Le comité des plaintes et de l’éthique de l’information rend neuf décisions

Montréal, le 11 mai 2007 – Lors de sa dernière réunion, le comité des plaintes et de l’éthique de l’information (CPEI) du Conseil de presse du Québec a rendu neuf décisions. Une plainte a été retenue, quatre ont été retenues partiellement et quatre ont été rejetées. Sur ces neuf décisions deux blâmes ont été prononcés. Ces décisions sont toutes susceptibles d’être portées en appel dans les 30 jours de leur réception par les parties.

D2006-09-021 Luc-Normand Tellier c. Gil Courtemanche, chroniqueur et Le Devoir

M. Tellier reprochait au chroniqueur Gil Courtemanche, dans son article du 16 septembre 2006 publié dans Le Devoir, d’avoir fait état de statistiques inexactes qui ne reposeraient sur aucune donnée officielle au sujet de la situation économique et sociale de la population rwandaise et d’avoir refusé de publier une lettre adressée au courrier des lecteurs.

Au premier grief, le plaignant regrettait que le journaliste n’ait pas utilisé de données officielles pour transmettre son information. M. Courtemanche précisait que ses sources provenaient de journaux rwandais et de témoignages de personnes vivant au Rwanda, requérant l’anonymat pour des raisons de sécurité. Le Conseil reconnaît que le recours à des sources anonymes ou confidentielles est parfois nécessaire et légitime dans certains cas, dont celui-ci. Cependant, le journaliste aurait dû indiquer clairement aux lecteurs le type de sources de l’information publiée, de façon à ce que ceux-ci puissent faire la part des choses, le Conseil a donc invité Le Devoir à plus de vigilance en la matière. Au-delà de cette mise en garde, le grief a été rejeté.

Au deuxième grief, le plaignant contestait les chiffres avancés par le journaliste en regard du revenu moyen par habitant, du taux de fréquentation scolaire et du taux de chômage. Le Conseil considère que le choix des statistiques employées par le chroniqueur relève de sa discrétion rédactionnelle. Celles-ci doivent toutefois être basées sur des sources crédibles. Dans le présent dossier, le Conseil a constaté que les statistiques étaient notamment basées sur des données de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Bien que le plaignant aurait préféré y voir une information autre, aucune inexactitude n’a été relevée.

Enfin, en regard du refus de publier une lettre dans la rubrique réservée au courrier des lecteurs, le Conseil est d’avis que, bien que la presse ait le devoir d’en favoriser l’accès, elle reste libre de choisir les lettres qui y seront publiées. Ce grief n’a donc pas été retenu.

Sous réserve de l’observation à l’égard des sources, le Conseil a rejeté la plainte de M. Luc-Normand Tellier, à l’encontre du chroniqueur M. Gil Courtemanche et du quotidien Le Devoir.

D2006-09-022 Daniel Gagnon c. Maurice Cloutier, rédacteur en chef et La Tribune

M. Gagnon portait plainte au sujet d’un appel téléphonique, reçu le 19 septembre 2006, de la part du rédacteur en chef du quotidien La Tribune, M. Maurice Cloutier. L’appel faisait suite à une entrevue accordée par le plaignant à un journaliste du même journal, de même qu’au refus de publication d’une lettre ouverte qu’il avait adressée au recteur de l’Université de Sherbrooke, dans le cadre de la controverse sur l’exploitation du Mont Orford. Le plaignant contestait la démarche du rédacteur en chef, qui aurait refusé de publier cette lettre et qui l’aurait appelé directement pour l’aviser que l’entrevue qu’il avait accordée ne serait pas publiée.

Le Conseil est d’avis que le rédacteur en chef de La Tribune était libre de refuser de publier la lettre du plaignant, d’autant plus que les motifs invoqués démontraient qu’il ne s’agissait pas d’une décision arbitraire, mais d’une décision fondée sur des motifs de nature juridique.

M. Gagnon déplorait aussi que le rédacteur en chef ait cherché à connaître la source d’information de son journaliste. Les explications du rédacteur en chef sur son absence et le besoin de vérification a posteriori sont apparues acceptables au Conseil qui a considéré le geste comme faisant partie de son travail normal. Ce grief n’a donc pas été retenu.

Le plaignant reprochait ensuite à M. Cloutier un manquement à la discrétion rédactionnelle. Or, la notion de « discrétion rédactionnelle » renvoie au concept de « liberté rédactionnelle » et non à celui de « secret professionnel ». Ainsi, le rédacteur en chef pouvait, à sa discrétion, choisir les affectations de son journaliste et publier, ou non, l’entrevue. Le grief n’a pas été retenu.  

De même, pour le grief concernant la partialité dont aurait fait preuve le rédacteur en chef et le manque d’objectivité de La Tribune, puisque le quotidien régional dessert les comtés de membres influents du gouvernement du Québec, favorables au projet d’exploitation du Mont Orford, il appartient au plaignant de fournir la preuve de ce qu’il avance. Or, le grief  n’a pas été démontré et il n’a pas été retenu.

Le Conseil a rejeté la plainte de M. Daniel Gagnon contre le journal La Tribune et son rédacteur en chef, M. Maurice Cloutier.

D2006-09-023 Marc-André Dupont et la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal (SSJBM) c. Jan Wong, journaliste et The Globe and Mail

M. Dupont et la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal ont déposé deux plaintes distinctes contre la journaliste Jan Wong, pour un article paru le 16 septembre 2006 dans le quotidien The Globe and Mail. Selon les plaignants, la journaliste y a présenté, d’une part, une analyse sans fondement, basée sur des préjugés et manquant de rigueur et, d’autre part, a manqué à l’exactitude et au respect envers le peuple québécois, particulièrement aux francophones.

Le premier grief examiné avait trait au respect et à l’identification des genres journalistiques. Le Conseil s’est d’abord arrêté à la nature du texte contesté. Le Globe & Mail indiquait que la journaliste avait été envoyée à Montréal pour raconter la fusillade au Collège Dawson. Après avoir examiné le texte visé, le Conseil a estimé qu’il correspondait à la définition de reportage. Le Conseil a donc confirmé la thèse des plaignants voulant que l’article contesté ait contenu des opinions de la journaliste, alors qu’il s’agissait d’un texte d’information. Incidemment, le rédacteur en chef du quotidien avait reconnu, le 23 septembre 2006, que le texte en question contenait des opinions.

Un autre grief a également été retenu, en regard de l’inexactitude de l’information. L’article laissait entendre que les trois fusillades répertoriées au Québec étaient les seules survenues au Canada. Or, au moins trois autres tueries sont survenues dans d’autres provinces canadiennes. Il en va de même pour la question de la frustration des auteurs de ces tueries, quant à leur marginalisation linguistique. Les propos de la journaliste ne constituaient plus seulement de l’opinion non fondée sur des faits, mais de l’information erronée.

Les griefs suivants avaient trait au manque de respect envers certains groupes sociaux. Le groupe social dont il était alors question était constitué de l’ensemble des Québécois, et plus particulièrement de sa majorité francophone. Les plaintes dénonçaient le fait que, dans son article, Mme Wong attribuait les fusillades à deux facteurs principaux (au-delà des problèmes de santé mentale des tireurs), soit aux lois québécoises sur la langue et à l’insistance exagérée des Québécois pour la pureté raciale. Considérant qu’il a déjà été établi que ces informations ne constituaient que des opinions non fondées sur des faits, et comme elles représentaient un jugement péjoratif pour une majorité de Québécois, le Conseil a estimé qu’il pouvait s’agir effectivement d’une faute éthique pour atteinte à l’image d’un groupe social.

Le dernier grief avait trait à des manquements en regard de la rectification de l’information. Le rédacteur en chef a publié, dix jours après la fusillade, un article intitulé « A point of pride, and some regrets » dans lequel il reconnaît une erreur, soit celle d’avoir permis le mélange des genres journalistiques. Par contre, jamais il ne mentionne que l’opinion de la journaliste n’était basée sur aucun fait. Dans les circonstances, le Conseil a estimé que les regrets exprimés par le rédacteur en chef à la toute fin d’un article, qui n’était pas d’abord consacré à ce sujet, ne pouvaient constituer une rectification satisfaisante et a retenu le grief sous cet aspect. Le Conseil a aussi pris connaissance de la lettre du rédacteur en chef du Globe & Mail publiée dans le quotidien La Presse et souligne cette volonté du journal de répondre de ses actes journalistiques dans un autre quotidien. Toutefois, cette deuxième lettre ne peut non plus constituer un rectificatif adéquat puisqu’elle ne fait pas mention des erreurs factuelles contenues dans l’article de la journaliste.

Le Conseil a retenu la plainte de M. Marc-André Dupont et de la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal, et prononcé un blâme contre la journaliste, Mme Jan Wong, le rédacteur en chef, M. Edward Greenspon et le quotidien The Globe and Mail.

D2006-09-024 Le Conseil canadien des distributeurs en alimentation (CCDA) c. Daniel Joannette, journaliste et le réseau TQS

Le Conseil canadien des distributeurs en alimentation (CCDA) portait plainte contre M. Daniel Joannette, concernant deux reportages diffusés sur les ondes de TQS les 28 et 29 juin 2006 et leurs annonces respectives diffusées sur le site Internet de la chaîne. Les griefs invoqués touchaient le manque de vérification et la diffusion d’informations inexactes.

Au premier grief, les plaignants évoquaient plusieurs inexactitudes liées à un manque de vérification. Ils reprochaient au journaliste de ne pas avoir contacté les entreprises Métro et Sobeys, ni l’Association des producteurs de fraises et de framboises du Québec (APFFQ) pour vérifier ses informations. M. Joannette répondait qu’il avait contacté ces deux chaînes d’alimentation, mais que celles-ci ne lui avaient pas répondu et qu’il avait obtenu une entrevue avec un représentant de l’APFFQ. Devant ces deux versions contradictoires et l’entrevue avec l’APFFQ, le grief a été considéré comme non démontré.

Les plaignants considéraient aussi que le journaliste n’avait pas vérifié auprès de la chaîne Loblaws, l’information livrée par sa représentante. Or, comme le journaliste a rapporté les paroles d’une représentante de la chaîne, il n’avait pas à faire davantage de vérifications auprès de l’entreprise. Le grief a été rejeté.

La seconde information en litige était à l’effet que les grandes chaînes d’alimentation ne faisaient pas la promotion des fraises du Québec. Or, les documents au dossier démontraient que les supermarchés faisaient une certaine promotion de ce produit. Le Conseil a estimé que l’information présentée était incomplète. Le grief a été retenu.

Le CCDA alléguait ensuite que le reportage du 29 juin ne rectifiait pas les informations diffusées la veille. Or, le second reportage n’a pas été présenté comme une rectification du premier, mais comme une suite ou un reportage complémentaire. Les règles relatives aux rectifications ne s’appliquaient donc pas dans ce cas.

Le Conseil a aussi estimé que l’équilibre des deux reportages aurait été mieux servi si le point de vue des chaînes d’alimentation avait été présenté. Toutefois, le Conseil considère que le second reportage nuançait suffisamment l’information présentée le 28 juin. Sous réserve de la remarque précédente, le grief a été rejeté.

Le Conseil a donc retenu partiellement la plainte du CCDA contre M. Daniel Joannette et le réseau TQS, aux motifs de manque de vérification et d’information incomplète.

D2006-09-025 Association de l’exploration minière du Québec (AEMQ) c. Patrick Rodrigue, journaliste et La Frontière

L’Association de l’exploration minière du Québec (AEMQ) portait plainte contre le journaliste Patrick Rodrigue et l’hebdomadaire La Frontière, pour manque d’exactitude, d’équilibre, de rigueur et d’impartialité dans un article paru le 6 septembre 2006, dans le journal et sur le site Internet du média, intitulé « Déversement d’huile aux Kekeko ». Ces doléances visaient également le titre et l’illustration de la nouvelle.

L’AEMQ alléguait d’abord que le terme « huile » avait été utilisé de façon erronée dans le titre de l’article. Les mis-en-cause ont reconnu cette inexactitude et ont publié un erratum dans l’édition du 8 novembre 2006, afin de la corriger. L’AEMQ se disait insatisfaite de ce rectificatif, alléguant qu’il aurait dû expliquer la nature des contaminants mentionnés dans le constat d’infraction émis par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP). Bien qu’il estime que l’utilisation du terme « huile » dans le titre initial était inappropriée, et même si la publication de rectificatifs ne constitue pas toujours le meilleur moyen de réparer le préjudice causé, le Conseil a souligné que l’hebdomadaire a fait preuve de bonne foi en publiant cet erratum. Malgré l’insatisfaction des plaignants concernant sa formulation, le Conseil considère qu’il était clair et rectifiait l’erreur initiale. Ce premier grief a donc été rejeté.

L’AEMQ déplorait également que la source et la date de la photo accompagnant l’article ne soient pas identifiées et questionnait le fait que cette dernière représentait bien le site de forage dont il était question dans l’article. La source de l’illustration n’apparaît pas clairement dans l’article et sur le site Internet. De plus, il aurait été plus rigoureux que le journal s’assure lui-même de son authenticité et l’attribue clairement à la source. Toutefois, la légende présente les faits illustrés de façon équilibrée, mentionnant à la fois la mise en place d’un système pour éviter les déversements, mais la présence de contaminants dans le ruisseau. Le Conseil a donc conclu que les plaignants n’ont pas démontré en quoi cette photo pouvait être inexacte et n’ont pas fourni d’illustrations pouvant faire office de comparaison. Ce deuxième grief a été rejeté.

Les plaignants dénonçaient aussi la partialité du journal, en faveur des environnementalistes opposés au projet minier. Le Conseil a constaté que les textes d’opinions, dans lesquels le journal se prononce en faveur de positions environnementalistes, relèvent du directeur de l’information. Quant au journaliste, il rapporte les faits, les situant dans leur contexte, sans les commenter, ce qui répond aux exigences éthiques quant au journalisme d’information. Ce grief a été rejeté.

L’AEMQ invoquait ensuite que le journaliste n’avait pas vérifié ses informations et les déclarations de l’environnementaliste, ce qui l’aurait conduit à livrer des informations inexactes et incomplètes. Le Conseil a constaté que les faits rapportés reposent sur des documents officiels, émis par le MDDEP, et ont été vérifiés auprès de la responsable des communications du ministère. Aucune inexactitude n’y a été relevée. Ces griefs n’ont pas été retenus.

Le dernier grief était à l’effet que le journaliste n’ait rapporté que le point de vue des environnementalistes. En plus de révéler la nature des infractions émises par le MDDEP, la nouvelle rapporte les impressions d’un membre d’un groupe environnementaliste. Comme le point de vue d’un environnementaliste fut livré à l’intérieur de l’article, il était du devoir du journaliste de chercher à le compléter en présentant les commentaires de l’AEMQ ou d’un représentant des compagnies oeuvrant sur le site. Ce grief a été retenu.

Le Conseil a retenu partiellement la plainte de l’AEMQ à l’encontre du journaliste M. Patrick Rodrigue et de l’hebdomadaire La Frontière, sur le seul motif d’équilibre de l’information.

D2006-09-026 Richard Tremblay c. Victor Afriat, éditeur et Actualités Côte-des-Neiges – Notre-Dame-de-Grâce

M. Tremblay portait plainte contre le bimensuel Actualités CDN-NDG. Il dénonçait le fait que sa lettre, publiée dans le courrier des lecteurs, ait donné lieu à une réponse non justifiée de l’éditeur du journal et que ce dernier lui ait refusé un droit de réplique, à un texte qui l’interpellait personnellement. L’éditeur du journal répondait qu’il n’a exprimé qu’un avis contraire à celui du plaignant, soit un soutien à la décision prise par le conseil d’arrondissement de Côte-des-Neiges (CDN), refusant de procéder, lors d’une séance municipale, à une minute de silence pour une famille de CDN, qui fut victime du bombardement au Liban en juillet 2006. M. Afriat affirmait également que la réplique du plaignant n’apportait aucun nouvel éclairage au débat. Le Conseil a observé que c’est de plein droit que l’éditeur a exprimé une position contraire à celle du plaignant. Néanmoins, il aurait été plus équitable de permettre à M. Tremblay, qui a été interpellé directement, de répliquer dans la page réservée à cette fin. Le grief a été retenu.

Le plaignant s’étonnait ensuite que le texte de M. Afriat se retrouve sur une page payée par l’arrondissement CND et le Gouvernement du Canada. Il appartient aux médias de déterminer l’emplacement de leur contenu informatif ou publicitaire. Le texte du mis-en-cause se retrouve sur une page où la rubrique « courrier des lecteurs » est bien identifiée. En regard de la publicité, ces dernières sont aussi clairement identifiées ne laissant aucun doute sur une possible confusion entre l’information et la publicité. Il n’y avait donc pas matière à retenir ce grief.

Le Conseil a retenu partiellement la plainte de M. Richard Tremblay, sur le motif de non-respect du droit de réplique, à l’encontre de M. Victor Afriat et du bimensuel Actualités CDN-NDG.

D2006-10-033 La Municipalité de Morin-Heights c. Eric Newman, journaliste et le Main Street Journal

La municipalité de Morin-Heights déposait une plainte à l’endroit du mensuel Main Street Journal, concernant l’édition de septembre 2006 de la chronique régulière « The Right Side of the Street » du journaliste M. Eric Newman, publiée sous le titre « And not a drop to drink ». Les plaignants déploraient le ton alarmiste et sensationnaliste, de même que le manque de rigueur et de vérification des informations. Ils dénonçaient également le rectificatif paru dans l’édition d’octobre 2006, qui corrigerait l’information véhiculée sur la qualité de l’eau potable municipale, mais ne reconnaîtrait pas la responsabilité du journal quant aux inquiétudes suscitées par l’article.

Les plaignants évoquaient d’abord les inexactitudes et le manque de rigueur de l’information présentée dans la chronique. Bien qu’il affirme tirer ses informations d’employés municipaux ayant requis l’anonymat, certaines informations véhiculées par le chroniqueur au sujet de l’eau étaient inexactes. Le Conseil a estimé qu’il y a une nette différence entre le fait de dénoncer la couleur, l’odeur et le goût de l’eau potable et de s’interroger sur les causes de cette situation et le fait d’affirmer que des problèmes de santé et même la mort peuvent découler de la consommation de l’eau. Si le chroniqueur peut porter des jugements en toute liberté, il ne peut pas ignorer ou altérer les faits pour justifier l’interprétation qu’il en tire. De plus, rien ne permet au Conseil de conclure que les informations qui sous-tendent les affirmations du chroniqueur furent vérifiées auprès de représentants de la Ville. Les plaignants ont d’ailleurs dû émettre un rectificatif pour corriger les inexactitudes en regard de la qualité de l’eau potable. Comme nombre d’analyses scientifiques sont effectuées régulièrement et que leurs résultats ont démontré que l’eau municipale est propre à la consommation, le Conseil a considéré que certains propos du chroniqueur étaient inexacts et non appuyés par des faits.

Le Conseil devait ensuite déterminer si le rectificatif du Main Street Journal corrigeait adéquatement ces erreurs. Le Conseil a constaté que celui-ci corrigeait les inexactitudes à l’effet que l’eau de la municipalité serait dangereuse à boire, en plus d’informer les citoyens des différents tests auxquels elle fut soumise. Aux yeux du Conseil, cette rectification démontre une volonté du journal de répondre de ses actes journalistiques. Ce grief a donc été rejeté.

La municipalité déplorait ensuite que la chronique ait suscité, par son ton agressif et vindicatif, de même que par la teneur sensationnaliste et intolérante de ses propos, une grande insécurité chez les lecteurs. En plus de contenir certaines informations inexactes, le Conseil a constaté que le journaliste y invente des faits qui ne reposent sur aucune information crédible. Il prête ainsi de fausses intentions à la Ville et aux employés municipaux, évoquant notamment une tentative délibérée de la part de la municipalité de tuer des citoyens âgés et pauvres, au moyen de l’eau qu’il associe à une arme, afin de céder la place aux gens riches, payant des taxes plus élevées.

Le Conseil observe aussi que le ton et les propos qu’il y tient sont à la limite de l’incitation à la brutalité. Tout au long de la chronique, il tient des propos très crus, encourageant implicitement le public à la violence envers les responsables municipaux. Le Conseil estime que ce ton est inapproprié et disproportionné, en dépit de la latitude accordée aux chroniqueurs. La liberté du chroniqueur n’est pas sans limite. Ces propos lui ont donc valu un blâme de la part du Conseil.

Le Conseil a retenu partiellement la plainte de la municipalité de Morin-Heights contre le journaliste M. Eric Newman, l’éditeur M. Jack Burger et le mensuel Main Street Journal et les a blâmé pour propos irresponsables. Compte tenu du rectificatif, il n’a pas retenu les griefs d’inexactitude et de rectificatif insuffisant.

D2006-10-034 La Ville de Saint-Jérôme c. Nathalie Deraspe, journaliste et  Accès Laurentides

La Ville de Saint-Jérôme portait plainte contre Mme Nathalie Deraspe et l’hebdomadaire Accès Laurentides concernant un article paru le 22 septembre 2006, intitulé « Les milieux humides dans les Laurentides – Les milieux tirent-ils à leur fins? ». Les principaux motifs évoqués ont trait au manque de vérification et d’équilibre, à la diffusion d’informations inexactes et à une rectification insatisfaisante.

Les plaignants reprochaient d’abord à la journaliste d’avoir diffusée une série d’informations inexactes, laissant entendre que personne ne respectait la Loi sur la qualité de l’environnement au Québec (LQE), pas même les municipalités. Or, l’enquête de la journaliste partait du constat que les milieux humides disparaissaient au Québec. Elle cherchait donc les raisons de cette disparition, questionnant à la fois la fiabilité de la LQE et son respect par les différentes instances publiques. La journaliste pouvait légitimement s’appuyer sur les points de vue d’environnementalistes sur le sujet pour étayer son argumentation.

Les plaignants reprochaient aussi à la journaliste d’accuser la Ville de ne pas gérer correctement la protection des milieux humides, en alléguant que l’article 22 de la LQE était une permission de polluer. Elle citait une environnementaliste qui craignait que certains projets pouvant causer du tort aux milieux humides reçoivent le feu vert de la municipalité. Il appert que les propos de la journaliste étaient généraux et ne concernaient pas directement la Ville de Saint-Jérôme.

Enfin, les plaignants affirmaient que les informations selon lesquelles la Ville cacherait de l’information et celle concernant la falsification d’un document seraient inexactes. Le Conseil a observé que la journaliste n’a pas accusé la Ville de cacher de l’information, mais qu’elle a rapporté que la Ville ne voulait pas divulguer de l’information, sans affirmer que c’était illégal, et qu’elle a rapporté les propos de la présidente du Regroupement environnemental de Saint-Jérôme qui parlait de la falsification d’un document, sans préciser qu’il s’agissait d’un ingénieur de la Ville de Saint-Jérôme. Le grief pour inexactitude de l’information a été rejeté.

Toutefois, en regard de l’inexactitude, il appert que les questions « Pourquoi le ministre a-t-il attendu près de quatre mois pour clarifier sa position? Que cachent les documents interdits par la Loi d’accès à l’information? » n’étaient pas en lien avec la Ville de Saint-Jérôme, mais avec le projet de l’échangeur de Terrebonne. Le rédacteur en chef a donc diffusé une information inexacte en ajoutant « pour le cas de Saint-Jérôme » au début de son encadré. Le grief concernant l’inexactitude contenue dans l’encadré fut donc retenu.

Les plaignants reprochaient aussi à la journaliste de ne pas avoir vérifié certaines informations et qu’elle aurait dû contacter la municipalité pour ce faire. Le Conseil constate que l’article citait un représentant de la Ville. La journaliste affirme aussi avoir parlé à d’autres représentants municipaux pour compléter ses recherches. Devant ces deux versions contradictoires et considérant qu’un point de vue du directeur des communications de la Ville est présenté dans l’article, le grief ayant trait au manque de vérifications a été rejeté.

Selon les plaignants, la journaliste aurait fait preuve de partialité et aurait manqué d’équilibre dans son article. Le Conseil estime que si l’accumulation de critiques à l’encontre des pouvoirs publics pouvait donner l’impression que la Ville avait une certaine responsabilité dans la diminution des milieux humides, le point de vue d’un représentant de la Ville, donné à la fin de l’article pouvait en partie dissiper ses doutes. Sans retenir le grief, le Conseil estime que le travail journalistique aurait été plus complet s’il avait contenu plus de détails concernant la position de la municipalité. Sous réserve de cette observation, le grief pour manque d’équilibre a été rejeté.

Enfin, les plaignants demandaient que le journal publie un rectificatif. Or, Acc&egra