D2023-06-041

Plaignante

Louise Côté

Mis en cause

Alyssia Rubertucci, journaliste

CityNews Montreal

Rogers Media

Date de dépôt de la plainte

Le 2 juin 2023

Date de la décision

Le 26 avril 2024

Résumé de la plainte

Louise Côté dépose une plainte le 2 juin 2023 au sujet du reportage vidéo et de l’article « Quebec’s Bill 96 introduces new provisions affecting small to medium-sized businesses », de la journaliste Alyssia Rubertucci, diffusés sur le site Internet de CityNews Montreal le 1er juin 2023. La plaignante déplore un manque d’équilibre, de la partialité et de l’information incomplète.

Contexte

Le reportage porte sur l’entrée en vigueur de la Loi 96, aussi appelée Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, qui modifie la Charte de la langue française (Loi 101) et renforce la position du français comme langue officielle du Québec. L’une des nouvelles dispositions de la Loi 96 oblige les entreprises qui comptent de 5 à 49 salariés à produire une déclaration auprès du Registre des entreprises indiquant la proportion de leurs salariés qui ne sont pas en mesure de communiquer en français. De plus, tout employeur a dorénavant l’obligation de rédiger certains documents en français uniquement.

Le jour de l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions de la Loi 96, le 1er juin 2023, la journaliste s’est rendue dans une pâtisserie de Pointe-Claire, dans l’ouest de l’île de Montréal, pour recueillir les propos du propriétaire et de deux de ses employés. Dans ces entrevues, réalisées dans la pâtisserie, le propriétaire critique les nouvelles dispositions de la loi. Il estime : « They’re just creating problems and more harassment of the Anglos in Quebec. » (Traduction du Conseil : « Ils créent juste des problèmes et davantage de harcèlement envers les anglos au Québec. ») Il dénonce également la paperasserie supplémentaire engendrée par ces nouvelles obligations. 

Le propriétaire soutient que les problèmes vécus concernant la question linguistique dans son commerce proviennent tous du gouvernement québécois. « Our signs are too small; there’s too much English on our signs; we have 45 languages on our signs […] The French is not predominant. Well, too bad, this is how my store is staying. » (Traduction du Conseil : « Nos affiches sont trop petites; il y a trop d’anglais sur nos affiches; nous avons 45 langues sur nos affiches […] Le français n’est pas prédominant. Tant pis, c’est comme ça que mon magasin va rester. ») 

Au cours du reportage, la caméra montre les affiches présentes dans le commerce et le téléspectateur peut constater que l’affichage y est bilingue. On voit notamment une affiche sur laquelle on peut lire « Bonjour/Hi ». 

À la fin du reportage, après avoir mentionné que le commerçant a affronté l’Office québécois de la langue française (OQLF) à plusieurs reprises, la journaliste mentionne : « A message to the government is plastered on his shop, his only unilingual sign : “OLF, we’re here to stay”. » (Traduction du Conseil : « Un message au gouvernement est placardé sur sa boutique, la seule affiche unilingue : “O[Q]LF, nous sommes là pour rester”. ») La caméra montre l’affiche pendant que la journaliste rapporte cet élément d’information. 

Une version écrite du reportage est également disponible sur le site Internet CityNews Montreal, une filiale de Rogers qui dessert la communauté anglophone de Montréal.

Griefs de la plaignante

Grief 1 : manque d’équilibre

Principe déontologique applicable

Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : d) équilibre : dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération du point de vue des parties en présence. » (article 9 d) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)

Le Conseil doit déterminer si la journaliste a manqué à son devoir de présenter une juste pondération du point de vue des parties en présence dans le reportage vidéo et sa version écrite publiée sur le Web.

Décision

Le Conseil de presse du Québec rejette à la majorité (4/6) le grief de manque d’équilibre.

Analyse

La plaignante considère qu’il y a un manque d’équilibre dans le reportage. Elle demande : « Pourquoi nous n’avons que le point de vue de travailleurs d’une boulangerie? Où sont les interviews de politiciens, de Québécois francophones qui peinent de plus en plus à être servis en français à Montréal? » Elle considère que le propriétaire de la pâtisserie présenté dans le reportage « a des commentaires incendiaires, se plaignant de harcèlement continuel, prédisant que les immigrants vont refuser de venir au Québec et préféreront l’Ontario ».

La plaignante déplore l’absence d’un « porte-parole du gouvernement pour expliquer cette loi. Aucune personne en accord avec cette loi, aucun exemple de francophones incapables de se faire servir en français à Montréal. »

Anne Julien, représentante de CityNews Montreal, fait valoir que, « dans son reportage, Mme Rubertucci a fait part des nouvelles obligations des entreprises en vertu de la Loi. De plus, le propriétaire et certains employés de la Swiss Vienna Pâtisserie Suisse Viennoise ont partagé leurs points de vue sur ces nouvelles obligations qui les concernent. » Elle ajoute que « les radiodiffuseurs ne sont pas dans l’obligation de couvrir tous les aspects d’une question dans un seul programme ou reportage. Pourvu qu’une variété de points de vue soit présentée dans l’ensemble de la grille de programmation du diffuseur. »

Mme Julien précise que la couverture de CityNews Montreal « sur la Loi et sur les débats sur les langues française et anglaise au Québec ne se limite pas au reportage faisant l’objet de cette plainte ». Elle soumet une liste de reportages sur le sujet diffusés entre août 2022 et novembre 2023.

Afin d’analyser le principe d’équilibre dans ce reportage, il faut d’abord rappeler que l’obligation déontologique consiste à présenter une « juste pondération du point de vue des parties en présence », selon le Guide de déontologie journalistique. La première étape, lors de l’analyse d’une allégation de manque d’équilibre, est d’établir l’angle de traitement du sujet. Par la suite, sur la base de cet angle de traitement, il s’agit d’identifier quelles sont les parties impliquées dans ce sujet et d’évaluer si leur point de vue a fait l’objet d’une juste pondération. 

Dans le cas du reportage visé par la plainte, l’angle de traitement est d’aller voir sur le terrain l’impact de la Loi 96 sur les entreprises et la façon dont elles seraient affectées par les dispositions de la loi. Cet angle est bien campé dès le début du reportage lorsque la journaliste affirme : « Quebec’s new language law, Bill 96, brings changes for business owners as of Thursday, now that more provisions are in effect. » (Traduction du Conseil : « La nouvelle loi linguistique du Québec, la Loi 96, apporte des changements pour les propriétaires d’entreprise à compter de jeudi, maintenant que davantage de dispositions sont en vigueur. ») 

En fonction de cet angle de traitement, les parties en présence sont, d’une part, les commerçants anglophones affectés par la Loi (ceux qui embauchent 5 à 49 salariés) et, de l’autre, le gouvernement québécois qui est à l’origine de cette loi.

Alors que la plaignante considère que le reportage présente uniquement le point de vue du propriétaire de la pâtisserie et qu’elle aurait souhaité qu’il donne notamment la parole à des personnes en faveur de la loi, pour la majorité des membres (4/6), il n’y a pas ici de manquement au principe d’équilibre. La journaliste a présenté une juste pondération des points de vue des parties en présence puisqu’en plus du point de vue du commerçant et de ses employés, elle offre également la position du gouvernement québécois, instigateur des changements à la Loi, en expliquant l’objectif de ces changements, soit de faire du français « la langue de travail commune » dans la province. On peut le constater lorsqu’elle présente les grandes lignes de la loi et les raisons de son adoption, dans les passages suivants : 

  • « Businesses that have between 5 and 49 employees, like Swiss Vienna Pastry, in Montreal’s West Island, will now have to disclose the number of employees that aren’t proficient in French on Quebec’s public registry of businesses. » (Traduction du Conseil : « Les entreprises comptant entre 5 et 49 employés, comme la Pâtisserie Swiss Vienna, dans l’ouest de l’île de Montréal, devront désormais divulguer le nombre d’employés ne maîtrisant pas le français au Registre des entreprises du Québec. »)
  • « In an effort to make French the common language of the workplace, the government is imposing training through the Francisation Québec program for those unable to communicate in French. » (Traduction du Conseil : « Dans le but de faire du français la langue de travail commune, le gouvernement impose des formations chez Francisation Québec pour ceux qui sont incapables de communiquer en français. »)
  • « Bill 96 also allows customers who are not served in French to file a complaint directly to the OQLF, Quebec’s language watchdog. » (Traduction du Conseil : « La Loi 96 permet également aux clients qui ne sont pas servis en français de déposer une plainte directement auprès de l’OQLF, l’organisme de surveillance linguistique du Québec. »)

La juste pondération des points de vue doit être évaluée en fonction de l’angle de traitement choisi par le journaliste et le média, comme le rappelle la décision D2018-07-078, dans laquelle le grief de manque d’équilibre a été rejeté. La plainte visait un reportage qui rapportait le mécontentement de commerçants de l’avenue Mont-Royal Est, à Montréal, envers un groupe d’itinérants, originaires notamment du Nord-du-Québec. Le Conseil devait déterminer si le journaliste présentait une juste pondération du point de vue des parties en présence. Bien que le plaignant aurait souhaité que le reportage présente le point de vue d’organismes travaillant auprès de la communauté inuite ou celui des policiers, le Conseil a constaté que « le journaliste a respecté le principe d’équilibre en présentant la perspective des parties en présence dans son reportage, c’est-à-dire les commerçants mécontents et des itinérants du quartier. […]. Ici, l’angle choisi par le journaliste est d’exposer les problèmes liés à l’itinérance auxquels sont confrontés certains commerçants du Plateau Mont-Royal. Dans le cadre de cet angle précis, le journaliste présente une juste pondération des points de vue. »

De la même façon, dans le cas présent, la journaliste a présenté les points de vue des parties en présence en fonction de l’angle de traitement choisi pour couvrir l’entrée en vigueur de certaines nouvelles dispositions de la Loi 96.

Aux yeux de deux membres qui expriment leur dissidence, le reportage présente uniquement le point de vue des gens contrariés par la loi. Ils estiment que la journaliste devait présenter les arguments de personnes en faveur de la loi, qu’il s’agisse de commerçants ou de clients, pour que le reportage soit équilibré.

Les quatre membres majoritaires jugent de leur côté que la voix des défenseurs de la loi est entendue puisque la journaliste rappelle la raison pour laquelle le gouvernement a mis en place ces nouvelles dispositions, les grandes lignes de la loi et les recours offerts à ceux qui n’auront pas été servis en français. Il n’y a donc pas de manquement au principe d’équilibre.

Grief 2 : partialité 

Principe déontologique applicable

Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : c) impartialité : absence de parti pris en faveur d’un point de vue particulier. » » (article 9 c) du Guide)

Le Conseil doit déterminer si la journaliste a manqué à son devoir d’impartialité en prenant parti à l’encontre de la Loi 96 et/ou des francophones du Québec dans le reportage vidéo et sa version écrite publiée sur le Web, comme l’allègue la plaignante.

Décision

Le Conseil rejette le grief de partialité. 

Analyse 

La plaignante reproche à la journaliste d’avoir un parti pris contre la Loi 96 et les francophones du Québec. Selon elle, « ce n’est pas ce qu’elle [la journaliste] dit mais ce qu’elle ne dit pas. Quand on présente un côté de la situation, quand les seuls points de vue exprimés, que cette journaliste choisit de montrer, sont unanimes contre une loi, quand on choisit une boulangerie du West Island reconnue pour ses démêlés avec l’affichage, on ne démontre aucune impartialité. Elle n’intervient pas face aux commentaires, se contentant de tenir le micro. »

La plaignante affirme : « J’ai porté plainte, car je considère ce reportage biaisé pour plaire à l’auditoire de CityNews au lieu de l’informer, ce qui devrait être son rôle. Cela fut fait de différentes façons, ne se rapportant pas à ce qui a été dit, mais à ce qui n’est pas dit, son absence d’explication du contexte social, des récentes statistiques du déclin du français, de son choix de location du lieu de travail, de ses non-interventions durant l’interview. Quand cette journaliste mentionne que cette pâtisserie est allée en cour à plusieurs occasions sans avoir à payer d’amendes. Je ne connais pas le contexte, mais je sais une chose, cela renforce le sentiment de victimisation et quand la dernière image de son reportage est : “OLF, we are here to stay”… pour moi, ça dit tout. »

À propos du choix du propriétaire de la pâtisserie comme intervenant, la plaignante ajoute : « Ce proprio a des commentaires incendiaires, se plaignant de harcèlement continuel, prédisant que les immigrants vont refuser de venir au Québec et préféreront l’Ontario. Encore là, elle [la journaliste] n’intervient pas, laissant présager une catastrophe et surtout faisant un portrait biaisé de la société. Enflure de mots, victimisation : “They create problems… immigrants will stop coming to Québec and will go to Ontario…” (Traduction du Conseil : “Ils créent des problèmes… les immigrants vont cesser de venir au Québec et s’en iront en Ontario…”) »

La représentante de CityNews Montreal considère que le reportage n’a pas dépassé les limites de la déontologie journalistique en matière d’impartialité.

La plaignante pointe trois passages du reportage qui, selon elle, témoignent de la partialité de la journaliste.

  1. « Harry has been to court fighting the OQLF several times over the last decades but has never been fined. » (Traduction du Conseil : « Harry s’est battu contre l’OQLF devant les tribunaux à plusieurs reprises durant les dernières décennies, mais n’a jamais été mis à l’amende. »)
  1. « They’re just creating problems and more harassment of the Anglos in Quebec. And I… I wouldn’t be surprised if the immigrants are gonna stop coming into Quebec and go directly to Ontario or Western Canada. » (Traduction du Conseil : « Ils ne font que créer des problèmes et harcèlent encore les anglophones du Québec. Et je… je ne serais pas surpris que les immigrants cessent de venir au Québec et aillent s’installer directement en Ontario ou dans l’Ouest canadien. »)
  1. L’image du reportage montrant une affiche présente dans la pâtisserie sur laquelle on peut lire : « OLF, we are here to stay! » (Traduction du secrétariat : « O[Q]LF, nous sommes là pour rester! »)

La nature du travail de journaliste est d’informer et pour ce faire, les journalistes  rapportent les propos de ceux qui sont affectés par la nouvelle. Cela ne signifie cependant pas que le journaliste souscrit à ces propos d’une quelconque manière. En interviewant un intervenant qui a un point de vue particulier, un journaliste ne prend pas position pour ce point de vue. La partialité d’un journaliste se manifeste généralement par le choix de termes ou d’expressions connotés qui teintent l’information, ou par une appréciation personnelle des faits – à travers un commentaire, par exemple – qui ont pour effet d’orienter le public dans sa compréhension des événements. 

Dans le cas présent, les deux premiers extraits pointés par la plaignante sont des interventions du commerçant, alors qu’il donne son avis sur les changements induits par la Loi 96. Dans le cas de l’affiche, elle témoigne de la position du propriétaire de la pâtisserie par rapport aux lois linguistiques. Rien dans ce reportage ne permet de conclure que la journaliste a un parti pris en faveur d’un point de vue en particulier. À aucun moment elle n’émet une opinion ou n’utilise un terme qui dévoilerait son avis sur la question des nouvelles obligations des employeurs en lien avec la Loi 96. 

Les décisions antérieures du Conseil offrent plusieurs exemples de ce qu’est la partialité en journalisme. Notamment, dans la décision D2018-10-105, le Conseil a jugé qu’un journaliste qui avait qualifié la syndicalisation de l’entreprise montréalaise Téo Taxi de « tuile » qui s’abattait sur l’entreprise avait fait preuve de partialité. D’autres décisions antérieures rappellent que pour établir qu’un journaliste a fait preuve de partialité, il faut montrer qu’il a commenté les faits, en émettant une opinion, par exemple, comme le rappelle la décision D2017-10-118. Dans ce dossier, le Conseil a rejeté un grief de partialité visant un reportage de la journaliste Sophie Langlois diffusé au Téléjournal de Radio-Canada. Un plaignant considérait que l’entrevue avec Emilie Nicolas concernant le racisme qu’elle percevait dans les radios de Québec témoignait d’un parti pris de la journaliste à l’encontre de la station radiophonique CHOI 98,1 Radio X. À cet effet, le Conseil a d’abord souligné que l’intervenante ne mentionnait pas de stations en particulier, mais de façon plus générale, les radios de Québec. Ensuite, le Conseil a observé que la journaliste n’émettait pas d’opinion. Elle se limitait à rapporter les propos de Mme Nicolas et à remettre en contexte la manifestation à laquelle Mme Nicolas faisait référence. « Diffuser les propos de quelqu’un n’équivaut pas à les appuyer. Ainsi, le Conseil n’a pas constaté de partialité de la part de la journaliste et du média. » 

De la même façon, dans le cas présent, rien ne permet de conclure que la journaliste partage la position défendue par le propriétaire de la pâtisserie. Présenter le point de vue de cet homme ne constitue pas la démonstration d’un manquement déontologique de la part de la journaliste.

Grief 3 : information incomplète

Principe déontologique applicable

Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 e) du Guide)

Le Conseil doit déterminer si la journaliste a omis de présenter des éléments essentiels à la bonne compréhension du sujet concernant la Loi 96 et la situation du français au Québec dans le reportage vidéo et sa version écrite publiée sur le Web.

Décision

Le Conseil rejette le grief d’information incomplète.

Analyse

La plaignante considère que l’information présentée à propos de la Loi 96 et la situation du français au Québec dans le reportage et l’article est incomplète. Elle affirme : « Aucune référence historique et sociologique sur cette loi. Aucune statistique montrant le déclin du français, aucune référence que le français est la seule langue officielle du Québec. Aucune référence à la reconnaissance du concept de la société distincte voté par le Parlement canadien, aucune mention de la reconnaissance du déclin du français lors des débats sur la future loi du bilinguisme. Bref, aucun contexte pour expliquer le comment et pourquoi de cette loi. Elle présente une réalité plus que partielle où la majorité francophone n’existe tout simplement pas, ni dans ses besoins ni dans ses propos. Cela devrait être le rôle d’une journaliste digne de ce nom. La société dans laquelle cette loi est appliquée est complètement inexistante. »

La représentante de CityNews Montreal considère que le reportage n’a pas dépassé les limites de la déontologie journalistique.

En matière de déontologie journalistique, le principe de complétude n’exige pas de présenter tous les éléments intéressants d’un sujet. L’étude d’un grief d’information incomplète doit s’évaluer en déterminant, dans un premier temps, si l’information souhaitée par le plaignant est « essentielle », c’est-à-dire indispensable à la compréhension du sujet par le public. L’analyse doit également prendre en considération l’angle de traitement choisi par le journaliste et le média. 

Dans le cas de cette plainte, la plaignante aurait souhaité que la journaliste inclue des données sur la situation du français au Québec dans ce reportage qui porte sur l’impact de la Loi 96 sur les PME et la façon dont elles seront affectées par les dispositions de la loi. Bien que les informations sur le contexte historique souhaitées par la plaignante auraient pu être intéressantes, elles n’étaient pas essentielles à la compréhension du sujet. 

Lorsque les informations souhaitées par un plaignant ne sont pas essentielles à la compréhension d’un sujet, le Conseil rejette le grief, comme il l’a fait dans le dossier D2021-06-102. Dans cette décision, le Conseil a déterminé que le contexte dans lequel M. Rochette avait décliné les deux demandes d’entrevue du journaliste ne constituait pas « des éléments essentiels » à la bonne compréhension du sujet du reportage. Peu importe les motifs de M. Rochette pour ne pas accorder d’entrevue, dire qu’il « a préféré ne pas accorder d’entrevue » était suffisant pour la compréhension du reportage. 

Pareillement, dans le cas du reportage visé par la présente plainte, il n’était pas essentiel à la compréhension du sujet de rappeler les éléments de contextes historique et politique souhaités par la plaignante.  

Conclusion

Le Conseil de presse du Québec rejette à la majorité (4/6) la plainte de Louise Côté visant le reportage vidéo et l’article « Quebec’s Bill 96 introduces new provisions affecting small to medium-sized businesses », de la journaliste Alyssia Rubertucci, diffusés sur le site Internet de CityNews Montreal le 1er juin 2023, concernant les griefs de manque d’équilibre, de partialité et d’information incomplète.

La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :

Représentants du public

François Aird, président du comité des plaintes

Mathieu Montégiani

Représentants des journalistes

Vincent Brousseau-Pouliot

Jessica Nadeau

Représentants des entreprises de presse

Stéphan Frappier

Jean-Philippe Pineault