Le 3 octobre 1986 – Dans une lettre qu’il adressait récemment au Solliciteur général du Canada, M. James Kelleher, le Conseil de presse du Québec faisait part de ses inquiétudes face aux accusations du gouvernement canadien à l’égard du journaliste d’origine argentine, Alberto Rabilotta, président de l’agence de presse Prensa Latina Canada, dont le siège est à Montréal.
En avril dernier, un quotidien montréalais rapportait une déclaration d’un fonctionnaire non identifié du Service canadien du renseignement de sécurité faisant état, sans les étayer, d’accusations portées en vertu de la Loi sur la citoyenneté contre M. Rabilotta à l’effet qu’il était considéré comme une menace à la sécurité du pays.
Considérant que de telles accusations rendaient difficile l’exercice de son métier, M. Rabilotta demandait au Conseil de presse son intervention pour exiger soit des rétractations publiques, soit des preuves irréfutables des accusations lancées contre lui.
En s’inquiétant du fait que des accusations de la sorte se répètent sporadiquement contre M. Rabilotta, comme en témoigne une plainte similaire dont il a eu à traiter en 1982, le Conseil a dit espérer que les accusations ne sont pas portées de la sorte parce que M. Rabilotta exerce des fonctions journalistiques.
Le Conseil de presse, organisme essentiellement voué à la défense du droit du public à l’information, ce qui inclut la protection et la sauvegarde du libre exercice du journalisme, a fait savoir au Solliciteur général du Canada qu’il ne saurait tolérer qu’en ce pays les gens du métier puissent éventuellement être soumis à des pressions et méthodes qui n’ont d’autre effet que de ternir la profession.
Le Conseil estime effectivement que le fait que de telles déclarations puissent être faites par les pouvoirs publics ne peut être qu’extrêmement nuisible à la réputation de la personne impliquée et en l’occurrence, puisqu’il s’agit d’un journaliste, préjudiciable à l’exercice de son métier. Le Conseil a voulu insister sur le devoir et l’obligation des pouvoirs publics de rendre leur administration aussi transparente que possible ainsi que leur responsabilité de renseigner adéquatement et complètement la population. En l’occurrence, le Conseil s’est offusqué qu’un fonctionnaire de l’État ait ainsi lancé des accusations sans les étayer en laissant planer les doutes qui nécessairement n’ont d’autre effet, jusqu’à preuve, que de miner la crédibilité du journaliste.
Le Conseil de presse a dit espérer que le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité saura faire toute la lumière sur cette affaire en donnant toutes chances au journaliste de connaître exactement les accusations qui pèsent contre lui de même que les moyens appropriés de s’en expliquer, profitant aussi de l’occasion pour demander au Solliciteur général s’il existait, au Service canadien du renseignement de sécurité, des principes ou critères spécieux applicables aux journalistes en regard des questions de sécurité nationale. Si tel est le cas, le Conseil serait intéressé à les connaître.
Source : Jean Baillargeon, secrétaire général du Conseil de presse du Québec.