Plaignant
Anthony Barabé
Mis en cause
Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
Anthony Barabé dépose une plainte, le 18 novembre 2020, au sujet d’un article intitulé « Un imbécile crée toute une frousse chez Ubisoft », publié sur le site web du Journal de Montréal le 13 novembre 2020. Le plaignant déplore un titre partial.
CONTEXTE
L’article traite de la fausse prise d’otages dans les bureaux d’Ubisoft à Montréal, survenue le jour même, le 13 novembre 2020. On y apprend, au sujet de l’appel au centre d’urgence 911, que « le répartiteur a noté qu’on lui signalait la présence de cinq assaillants en apparence d’origine saoudienne dans les bureaux de la firme Ubisoft » qui auraient demandé une rançon de 2 millions de dollars, menaçant « de tout faire exploser ». L’article rapporte aussi l’importante opération policière du Service de police de la Ville de Montréal, qui a déployé son Groupe d’intervention tactique, un camion blindé et des chiens pisteurs. Les employés d’Ubisoft se sont barricadés dans des salles de conférence et sur le toit du bâtiment. Les policiers ont finalement conclu qu’il s’agissait d’un canular.
Analyse
GRIEF DU PLAIGNANT
Grief 1 : titre partial
Principes déontologiques applicables
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : c) impartialité : absence de parti pris en faveur d’un point de vue particulier. » (article 9 c) du Guide de déontologie du Conseil de presse du Québec)
Illustrations, manchettes, titres et légendes : « Le choix et le traitement des éléments accompagnant ou habillant une information, tels que les photographies, vidéos, illustrations, manchettes, titres et légendes, doivent refléter l’information à laquelle ces éléments se rattachent. » (article 14.3 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le média a fait preuve de partialité dans le titre « Un imbécile crée toute une frousse chez Ubisoft ». La responsabilité du titre relève du média et non du journaliste.
Décision
Le Conseil de presse retient le grief de titre partial, car il juge que le mis en cause a contrevenu à l’article 9 c) du Guide.
Analyse
Anthony Barabé estime que « l’emploi du mot “imbécile” […] semble être un jugement de valeur […] qui ne respecte pas le rôle impartial et objectif du journaliste ».
Le terme « imbécile » sert à décrire une « personne sans intelligence : abruti, crétin, idiot » (référence Le Robert). En l’utilisant pour titrer l’article, le média a fait preuve de partialité. Ce mot exprime un jugement négatif sur la personne qui a posé le geste, alors qu’il y avait peu d’informations concernant l’instigateur de la fausse prise d’otages au moment où l’article a été publié. Le mot « imbécile » n’est pas impartial: il s’agit d’une qualification subjective de cette personne, qui témoigne d’un point de vue du média. Rappelons que nous ne sommes pas ici devant une chronique d’opinion, mais devant un article factuel qui fait état de l’événement et qui se doit d’être impartial.
Les décisions antérieures du Conseil montrent que pour qu’un grief de partialité soit retenu, le média doit employer des termes qui témoignent d’un parti pris. Par exemple, dans le dossier D2018-10-105, le Conseil a retenu le grief de partialité. Il a jugé qu’en affirmant qu’« une autre tuile s’abat sur la firme Téo Taxi », le média avait adopté un point de vue, qui sous-entend que la syndicalisation des chauffeurs et leur affiliation aux Teamsters sont mauvaises pour l’entreprise. Le Conseil a jugé que la partialité s’exprimait par le choix de termes et d’expressions connotés qui avaient pour effet d’orienter le lecteur dans sa compréhension des événements. Le Conseil a déterminé que le choix du mot « tuile », dont le sens figuré signifie « événement imprévu et désagréable » (référence Larousse), laissait croire aux lecteurs que la syndicalisation représentait quelque chose de négatif pour l’entreprise, ce qui représentait un point de vue. L’article n’expliquait d’ailleurs pas en quoi cette nouvelle serait mauvaise pour l’entreprise. »
De la même manière dans le cas présent, l’utilisation du terme « imbécile » indique que le média a adopté un point de vue selon lequel la personne à l’origine de l’appel est dépourvue d’intelligence. Il est important de préciser que les journalistes qui ont rédigé cet article ne sont pas visés par la plainte, parce que les titres relèvent de la responsabilité du média et non des journalistes. D’ailleurs, le corps de l’article ne contient aucune information concernant l’intelligence de l’auteur de l’appel, son raisonnement ou ses motivations. On ne laisse pas entendre que c’est un « imbécile ». Il est essentiellement identifié, dans l’article, comme « l’auteur du canular, qui a créé un traumatisme à Montréal ». Bien que le titre d’un article factuel puisse être accrocheur et coloré, il doit demeurer impartial et ne doit pas véhiculer un jugement de valeur.
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal et du Journal de Québec, qui ne sont pas membres du Conseil de presse, et qui n’ont pas répondu à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient la plainte d’Anthony Barabé et blâme Le Journal de Montréal concernant le grief de titre partial.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Richard Nardozza, président du comité des plaintes
François Aird
Représentants des journalistes :
Simon Chabot-Blain
Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse :
Jed Kahane
Yann Pineau