte à propos des causes de la surmortalité dans l’extrait suivant du paragraphe introductif : « […] un long épisode de surmortalité qui pourrait être dû à la baisse des restrictions liées à la COVID-19 et à la multiplication des virus. »

Décision

Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’information inexacte sur ce point.

Analyse 

Le plaignant estime qu’il est erroné « de dire [que la surmortalité présente depuis le début de l’été 2022] “pourrait être dû à la baisse des restrictions et à la multiplication des virus” quand cette surmortalité a commencé avant la fin des restrictions ». Il soutient que « les virus surtout respiratoires circulent moins en été [et que] ce fait [est] connu des experts et devrait être connu des journalistes traitant de ce sujet ».

La Presse réplique que « l’hypothèse voulant que la levée des mesures sanitaires ait multiplié la circulation des virus et soit l’une des causes de la surmortalité est avancée par la Dre Rodica Gilca, analyste pour l’INSPQ ». Soulignons qu’au Québec, la plupart des mesures sanitaires ont été levées le 12 mars 2022.

Dans le passage visé, ainsi que dans l’article, lorsque la journaliste et la Dre Gilca mentionnent les causes possibles de la surmortalité, elles présentent l’information de façon nuancée, en utilisant le conditionnel présent, un temps qui « permet […] d’évoquer des faits incertains ou qu’on ne veut pas présenter comme certains ou réels », tel que l’indique l’Office québécois de la langue française. Ainsi, dans le passage en cause, la journaliste ne présente pas comme certaines les causes de la surmortalité, mais présente plutôt l’hypothèse que cet « épisode de surmortalité [qui perdure depuis le début de l’été 2022] […] pourrait être dû à la baisse des restrictions liées à la COVID-19 et à la multiplication des virus ».

Comme au sous-grief précédent, il n’y a rien d’inexact dans l’information transmise par la journaliste. Elle rapporte simplement les propos de l’analyste de l’INSPQ qui émet des hypothèses quant aux causes de la surmortalité.

Conclusion

Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte d’Yves Laberge visant l’article « Un épisode de surmortalité qui perdure », de Clémence Delfils, publié dans La Presse le 2 décembre 2022, concernant les griefs d’informations inexactes.

La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :

Représentants du public

François Aird, président du comité des plaintes

Mathieu Montégiani

Représentants des journalistes

Lisa-Marie Gervais

Daniel Leduc

Représentants des entreprises de presse

Marie-Andrée Chouinard

Jean-Philippe Pineault

1 Référence : Institut de la statistique du Québec, « Estimations de surmortalité hebdomadaire selon le groupe d’âge, Québec, 2020-2023 ». Consulté en janvier 2024.