Le projet de loi C-10, adopté le 12 mars dernier, modifie une série de lois criminelles fédérales. Ce projet, surnommé Loi sur la sécurité des rues et des communautés modifie, entre autres, des dispositions du Code criminel, la Loi sur la justice pour les victimes d’actes terroristes et modifiant la Loi sur l’immunité des États et la Loi règlementant certaines drogues et autres substances. Lors de la présentation du projet de loi, le ministre de la Justice Rob Nicholson a précisé que le projet de loi avait comme objectif de combattre le crime et de tenir les criminels responsables de leurs actes. Le projet de loi réforme, entre autres, les dispositions sur la détermination de la peine et la réhabilitation des criminels.
La Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, ou LSJPA, n’y fait pas exception, puisqu’une une série de modifications y sont prévues. Les dispositions se rapportant à l’identification des personnes mineures sont notamment visées par ces changements législatifs. Ces changements ont pour effet d’élargir les rares cas où un adolescent soumis à la LSJPA pouvait être identifié par les médias.
L’identification des adolescents soumis à la LSJPA préalablement à C-10
Auparavant, la règle générale précisait qu’un adolescent soumis à la LSJPA ne pouvait être identifié. Seules deux exceptions à cette règle existaient :
(1) Dans l’éventualité où un adolescent se voyait imposer une peine pour adulte, les renseignements sur son identité pouvaient automatiquement être publiés;
(2) Lorsqu’un adolescent faisait l’objet d’une demande d’assujettissement à une peine pour adulte, pour certaines infractions particulières, et que le tribunal rejetait cette demande. Cette exception s’appliquait seulement pour certaines infractions : meurtre, tentative de meurtre, homicide involontaire coupable, agression sexuelle grave ou une troisième infraction grave avec violence. L’adolescent pouvait faire une demande au tribunal pour maintenir l’interdit de publication, à défaut de quoi son identité pouvait être révélée.
La Cour suprême du Canada a conclu en 2008 que la deuxième exception décrite ci-haut était inconstitutionnelle, puisque c’était à l’adolescent de justifier le maintien de l’interdit de publication. Selon la majorité de la Cour, le fardeau devait plutôt être renversé et reposer sur les épaules de la poursuite. Ainsi, depuis ce jugement, qui a rendu ces dispositions inopérantes, la poursuite doit démontrer en quoi la levée de cet interdit serait justifiée.
L’après C-10
Certaines des modifications législatives du projet de loi C-10 visaient donc, dans un premier temps, à modifier certaines dispositions de la LSJPA pour la rendre conforme au jugement de la Cour suprême. C’est donc essentiellement par souci de cohérence législative que le gouvernement a proposé ces modifications.
Par ailleurs, d’autres dispositions du même projet de loi viennent quant à elles élargir le nombre de cas où l’identification des adolescents sera désormais possible, ce qui aura un impact significatif pour la couverture médiatique de crimes commis par des adolescents soumis à la LSJPA. Car si la loi prévoyait que la deuxième exception exposée ci-haut s’appliquait uniquement aux adolescents ayant commis certaines infractions très graves (en gros : meurtre, homicide involontaire ou agression sexuelle), dorénavant cette exception s’appliquera à toute infraction avec violence.
En effet, la définition d’infraction avec violence englobe n’importe quelle infraction impliquant l’infliction de lésions corporelles ou même une tentative ou une menace de lésion corporelle. En outre, le projet de loi C-10 élargit également cette définition, pour y inclure tout comportement insouciant mettant en danger la sécurité publique.
Ainsi, la deuxième exception s’appliquera dorénavant à des adolescents ayant commis des infractions qui n’étaient pas visées par l’ancien régime législatif. Un adolescent trouvé coupable d’une agression armée, par exemple, pourrait désormais voir son identité être révélée publiquement.
Si le conditionnel doit être employé, c’est qu’il n’en demeure pas moins qu’un tribunal doit avoir au préalable levé l’interdit de publication, à moins que l’adolescent ait reçu une peine pour adulte. Avant de publier l’identité d’un adolescent, un journaliste doit donc s’assurer qu’une décision a été prise en ce sens.