Plaignant
Dr Mario Giroux
Mis en cause
Nancy Massicotte, journaliste
Le Nouvelliste
Résumé de la plainte
Mario Giroux dépose une plainte le 7 septembre 2020 au sujet de l’article « Un orthopédiste condamné en déontologie pour avoir tenté d’obtenir des informations médicales concernant un juge » de la journaliste Nancy Massicotte publié dans Le Nouvelliste, le 11 juin 2020. Le plaignant déplore un manque d’équilibre ainsi que le non-respect d’une ordonnance de non-publication, un grief qui a été jugé irrecevable.
CONTEXTE
L’article visé par la plainte rend compte d’une décision du Conseil de discipline du Collège des médecins, condamnant un médecin orthopédiste, Mario Giroux (le plaignant dans le présent dossier) pour avoir tenté d’obtenir, à des fins personnelles, des informations médicales concernant un juge.
Analyse
GRIEFS DU PLAIGNANT
Grief 1 : manque d’équilibre
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information – « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : d) équilibre : dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération du point de vue des parties en présence ». (article 9 alinéa d du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si la journaliste a manqué d’équilibre dans son article.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de manque d’équilibre.
Analyse
Le plaignant reproche à la journaliste de ne pas l’avoir contacté pour obtenir son point de vue. Il déplore le fait que la journaliste « présente [s]a position selon les commentaires sélectionnés du Comité de discipline, ceci [lui] apparaît complètement paradoxal. Supposons que le Comité de discipline s’est complètement trompé. Mme Massicotte prend donc parti sans avoir obtenu l’opinion du professionnel impliqué. Le lecteur a seulement un point de vue de la situation. »
La journaliste fait valoir que l’article présente pourtant bel et bien la version des faits du Dr Giroux. Elle pointe les passages suivants :
« Le Dr Giroux soutient n’avoir jamais eu de soupçons sur un lien possible entre le juge, le CHRTR et les médecins contre qui il se bat depuis l’adoption du règlement d’exclusion en 2007. Selon lui, c’est en 2010 qu’il aurait appris par hasard que le magistrat était traité par des médecins du CHRTR pour des problèmes de santé.
Il avait alors porté sa cause devant la Cour d’appel en déposant une requête pour présentation d’une preuve nouvelle afin de pouvoir interroger des médecins du CHRTR et établir qu’ils avaient traité le juge. L’objectif était de démontrer l’existence d’un motif de récusation du juge, mais le 1er octobre 2012, la Cour d’appel lui avait refusé ce droit. »
« Lors des audiences sur cette plainte déontologique qui se sont étirées sur sept ans, le Dr Giroux a soutenu n’avoir jamais communiqué avec qui que ce soit pour s’enquérir du fait que le juge était un patient du CHRTR ou sur son état de santé. Or, le conseil de discipline a tenu compte d’un interrogatoire hors cour du Dr Giroux, réalisé en septembre 2012, dans lequel il aurait expliqué de façon précise ses démarches auprès de ses patients. »
À la lecture de l’article, on constate qu’en plus de rapporter les faits reprochés au Dr Giroux et ses démêlés judiciaires avec le Centre hospitalier régional de Trois-Rivières en lien avec la plainte étudiée par le Conseil de discipline, la journaliste a présenté la position défendue par le Dr Giroux ainsi que les arguments sur lesquels le Conseil de discipline a basé sa décision.
La couverture d’un procès ou d’un jugement ne vient pas avec l’obligation déontologique de parler aux parties impliquées dans l’affaire judiciaire. Leurs points de vue ont été présentés au cours des procédures ou sont résumés dans le jugement et le journaliste peut les rapporter sans parler directement aux parties. La décision antérieure D2014-07-006 illustre bien cette notion d’équilibre. Dans ce dossier, le Conseil a rejeté le grief de manque d’équilibre visant un article qui rapportait une décision judiciaire dans une affaire opposant la plaignante au gouvernement québécois. Le Conseil a souligné que « le journaliste n’avait pas l’obligation déontologique d’aller chercher la version des faits de Mme Bilodeau puisqu’en rapportant la décision de la Cour supérieure, l’article rappelait la position défendue par Mme Bilodeau dans ce dossier. »
De la même façon, dans le cas présent, la journaliste a rempli son obligation déontologique en rappelant la position défendue par le Dr Giroux sur la base de son témoignage résumé dans la décision du Conseil de discipline. Elle n’avait pas à aller chercher la version des faits des parties puisqu’elles se trouvaient dans la décision. Son obligation déontologique se limitait à les présenter dans son compte-rendu, ce qu’elle a fait.
Grief irrecevable concernant une ordonnance de non-publication
Le plaignant considère que la journaliste n’a pas respecté l’ordonnance de non-publication du demandeur d’enquête prononcée par le conseil de discipline du Collège des médecins du Québec et demande au Conseil de presse de statuer.
Cependant, le viol d’une ordonnance de non-publication relève de la sphère judiciaire.
Une ordonnance de non-publication est une interdiction provenant d’un tribunal qui empêche toute personne, y compris les journalistes, de diffuser des informations permettant d’identifier une victime ou un témoin dont l’identité doit être protégée, dans le cadre d’un processus judiciaire. Une personne qui viole un interdit de publication s’expose à des conséquences légales.
Le Conseil de presse se limite à évaluer les principes de déontologie journalistique tels que présentés dans son guide de déontologie. Le Règlement 2 du Conseil de presse du Québec rappelle à l’article 13.01 qu’« une plainte doit viser un journaliste ou un média d’information et porter sur un manquement potentiel au Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec. Ce manquement doit être significatif et précis. »
Les décisions antérieures du Conseil en témoignent. Dans sa décision D2002-03-053, le Conseil indique précisément « qu’il ne lui appartient pas de statuer sur la question du respect ou du non-respect d’une interdiction de publication. C’est aux tribunaux qu’il revient de déterminer s’il y a eu ou non violation de l’interdit de publication des informations divulguées lors d’une enquête préliminaire. »
Puisqu’il appartient aux tribunaux de déterminer si une ordonnance de non-publication a été violée, ce grief est irrecevable.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Mario Giroux visant l’article « Un orthopédiste condamné en déontologie pour avoir tenté d’obtenir des informations médicales concernant un juge » concernant le grief de manque d’équilibre. Le grief concernant une ordonnance de non-publication est irrecevable.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Richard Nardozza, président du comité des plaintes
François Aird
Représentants des journalistes :
Simon Chabot-Blain
Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse :
Jed Kahane
Yann Pineau