L’accessibilité des outils photographiques, qui permettent de réaliser une photo de haute qualité avec, par exemple, un téléphone, a sérieusement ébranlé la photographie traditionnelle, si bien qu’on annonce depuis quelques années déjà la mort du photojournalisme. Inquiétude fondée ou largement exagérée?
« Personnellement, je ne dirais pas qu’on assiste à la mort du photojournalisme, mais plutôt à celle du photojournaliste, nuance François Pesant, photojournaliste indépendant représenté par l’agence Polaris. Les magazines paient moins, n’envoient plus de photographe à l’étranger et ceux qui débutent en photo sont prêts à donner gratuitement leurs images. Cette compétition fait que c’est de plus en plus difficile de travailler en photo, c’est un combat perpétuel », explique-t-il.
Via des plateformes comme Flickr ou les blogues, des citoyens fournissent gratuitement aux médias des photos d’un événement auxquels ils ont assisté; plus besoin de dépêcher un photographe. Et c’est quotidiennement que les photojournalistes vivent les contrecoups de cette révolution médiatique, qui affecte aussi l’ensemble de la presse.
Le directeur du festival de photojournalisme de Perpignan Visa pour l’image, Jean-François Leroy, s’indigne du fait que plusieurs amateurs s’auto-proclament photojournalistes: « Ce n’est pas parce que vous faites des tartes aux pommes que vous êtes pâtissier, ce n’est pas parce que vous vous occupez d’une plante verte que vous êtes jardinier, pas plus que vous n’êtes vétérinaire si vous avez un chat. Mais on a un appareil photo et on est photographe! », s’insurge-t-il.
Reste que les photojournalistes de métier sont durement touchés par cette réalité, à une époque où le monde semble paradoxalement avoir de plus en plus besoin d’images. « Quand j’ai commencé le festival Visa pour l’image (il y a 24 ans), il y avait en France plusieurs dizaines, voire quelques centaines, de photographes qui vivaient convenablement de l’information. Aujourd’hui, je n’en connais plus aucun qui en vivent convenablement », déplore Jean-François Leroy.
Les conditions de travail des photographes se détériorent, forçant des choix professionnels où l’éthique du photographe est mise à mal. « C’est toujours embêtant pour la liberté du photographe s’il est obligé de faire de la pub ou de l’institutionnel pour financer son reportage, souligne le directeur de Visa pour l’image. Je déplore ça. » Mais pour les pigistes, les issues demeurent minces. « La seule façon de s’en sortir, c’est de se diversifier », estime François Pesant.
Quel avenir?
« L’erreur des médias, ça a été de commencer à donner l’information gratuitement sur le web, estime François Pesant. Ce n’est pas normal qu’une rédaction paie une salle de 150 employés pour produire l’information et ensuite la donner gratuitement. On revient de plus en plus à des modèles payants et à terme, c’est ce qui peut sauver l’information, car le modèle actuel n’est pas viable. »
Malgré le contexte difficile, Jean-François Leroy reste optimiste pour l’avenir du photojournalisme, tout en étant conscient de la nécessité de trouver de nouvelles avenues rentables, qui permettront aux photojournalistes de survivre. « Ce qu’on appelle le journalisme citoyen, c’est toujours du témoignage, c’est-à-dire la rencontre fortuite entre un homme et un événement; alors que le photojournaliste, il prépare son sujet et il provoque la rencontre. Je serai inquiet pour ce métier le jour où je verrai des citoyens partir en Tchétchénie avec leur iPhone. Ce n’est pas encore le cas. »