L’eros du journalisme

Le journalisme et les émotions démocratiques

On peut établir un lien très direct entre les enseignements de Dewey et le genre de journalisme dont nous avons besoin dans une démocratie. Cela implique que nous avons besoin de journalistes et de programmes de journalisme qui créent ce que j’appelle « des espaces délibératifs », qui viendraient faire un contre-poids aux commentateurs de radio partisans et aux blogueurs intolérants.

Nous avons besoin de journalistes qui ont éduqué leurs émotions de façon à préférer la communication délibérative; nous avons besoin d’espaces médiatiques qui permettent à une citoyenneté délibérative d’exister ; et nous avons besoin de citoyens qui ont des habitudes émotionnelles qui favorisent ces formes délibératives de journalisme.

Le journalisme public impartial développe le caractère moral des journalistes afin que leur amour de la preuve, de la vérification, de l’exactitude, de l’équité et de l’impartialité soit assez fort pour motiver leurs enquêtes.

Nous devons éduquer les émotions des journalistes.

Dewey prétend également que nous évaluons nos parti pris en voyant comment ils nous aident à enquêter correctement et à traiter équitablement les questions de fond au quotidien. En termes de journalisme, la question devient: dans l’ensemble, quel genre fait le mieux la promotion du journalisme nous avons besoin aujourd’hui — le journalisme partial ou impartial?

Je pense que le journalisme impartial a une plus grande valeur pour la démocratie délibérative que le journalisme partisan, en particulier quand le journalisme partisan utilise des émotions extrêmes et des discours polarisés pour informer les citoyens.

L’affirmation selon laquelle la démocratie a uniquement besoin d’une presse libre et robuste exagère la valeur de la liberté d’expression en démocratie.

Alors la prochaine fois que vous écouterez le discours non délibératif de Rush Limbaugh ou que vous regarderez des têtes parlantes en colère s’attaquer les unes les autres à la télévision, demandez-vous ceci: en tant que société, sommes-nous bien formés pour accepter émotionnellement (et encourager) de telles manifestations d’émotions?

D’après moi, les voix colériques et non délibératives sont des voix non démocratiques. Le fait qu’ils jouissent de la liberté d’expression en tant qu’individu ne fait pas d’eux des citoyens démocrates.

Alors je vous le demande : où trouvons-nous aujourd’hui les espaces médiatiques délibératifs dont nous avons besoin? Est-ce que notre culture est de moins en moins délibérative dans ses médias comme dans ses valeurs au sens large?

Notre aspiration à une forme de démocratie délibérative dépend, à long terme, des habitudes sociales de discussion que nous favorisons dans les écoles, dans les réunions publiques, dans les institutions, et dans nos salles de rédaction.