D2023-03-013
Plaignante
Elisabeth Greene
Mis en cause
Guillaume Théroux, journaliste
Noovo Info
Bell Média
Date de dépôt de la plainte
Le 21 mars 2023
Date de la décision
Le 23 février 2024
Résumé de la plainte
Elisabeth Greene dépose une plainte le 21 mars 2023 au sujet de l’article « “Globalement acceptables”, les nuisances sur le site de Ray-Mont Logistiques avant le développement? », du journaliste Guillaume Théroux, publié sur le site Internet de Noovo Info le 3 mars 2023 et mis à jour le lendemain. La plaignante déplore des informations inexactes, de l’information incomplète et un conflit d’intérêts.
Contexte
L’article visé présente les conclusions d’un rapport réalisé par SNC-Lavalin pour le compte de la Ville de Montréal au sujet des nuisances (bruit, vibrations, poussières, odeurs, pollution lumineuse) dans le secteur Assomption-Sud–Longue-Pointe. Le journaliste présente la réaction du maire d’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, qui qualifie les nuisances présentes à l’été 2022 de « globalement acceptables ». L’article expose également les appréhensions de citoyens vivant à proximité du secteur qui sera visé par différents projets de développement industriel et routier au cours des prochaines années. La porte-parole du groupe Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM fait notamment part de ses craintes par rapport aux nuisances qui seront occasionnées par les activités sur le site de transbordement de Ray-Mont Logistiques, une entreprise spécialisée dans le transbordement de marchandises et l’entreposage de conteneurs. Au moment de la prise de données, le site, qui recevra les conteneurs qui transiteront entre le Port de Montréal et d’autres moyens de transport comme le train et les camions, n’était pas en activité.
Une première version de l’article a été publiée sur le site Internet de Noovo Info le 3 mars 2023 sous le titre « “Globalement acceptables”, les nuisances sur le site Ray-Mont Logistiques? ». Ce titre a été modifié le 4 mars 2023 pour « “Globalement acceptables”, les nuisances sur le site de Ray-Mont Logistiques avant le développement? ». Finalement, le 8 mars 2023, le titre a été de nouveau mis à jour et se lit comme suit : « “Globalement acceptables ”, les nuisances dans le secteur Assomption-Sud–Longue-Pointe avant le développement de Ray-Mont Logistiques? ». Dans cette troisième version, la première phrase de l’article a également été modifiée.
La plainte porte sur la deuxième version de l’article, soit celle intitulée « “Globalement acceptables”, les nuisances sur le site de Ray-Mont Logistiques avant le développement? », mise en ligne le 4 mars 2023.
Griefs de la plaignante
Grief 1 : informations inexactes
Principes déontologiques applicables
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Illustrations, manchettes, titres et légendes : « Le choix et le traitement des éléments accompagnant ou habillant une information, tels que les photographies, vidéos, illustrations, manchettes, titres et légendes, doivent refléter l’information à laquelle ces éléments se rattachent. » (article 14.3 du Guide)
1.1 Site
Le Conseil doit déterminer si le média a transmis de l’information inexacte dans le titre « “Globalement acceptables”, les nuisances sur le site de Ray-Mont Logistiques avant le développement? » et si le journaliste et le média ont transmis de l’information inexacte dans le passage suivant : « Le niveau de nuisance existant à l’été 2022 sur le site Ray-Mont Logistiques était “globalement acceptable” en amont des activités de développement industriel. »
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’informations inexactes sur ce point.
Analyse
La plaignante considère que le titre « “Globalement acceptables”, les nuisances sur le site de Ray-Mont Logistiques avant le développement? » ainsi que la première phrase de l’article, qui affirme : « Le niveau de nuisance existant à l’été 2022 sur le site Ray-Mont Logistiques était “globalement acceptable” en amont des activités de développement industriel », sont « trompeur[s] ».
Elle indique que « l’étude dont il est question dans l’article ne porte pas sur le projet de Ray-Mont Logistiques en tant que tel, mais plutôt sur l’ensemble d’un secteur, celui d’Assomption-Sud–Longue-Pointe, qui comporte bien d’autres projets de développement, et qui est beaucoup plus grand que le terrain de Ray-Mont Logistiques seulement ». Elle souligne « que l’étude consiste en un “Portrait global des nuisances actuelles – secteur Assomption-Sud–Longue-Pointe” ».
Noovo Info fait valoir que « le Rapport a été rigoureusement lu par notre journaliste et que tant le titre initial que celui corrigé sont véridiques et conformes au Guide. Puisque, dans le rapport, les conclusions de SNC-Lavalin quant aux nuisances générées par Ray-Mont Logistiques ne se distinguent pas particulièrement des conclusions générales, il n’était tout simplement pas nécessaire de nuancer le titre. » Le média indique que le titre a été modifié « par sensibilité et respect » pour la plaignante.
En réponse aux arguments du média, la plaignante ajoute : « Si nous comprenons que le nom de Ray-Mont Logistiques est connu du public et attire l’attention du lecteur, nous nous demandons cependant pourquoi un projet qui n’a pas réellement débuté est ainsi mis au premier plan dans le titre, aux côtés des mots “globalement acceptables”. D’autant plus que dans les faits, les nuisances évaluées portaient sur un territoire (ASLP) [Assomption-Sud–Longue-Pointe] dont la superficie est de 42 millions de pieds carrés, tandis que le terrain de Ray-Mont Logistiques ne fait que 2,5 millions de pieds carrés. Ce dernier ne représente donc qu’une toute petite superficie du secteur évalué. »
À ce moment-ci, il est important de rappeler que cet aspect de la plainte porte sur le titre « “Globalement acceptables”, les nuisances sur le site de Ray-Mont Logistiques avant le développement? » et l’extrait suivant de l’article : « Le niveau de nuisance existant à l’été 2022 sur le site Ray-Mont Logistiques était “globalement acceptable” en amont des activités de développement industriel. » Après analyse, il apparaît que le média et le journaliste n’ont pas transmis d’informations inexactes dans les passages visés par la plainte. Bien que la version mise à jour le 8 mars 2023 présente des informations plus précises en indiquant, dans le titre et la première phrase de l’article, la zone qui a fait l’objet de l’étude environnementale, soit le secteur Assomption-Sud–Longue-Pointe, cela ne signifie pas que la version précédente était inexacte.
Il n’était en effet pas inexact de désigner le secteur visé par l’étude en se référant au projet de Ray-Mont Logistiques puisqu’il en fait partie. Certes, le territoire étudié est plus vaste, mais faire référence à ce projet n’induit pas le lecteur en erreur quant au secteur de la ville où a été menée l’étude environnementale. Le projet de Ray-Mont Logistiques a fait l’objet d’une abondante couverture médiatique, notamment en raison de la controverse qu’il a suscitée auprès des résidents du quartier. Lorsqu’il est question des nuisances éventuelles qui seront liées au développement de cette zone industrielle, les yeux se tournent inévitablement vers le projet de Ray-Mont Logistiques.
Il est vrai qu’en identifiant clairement le secteur de la ville visé par l’étude environnementale (comme c’est le cas à la suite de la mise à jour du 8 mars 2023), l’information est plus précise, mais cela ne signifie pas que la version antérieure de l’article qui faisait référence à Ray-Mont Logistiques comportait une inexactitude. Comme l’explique la décision antérieure D2017-10-125, le fait qu’une information puisse être plus précise ne signifie pas qu’elle est inexacte. Dans ce dossier, le plaignant considérait que la journaliste avait rapporté une information inexacte en écrivant que « l’enquête policière a démontré que Bissonnette […] possédait trois armes ». Il estimait que ce n’étaient pas les policiers qui avaient prouvé qu’Alexandre Bissonnette possédait trois armes, mais que cette information provenait plutôt du témoignage du père de l’auteur de la tuerie de la mosquée de Québec. Le Conseil a rejeté le grief parce qu’il a constaté que « l’information selon laquelle Alexandre Bissonnette possédait trois armes a été rendue publique dans le cadre de l’enquête policière et que le témoignage du père du suspect a été rapporté dans le cadre de cette même enquête. La journaliste pouvait donc légitimement présenter l’information comme provenant de l’enquête policière. Même si la formulation est imprécise (il aurait été plus précis de dire que l’information sur les trois armes provenait du témoignage du père dans le cadre de l’enquête policière), le Conseil juge qu’elle n’est pas inexacte et qu’elle n’interfère pas dans la compréhension du sujet. »
De la même manière, dans le cas présent, même s’il aurait été plus précis de nommer le secteur visé par l’étude plutôt que d’y faire référence en pointant uniquement le projet le plus connu, l’information n’est pas inexacte puisque le projet de Ray-Mont Logistiques a été très médiatisé. Ainsi, le titre « “Globalement acceptables”, les nuisances sur le site de Ray-Mont Logistiques avant le développement? » et le passage suivant de l’article « Le niveau de nuisance existant à l’été 2022 sur le site Ray-Mont Logistiques était “globalement acceptable” en amont des activités de développement industriel » sont fidèles à la réalité.
En ce qui concerne la décision du média de modifier le titre et la première phrase du texte par égard pour la plaignante, elle ne doit pas être interprétée comme l’admission d’un manquement déontologique, comme le rappelle la décision D2019-04-059. Ce dossier comprenait un grief d’atteinte à la vie privée dont l’argumentaire concernant la modification apportée par le média s’applique au cas présent puisque, tout comme dans le présent dossier, la plaignante s’était plainte au média et celui-ci avait effectué une modification, une décision qui lui revenait. Alors que la plaignante jugeait que le média avait atteint à sa vie privée en publiant une photo sur laquelle elle s’était reconnue, le Conseil a rejeté le grief entre autres parce que le simple fait que la plaignante ou ses proches l’aient reconnue ne signifie pas qu’il y avait une atteinte à sa vie privée. Le Conseil a examiné le manquement allégué sans considérer que les modifications apportées à la photo par le média constituait l’admission d’un manquement. La décision explique : « La plaignante s’étant plainte au média, celui-ci a choisi de flouter son visage, déjà à peine visible. Le Conseil estime que le média n’avait pas à flouter ce visage puisque la plaignante n’était pas, de prime abord, identifiable aux yeux du public et que la photo originale ne représentait pas un manquement déontologique. Cependant, le choix de la flouter lui revenait. La plaignante a tout de même choisi de porter plainte au Conseil de presse. » Le Conseil a rejeté le grief en faisant observer que « le média n’avait pas à effectuer de correctif à l’article publié ».
Dans le cas présent, les modifications apportées par le média témoignent de sa volonté de présenter une information plus précise. Cette décision lui appartenait, même s’il n’y avait pas d’erreur.
1.2 « Imprécis »
Le Conseil doit déterminer si le média a transmis de l’information inexacte dans le passage suivant de l’article « “Globalement acceptables”, les nuisances sur le site de Ray-Mont Logistiques avant le développement? » :
« Note de la rédaction : Le titre initial de cet article, “Globalement acceptables”, les nuisances de Ray-Mont Logistiques?, laissait entendre que le rapport cité évaluait le niveau de nuisance du projet dans son ensemble et exclusivement sur le site de Ray-Mont, ce qui était imprécis. »
Décision
Le Conseil rejette le grief d’informations inexactes sur ce point.
Analyse
La plaignante estime que le terme « imprécis » est inexact dans le passage ci-dessus puisque selon elle, « ce n’est pas “imprécis” : c’est faux ».
La note de la rédaction visée par la plainte informe de la modification apportée au titre initial de l’article « “Globalement acceptables”, les nuisances de Ray-Mont Logistiques? ».
En affirmant que ce titre était « imprécis », le média n’a pas transmis d’information inexacte puisque, comme l’affirme la note de la rédaction, le titre pouvait être plus précis. Le qualificatif qu’il a choisi est fidèle aux faits.
Tel que mentionné dans sa décision D2017-03-051, « le Conseil a maintes fois statué qu’il n’a pas à établir de lexique des termes que les médias ou les professionnels de l’information doivent employer ou éviter, les décisions à cet égard relevant de leur autorité et de leur discrétion rédactionnelles. Les médias et les journalistes doivent cependant peser l’emploi des mots qu’ils utilisent, être fidèles aux faits et faire preuve de rigueur dans l’information afin de ne pas induire le public en erreur sur la vraie nature des situations ou encore l’exacte signification des événements. » Dans ce dossier, la plaignante estimait qu’il était inexact d’employer le verbe « limoger » pour qualifier le congédiement d’une employée municipale. Or, parmi plusieurs définitions de « limoger » qu’on peut trouver, celle que le dictionnaire Larousse donne de ce verbe – « Priver quelqu’un de son poste, de ses fonctions, en le déplaçant ou en le destituant » – reflétait bien la réalité de la situation, a estimé le Conseil, qui a rejeté le grief d’information inexacte.
Pareillement, dans le cas présent, le terme « imprécis » choisi par le média correspond à la situation qu’il décrit, soit que que le titre pouvait être plus précis, même s’il n’était pas inexact.
Grief 2 : information incomplète
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 e) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a omis de l’information essentielle à la compréhension du sujet concernant le projet d’entreposage de conteneurs pour le port de Montréal de l’entreprise Ray-Mont Logistiques.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’information incomplète.
Analyse
La plaignante déplore que « nulle part dans l’article, il est mentionné que cet entreposage de conteneurs pour le Port de Montréal ne fait pas partie du projet que l’entrepreneur a l’intention de faire au final. Ces activités sont temporaires au début de son projet initial, qui consiste en l’une des plus grandes plateformes intermodales d’Amérique du Nord. Un fait qui n’est pas anodin et qui mérite d’être soulevé. »
Le média affirme que « l’article se veut bref et porte sur les nuisances environnementales […] telles que déclinées dans le rapport et diverses réactions à cet égard ». Il ajoute : « L’article est également complet et démontre une rigueur qui permet au lecteur de poser un regard critique sur les conclusions du rapport et les réactions qu’il a entraînées. »
L’analyse d’un grief d’information incomplète consiste à déterminer si l’information souhaitée par le plaignant était essentielle à la compréhension du sujet. Dans le cas présent, l’article porte sur les conclusions de l’étude environnementale réalisée par SNC-Lavalin et les réactions qu’elles suscitent. L’information souhaitée par la plaignante concerne un aspect précis du projet de Ray-Mont Logistiques. Dans le cadre de l’angle de traitement de l’article, l’information que la plaignante aurait voulu voir dans le reportage n’était pas essentielle à la compréhension du sujet puisqu’il ne s’agit pas d’une information incontournable permettant de comprendre les conclusions du rapport.
L’absence d’une information qui aurait pu être intéressante ou apporter plus de précision à un sujet ne constitue pas un manquement déontologique, comme le mentionne la décision antérieure D2020-04-056. Dans ce dossier, le Conseil a rejeté le grief d’information incomplète parce qu’il a jugé que « les journalistes n’avaient pas l’obligation déontologique de diffuser toutes les informations liées au sujet du reportage, ce qui serait d’ailleurs impossible dans un temps limité ». Le plaignant estimait que la journaliste avait omis de mentionner que le rapport Breitel avait été traité dans des articles publiés dans La Presse en 1980, Le Devoir en 1981 et The Globe and Mail en 1997. Il affirmait que « tous ces documents dits “inédits” étaient connus du public pour avoir fait l’objet de reportages médiatiques à la suite du refus de la demande de permis qui avait été faite aux États-Unis en 1980 ». Le plaignant n’expliquait pas en quoi cette information aurait été essentielle, selon lui, à la compréhension du sujet. Malgré cela, les articles qu’il évoquait n’auraient pas changé la compréhension du sujet du reportage. En fonction des angles de traitement choisis, les mis en cause n’avaient pas l’obligation de faire état des articles soumis par le plaignant, car ils n’étaient pas essentiels à la compréhension du sujet du reportage.
De la même manière, dans le cas présent, en fonction de l’angle de traitement choisi, le journaliste n’avait pas l’obligation de mentionner que les activités d’entreposage de l’entreprise Ray-Mont Logistiques étaient temporaires, car cette information n’était pas essentielle à la compréhension du sujet de l’article. D’ailleurs, la plaignante n’indique pas en quoi l’information souhaitée était selon elle essentielle à la compréhension du sujet.
Grief 3 : conflit d’intérêts
Principe déontologique applicable
Conflits d’intérêts : « (1) Les journalistes évitent tout conflit d’intérêts ou apparence de conflit d’intérêts. En toute situation, ils adoptent un comportement intègre. (2) Les médias d’information veillent à ce que leurs journalistes ne se trouvent pas en situation de conflit d’intérêts ou d’apparence de conflit d’intérêts. » (article 6.1 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a manqué à son devoir d’éviter tout conflit ou apparence de conflit d’intérêts.
Décision
Le Conseil rejette le grief de conflit ou d’apparence de conflit d’intérêts.
Analyse
La plaignante considère que le fait qu’Antonine Yacarini et son conjoint Dominic Vallières soient « employés de Noovo » et travaillent « pour la firme TACT Conseil, qui, elle, est employée par Ray-Mont Logistiques, laisse sérieusement présager un conflit d’intérêts qui interviendrait dans la rédaction de cet article ». Elle joint à sa plainte une page du Registre des lobbyistes indiquant que Julien Nepveu-Villeneuve, de TACT Intelligence-Conseil, agit à titre de lobbyiste pour Ray-Mont Logistiques. Elle estime que tout porte « à croire que les nuisances du projet Ray-Mont Logistiques et les impacts sur la population environnante tentent d’être minimisés » dans l’article visé par la plainte.
Les représentants de Noovo affirment que le journaliste « Guillaume Théroux n’était pas en conflit d’intérêts » et réfutent l’affirmation selon laquelle M. Théroux aurait souhaité favoriser Ray-Mont Logistiques.
Ils indiquent qu’« une consultante (et non pas employée) est chroniqueuse pour Noovo et travaille ou agit à titre de consultante pour TACT Conseil. Or, Guillaume Théroux ne l’a jamais rencontrée et n’en connaissait pas le nom, lors de la rédaction de son article tout comme lors de la réception de la plainte. »
Ils soulignent que Noovo « compte des centaines d’employés et de consultants qui travaillent en divers lieux et peuvent être appelés à se croiser ou non, au cours de leurs fonctions. En l’espèce, la chaîne de liens mentionnés par la plaignante est beaucoup trop longue pour conclure à un conflit d’intérêts. En effet, s’il fallait conclure à un conflit d’intérêts chaque fois que fait l’objet d’un article l’un des clients de l’un des clients d’un autre employé ou consultant de l’employeur du journaliste, il serait quasiment impossible pour les médias d’envergure de faire de la nouvelle. »
En réponse aux arguments avancés par le média, la plaignante ajoute que « non seulement ladite consultante travaille à la fois pour Noovo et TACT, mais son mari travaille aussi pour les deux mêmes entreprises. Les deux consultants employés par Noovo, qui se connaissent inévitablement, sont donc en contact avec un directeur principal de l’entreprise TACT, qui est quant à lui lobbyiste pour l’entreprise Ray-Mont Logistiques. »
La plaignante observe que le journaliste et Mme Yacarini sont abonnés l’un à l’autre sur le média social Instagram et que le journaliste a « partagé un article de la consultante en question sur la plateforme Linked[In] et ce, avant la parution de l’article qui nous intéresse. Il y avait donc de très fortes probabilités que M. Théroux connaisse au moins le nom de la consultante. »
Au sujet de la chaîne de liens entre Antonine Yacarini et le journaliste Guillaume Théroux, la plaignante reconnaît qu’elle est longue, mais elle considère que « le lien reste, et qu’il est discutable ». Elle ajoute : « Si l’on croit en l’objectivité et l’impartialité du journaliste, on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi celui-ci a choisi de présenter les faits de cette façon, en abordant l’angle unique de Ray-Mont Logistiques, en omettant de rapporter des faits importants qui ont un impact réel sur le message véhiculé et sur la perception de la situation qu’aura le lecteur : probablement à l’avantage de Ray-Mont Logistiques. »
Rien dans l’hypothèse avancée par la plaignante ne permet de démontrer l’existence d’un conflit ou d’une apparence de conflit d’intérêts de la part du journaliste ou du média. Le fait qu’Antonine Yacarini et Dominic Vallières présentent des analyses politiques dans les bulletins de nouvelles de Noovo et qu’ils participent à l’émission « Les débatteurs », en plus de leur emploi au sein de TACT Conseil, une firme de relations publiques qui fait, entre autres, du lobbyisme pour Ray-Mont Logistiques, n’indique pas comment le journaliste de Noovo qui a signé l’article se trouvait en conflit ou en apparence de conflit d’intérêts au moment d’écrire son article.
Le fait que le journaliste soit abonné au compte Instagram de Mme Yacarini et qu’il ait partagé l’un de ses textes sur LinkedIn ne témoigne pas non plus d’un manquement à la déontologie en matière d’apparence de conflit d’intérêts. Cela porte d’autant moins à conséquence que la chronique de Mme Yacarini relayée par le journaliste n’avait aucun lien avec Ray-Mont Logistiques et qu’il a très bien pu poser ce geste sans même connaître l’auteure de la chronique. Il importe de souligner que la déontologie journalistique n’interdit pas aux journalistes de suivre des gens sur les réseaux sociaux. Ce simple geste ne les place pas en conflit d’intérêts ou apparence de conflit d’intérêts. Pour les journalistes, les réseaux sociaux peuvent constituer une importante source d’information. Il est fréquent que des journalistes rapportent une annonce ou une déclaration publique faite par une entreprise ou une personnalité politique sur l’une de ces plateformes.
Comme le mentionne le média, la chaîne de liens mentionnés par la plaignante est trop longue pour conclure à un conflit ou une apparence de conflit d’intérêts. En effet, il n’y a tout simplement pas de lien réel entre le journaliste Guillaume Théroux et Antonine Yacarini. Suivre des personnes sur les réseaux sociaux ne signifie pas qu’on a un lien avec elles. Le Conseil était parvenu à la même conclusion dans le dossier D2017-01-013, dans lequel il avait rejeté le grief d’apparence de conflit d’intérêts parce qu’il avait estimé que le fait d’avoir une simple connexion avec une personne sur Facebook n’était pas suffisant pour constater une apparence de conflit d’intérêts. Le plaignant avait apporté en preuve un tableau qui montrait que certaines personnes étaient connectées : « Le plaignant reproche à la journaliste de s’être trouvée dans une situation d’apparence de conflit d’intérêts, car elle a couvert l’affaire judiciaire le concernant “malgré l’existence de plusieurs liens interpersonnels indirects avec des membres de la famille Poliquin, propriétaire de l’entreprise de camionnage” qui est mentionnée dans l’article. Il soumet un tableau qui met selon lui en évidence les liens entre la journaliste et des membres de la famille Poliquin via le réseau social Facebook. » Le Conseil avait conclu que ces liens n’étaient pas réels : « Le Conseil juge que le tableau apporté en preuve par le plaignant n’est pas concluant, car les liens qui y figurent sont trop ténus. »
De la même façon, dans le cas présent, les faits avancés par la plaignante ne permettent pas de conclure à un conflit ou une apparence de conflit d’intérêts.
À l’inverse, la décision D2021-03-037 illustre un cas où le conflit d’intérêts de la journaliste a jeté un doute sur l’intégrité et la crédibilité de son propos. Dans ce dossier qui visait trois articles du média LE ZigZag portant sur le dossier de redéveloppement du domaine La Sapinière, le Conseil a retenu le grief de conflit d’intérêts. Il a conclu qu’en traitant, entre autres, d’un mémoire rédigé par son conjoint, la journaliste s’était placée en situation de conflit d’intérêts.
Contrairement à cet exemple, dans le cas de l’article visé par la présente plainte, rien n’indique que le journaliste a manqué d’intégrité et qu’il s’est placé dans une situation de conflit ou d’apparence de conflit d’intérêts qui aurait pu influencer le traitement de cette nouvelle.
Conclusion
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte d’Elisabeth Greene visant l’article « “Globalement acceptables”, les nuisances sur le site de Ray-Mont Logistiques avant le développement? », du journaliste Guillaume Théroux, publié sur le site Internet de Noovo Info le 3 mars 2023 et mis à jour le lendemain, concernant les griefs d’informations inexactes, d’information incomplète et de conflit d’intérêts.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public
Suzanne Legault, présidente du comité des plaintes
Charles-Éric Lavery
Représentantes des journalistes
Sylvie Fournier
Paule Vermot-Desroches
Représentants des entreprises de presse
Marie-Andrée Chouinard
Stéphan Frappier