Mémoire du Conseil de presse du Québec au groupe de travail chargé de l’examen de Télé-Québec

EXAMEN DE TÉLÉ-QUÉBEC

Consultations publiques – Octobre 2004

 Mémoire du Conseil de presse du Québec

au

Groupe de travail chargé de l’examen de Télé-Québec

 

Table des matières

Avant-propos……………………………………………………………………………………………… 3

Introduction ……………………………………………………………………………………………….. 4

1. Le Conseil de presse du Québec…………………………………………………………………. 5 

2. Commentaires sur la démarche de consultation………………………………………………. 6 

3. Commentaires sur le document de consultation………………………………………………. 8 

3.1   Télé-Québec à l’heure de la concentration à outrance des médias……………… 8

3.2   Télé-Québec à l’heure du déclin des affaires publiques télévision……………….. 9

3.3  Autres commentaires généraux au document de consultation……………………. 11

Conclusion……………………………………………………………………………………………….. 14

 

Avant-propos

Avant d’intervenir dans le dossier, le Conseil de presse du Québec aimerait préciser qu’il est actuellement locataire de la Société immobilière du Québec, dans l’immeuble du 1000, rue Fullum à Montréal où logent également le siège social et les studios principaux de Télé-Québec.

Ajoutons également que, par le passé, le Conseil de presse a été amené à se prononcer sur certaines plaintes mettant en cause Télé-Québec et quelques-uns de ses journalistes.

En outre, un des membres constituant du Conseil de presse est la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). Or, l’actuelle présidente de la FPJQ est également employée de Télé-Québec et elle est impliquée dans le dossier de défense de son institution.

Enfin, Télé-Québec est également un membre constituant du Conseil de presse et par conséquent, son représentant siège parmi les 22 membres formant le conseil d’administration du Conseil de presse.

Parce que le Conseil de presse prend toujours des moyens rigoureux pour éviter de placer ses membres en situation de conflit d’intérêts, aucun de ces facteurs n’engendre en soi de conflit d’intérêts dans la présente intervention.

Il nous apparaissait toutefois de première nécessité d’éliminer toute référence à d’éventuels conflits d’intérêts que certains pourraient vouloir soulever au moment où le Conseil de presse du Québec amorce son intervention sur la place publique.

Nous ne doutons nullement de l’intelligence et de la capacité de faire la part des choses, autant du côté du Groupe de travail chargé de l’examen de Télé-Québec que de la part des intervenants du Conseil de presse, mais nous tenions à intervenir dans la plus grande transparence.

Nous aimerions enfin rappeler que la présente démarche s’inscrit dans le mandat de vigilance du Conseil en regard de la liberté de presse autant que dans celui du droit du public à l’information, mandat que le Conseil exerce depuis sa fondation, il y a plus de 30 ans.

Introduction

Le droit du public à une information libre, honnête, véridique et complète sous toutes ses formes – en même temps que diversifiée – a toujours été au centre des préoccupations du Conseil de presse du Québec.

L’observation de l’évolution du monde des médias d’information de masse au cours des dernières années a conduit le Conseil à prendre position sur la place publique à plusieurs reprises pour commenter la situation, notamment sur la concentration de la propriété des organes d’information au Québec et sur l’accès des médias à l’information gouvernementale.

C’est la pérennité de ce droit du public à l’information qui anime également notre démarche aujourd’hui. Le Conseil de presse salue l’opportunité offerte par la présente consultation de permettre à la Société de radio-télévision du Québec de trouver une nouvelle compréhension de ses mandats et des conditions dans lesquelles elle doit les exercer.

L’intervention du Conseil de presse vise à se porter à l’appui de Télé‑Québec à l’heure de la concentration à outrance de la propriété des médias et du déclin des investissements pour les émissions d’affaires publiques au Québec.

Le mémoire du Conseil de presse du Québec plaidera donc non seulement en faveur du maintien, mais de l’enrichissement de la programmation de Télé‑Québec en affaires publiques, ainsi que pour la valorisation de l’utilisation des ressources internes et de l’expertise de la maison.

D’autres remarques visant le processus de consultation et des réactions plus ponctuelles relativement à certains points particuliers de la consultation viendront compléter la présentation du Conseil de presse.

 

1. LE CONSEIL DE PRESSE DU QUÉBEC

Afin de mieux situer le point de départ de ces commentaires, une présentation et un rappel de la raison d’être du Conseil de presse et de sa mission dans le domaine de l’éthique de l’information n’est sans doute pas inutile.

Fondé en 1973, le Conseil de presse du Québec veille depuis plus de 30 ans sur la liberté et la qualité des médias québécois. Organisme d’autorégulation créé à l’initiative conjointe des journalistes et des dirigeants des entreprises de presse, auxquels se sont associés dès le départ des membres du public, le Conseil est né des besoins convergents et des inquiétudes communes de ces trois composantes. Il est, depuis lors, tripartite, de même que tous ses comités.

Ses membres constitutifs sont les suivants : les Quotidiens du Québec, l’Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française (ACRTF), les Hebdos du Québec, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec, la Société Radio-CanadaSociété de télédiffusion du Québec (Télé-Québec) et la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). (SRC), la

Rappelons que le Conseil de presse du Québec est un organisme privé, à but non lucratif, dont la raison d’être est de protéger la liberté de la presse et de défendre le droit du public à une information exacte, complète et de qualité.

Afin de répondre au mieux à ses objectifs, le Conseil de presse du Québec demeure un organisme à adhésion volontaire, indépendant des autorités gouvernementales, ce qui lui confère l’autonomie nécessaire à l’accomplissement de sa mission.

Le Conseil a pour mandat de promouvoir le respect des plus hautes normes éthiques en matière de droits et responsabilités de la presse. Son action s’étend à tous les médias d’information distribués ou diffusés au Québec, qu’ils soient membres ou non du Conseil, qu’ils appartiennent à la presse écrite ou électronique.

La liberté d’expression, et la liberté de presse qui en découle, font partie intégrante des droits fondamentaux, véritables pierres d’assise de notre civilisation. Ces deux libertés, d’expression et de presse, s’inscrivent au cœur même de la mission du Conseil de presse du Québec qui consiste, entre autres, à en assurer la promotion et la défense.

Mais ces deux libertés sont en même temps indissociables du droit du public à l’information que défend également le Conseil de presse et dont il sera principalement question dans le présent mémoire.

 

2. COMMENTAIRES SUR LA DÉMARCHE DE CONSULTATION

Le 7 mai 2004, la ministre de la Culture et des Communications, Mme Line Beauchamp, dévoilait les « cinq mesures » sur lesquelles elle entendait s’appuyer pour moderniser son ministère qui a plus de 40 ans d’existence. En page 2 de son communiqué  intitulé « Le ministère de la Culture et des Communications renouvelle et simplifie ses modes d’intervention », elle abordait le sujet de Télé‑Québec. La première phrase de cette section indique : « Tout en réaffirmant sa volonté de voir Télé-Québec continuer à assumer sa mission culturelle et éducative, la ministre annonce un examen en profondeur…».

Pour le Conseil de presse, si le passé est garant de l’avenir, il est plus que probable que malgré l’affirmation de la ministre, certains esprits ne pourront résister à la tentation, lors de cet examen, de proposer de charcuter des grands pans de l’institution actuelle pour la donner en pâture au privé et ainsi « soulager » d’autant l’État de ce fardeau économique et politique. 

En conséquence, il apparaît important pour le Conseil de presse que tout ce qui peut représenter une menace à la vocation de Télé-Québec – y compris l’idée de la redéfinir – fasse l’objet de la plus haute vigilance afin d’en protéger la « mission culturelle et éducative » et de lui garantir les moyens de la réaliser afin de pas défaire ce que le Québec a mis près de 35 ans à bâtir.

Au cours des consultations et au moment de faire l’analyse des propos recueillis, il sera important de prendre en considération trois paramètres qui risquent de fausser les conclusions et les décisions :

         dans un contexte de libre entreprise, l’industrie des télécommunications a tout avantage à ce que le maximum soit fait par le privé afin que ce soient les entreprises qui engrangent les dividendes et non Télé-Québe

        l’État a tout intérêt à se délester au maximum d’un système où les extrants sont plus grands que les intrants, particulièrement sur le plan financier;

       la population non structurée en groupes de pression, celle que le document appelle « le public intéressé par le rôle de la télévision publique québécoise » peut difficilement faire contrepoids à la menace de privatisation partielle et être un interlocuteur lourd dans la balance d’un débat déséquilibré. Car, même s’il existe un nombre certain de Québécois intéressés à l’avenir de leur télé éducative, combien de personnes parmi les milliers de spectateurs admiratifs des téléréalités se lèveront pour la défendre?

 Il s’agit donc d’une source d’interrogation pour le Conseil : tout honnête que puisse être le processus de consultation, le fait que ce soient des personnes  « intéressées » à la question qui participeront et répondront sur une base volontaire à la consultation nous inquiète.

Ainsi, le Conseil de presse invite le Groupe de travail à pondérer les résultats et les conclusions de la consultation à la lumière et en fonction du poids des intérêts en jeu pour chacun des intervenants à la consultation.

Une dernière inquiétude en regard du processus, inquiétude issue du document de consultation. En page 10, on titre : « Le monde a changé, la télévision aussi ».

On semble induire,  par un syllogisme inconscient et tacite (Le monde a changé, la télévision aussi, et donc…), que Télé-Québecnécessairement changer aussi et être modifiée. Ce raisonnement suggéré et dont les éléments ne sont pas démontrés implique que le statu quo est une erreur en soi. doit

Plus loin, on écrit en page 13 du document que « la nécessité d’une télévision publique québécoise n’est pas ici remise en question mais le statu quo n’est pas une option ». La volonté de changer quelque chose est claire. Mais on ne semble pas savoir ce qu’on veut changer. Est-ce que la consultation vise à solutionner des problèmes ou à présumer qu’il y en a sûrement quelques-uns quelque part et qu’en fouillant bien on va les trouver?

À moins d’avoir mal lu le document ou de ne pas avoir eu accès à toutes les informations, il ne semble pas démontré en quoi Télé-Québec est en faute et ce qu’il faut corriger par ces changements. Est-ce que sa première faute est de coûter des sous à l’État et de ne pas être une entreprise privée? Est-ce qu’on lui reproche de ne pas s’autofinancer?

Questionner selon un ordre logique (celui de la pertinence de la mission culturelle et éducative) en lui en superposant un autre (celui des coûts) est un exercice intellectuel périlleux et contraire aux principes traditionnels du raisonnement; ce qui ne peut conduire qu’à la situation paradoxale dans laquelle Télé-Québec est placée depuis trop longtemps.

Pour le Conseil de Presse, il apparaît de première nécessité que si on veut modifier substantiellement Télé-Québec, il appartient à l’auteur de la proposition de faire la démonstration de la nécessité du changement et de l’amélioration prévue préalablement à l’examen du changement proposé. 

3. COMMENTAIRES SUR LE DOCUMENT DE CONSULTATION

3.1 – Télé-Québec à l’heure de la concentration à outrance des médias

La question de la concentration de la presse n’est pas un sujet étranger au Conseil de presse du Québec. Au-delà de la participation du Conseil à plusieurs réflexions sur la question, est-il besoin de rappeler que la fondation du Conseil en 1973, si elle n’en est pas le fruit, a suivi de près la publication du rapport Davey de 1970,  qui proposait alors la création d’un Conseil de presse par l’industrie et la création d’un Conseil de surveillance de la propriété de la presse.

Inutile de dire, donc, la sensibilisation historique du Conseil à cet aspect de la vie des médias. Or, ce phénomène de concentration n’est pas sans conditionner la présente réflexion. Au moment où on ouvre la porte à des changements de fonctionnement – voire de mission – à Télé-Québec, il nous apparaît opportun de rappeler certaines prises de position déjà énoncées dans les années récentes.

Comme il apparaît toujours délicat de se citer soi-même, et même si le Conseil de presse a lui-même déposé un mémoire sur le sujet à ce moment, permettez-nous de citer quelques observations que le très respecté Centre d’études sur les médias présidé par M. Florian Sauvageau formulait en conclusion de son mémoire à l’adresse de la Commission de la culture de l’Assemblée nationale du Québec, en février 2001.

« Que faut-il retenir de ce tour d’horizon ? […]

Que partout aussi les gouvernements font preuve d’une grande prudence et hésitent à modifier des règles édictées pour assurer la diversité de l’information et d’opinion essentielle à la vie démocratique.

  •  Qu’il faut bien constater par contre que l’évaluation que les analystes font de l’application de ces règles est mitigée et qu’elles se sont en tout cas avérées impuissantes à empêcher la constitution de conglomérats qui se sont développés de façon rapide au cours de la dernière décennie et plus particulièrement en l’an 2000. […]
  • Qu’en certains milieux, la concentration de la presse écrite quotidienne inquiète bien davantage que la constitution de conglomérats présents dans tous les secteurs et à toutes les étapes de création, de production et de diffusion des produits culturels. Si cela s’explique et se comprend, compte tenu de l’importance des salles de rédaction des quotidiens ainsi que de la quantité et de la diversité de l’information que les journaux produisent, il ne faut pas oublier le développement fulgurant qu’a connu depuis 25 ans la télévision, devenue la principale source d’information des citoyens, qu’il s’agisse de nouvelles internationales, nationales ou locales.
  • Qu’au-delà des mesures réglementaires et contraignantes qui cherchent à limiter la concentration, l’État peut aussi recourir à des mesures qui favorisent la concurrence. […] Ce qu’il faut retenir avant tout, c’est que ce ne sont pas tant des entreprises qu’il faut appuyer mais la diversité de l’information qu’il faut favoriser.
  • Que bien que le secteur public soit le plus souvent absent de débats en matière de concentration, le rôle du service public reste essentiel, puisqu’il contribue au premier chef au pluralisme et à la diversité. En ce sens, le déclin et le sous-financement des télévisions publiques depuis plusieurs années doivent être signalés. »      [mémoire CEM pp. 49 et 50] 

Ces observations du Centre d’études sur les médias rejoignent et complètent celles que le Conseil avait alors formulées. En les reprenant à son compte, le Conseil de presse veut ainsi insister sur l’importance que revêtent le maintien des acquis et la poursuite du développement de Télé-Québec dans le paysage médiatique québécois, au moment où tout se mesure à l’aulne de la rentabilité et de la performance.

Or, il faut se rappeler que les évaluations de l’impact d’un média ne se mesurent pas seulement quantitativement, i.e. par la comptabilisation des mesures d’auditoires, mais également par l’importance qualitative que peut représenter, pour toute une population, une ressource phare dans un univers médiatique où la fiabilité tend à se raréfier.

Par conséquent et pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil de presse recommande, pour Télé-Québec, le maintien de sa vocation de média d’information public soutenu par l’État québécois.

3.2  – Télé-Québec à l’heure du déclin des affaires publiques télévision

Le Conseil de presse du Québec est un lieu de réflexion et de débat permanent sur la déontologie journalistique. Il cherche à développer chez le public le goût d’une information complète, rigoureuse et authentique, inspirée par un souci constant d’intégrité professionnelle, et à le rendre de plus en plus conscient du rôle essentiel de la presse dans une société démocratique. Il l’invite à demeurer critique, vigilant et exigeant face à la presse. Il vise également à favoriser l’exercice d’une presse responsable et soucieuse du respect de son public.

Ce n’est donc pas par hasard si le Conseil est préoccupé par la qualité de la programmation informative des médias et plus spécifiquement des émissions d’affaires publiques. À ce titre, le Conseil estime qu’il est de son devoir de réaffirmer l’importance de préserver ce type d’émissions, notamment à Télé-Québec

Il n’y a pas si longtemps, la Commission de la culture de l’Assemblée nationale publiait le bilan des audiences publiques qu’elle avait tenues sur la concentration de la presse. Dans son rapport, elle énonçait les recommandations adoptées à l’unanimité des membres de la dite commission le 13 novembre 2001.

La recommandation « R-12 » portait spécifiquement sur le rôle de Télé-Québec et la première phrase se lit ainsi : « La commission de la culture souhaite que Télé-Québec dispose des ressources financières nécessaires pour remplir son mandat. » Plus loin, dans le commentaire explicatif, on peut lire : « Télé-Québec contribue à n’en pas douter à accroître la diversité des sources d’information au Québec. Elle parvient à produire des émissions d’information de grande qualité, etc. » La Commission réitérait alors son souhait qu’elle dispose des fonds nécessaires à cet effet. Elle terminait en indiquant « La Commission recommande de plus que soit mieux affirmée la mission régionale de Télé-Québec et son rôle touchant la télédiffusion des débats de l’Assemblée nationale. »

La réalité québécoise a-t-elle tellement changé au cours des 35 derniers mois au point que ce qui faisait l’unanimité des membres de la Commission devienne tout à coup caduc?  Le besoin de produire des émissions d’information de qualité n’a pas changé. Et si Télé-Québec ne produit pas de bulletins de nouvelles, elle produit par contre des émissions d’affaires publiques depuis des décennies.

Or, de nombreux observateurs estiment que l’on assiste actuellement à un déclin des émissions d’affaires publiques. S’il s’agit d’une perception difficilement mesurable, un fait ne ment pas : les dépenses qu’on y consacre. Sans entrer dans une démonstration aussi savante qu’ennuyeuse, mentionnons un seul exemple pour l’illustrer, exemple tiré du « Rapport de surveillance de la politique sur la radiodiffusion 2003 » du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

En page 68 du document, on trouve un tableau des dépenses consacrées aux émissions canadiennes, pour les « nouvelles » et les « autres informations ». Ces catégories excluent notamment les « sports », les « variétés » et une catégorie intitulée « intérêt général ». Ainsi, la catégorie « autres informations » peut être assimilée aux « affaires publiques » au sens large. Notons également que ces dépenses concernent la télévision privée commerciale de langue française et le réseau de langue française de Radio-Canada. Donc, Télé-Québec n’est pas comptabilisée dans le calcul.

Examinons les données  pour les cinq années répertoriées, soit de 1998 à 2002. Les dépenses de la catégorie « autres informations » ont été en croissance jusqu’à l’an 2000, respectivement de 8 %, 3 % et 8 % après quoi elles ont commencé à décliner. En 2001, ces dépenses chutent de 24 % en regard de l’année précédente et en 2002, elles demeurent encore à moins de 17 % de l’année de référence, l’an 2000.

En outre, en 2002, les dépenses de la catégorie « autres informations » sont même revenues à un niveau inférieur aux dépenses de 1998 et dans ces calculs, il n’est même pas tenu compte de l’inflation.

À chacun de tirer ses conclusions. Mais il est tout de même curieux  de constater que ces résultats coïncident avec les années de mouvements importants de la propriété des entreprises de presse.

Quoi qu’il en soit, il n’est pas faux d’affirmer qu’actuellement, les dépenses en regard des émissions d’affaires publiques sont sérieusement à la baisse en télévision de langue française. 

Par conséquent, le Conseil de presse estime qu’il est de première importance de prendre des décisions visant à maintenir le financement de Télé-Québec à un niveau suffisamment élevé pour lui permettre de continuer à produire ce type d’émission dans le cadre de sa vocation de média d’information, au premier sens du terme.

 

3.3 – Autres commentaires généraux au document de consultation

Au-delà des considérations sur la concentration de la presse et de ses enjeux et de la tendance à la baisse dans le développement des affaires publiques, le Conseil a relevé certains points dans le document de consultations sur lesquels il aimerait ajouter des observations ponctuelles.

3.3.1 – En regard des autres éléments relatifs à la mission culturelle  

          (Document de consultation, p. 22)

Pour le Conseil de presse, il ne fait pas de doute que de ne confiner Télé-Québec qu’à une télé des arts, c’est la condamner à court / moyen terme à sa fin définitive.

En ce qui concerne le reflet des régions, ceux qui y ont vécu savent que les têtes de réseau n’utilisent habituellement ces territoires que dans leur dimension exotique et « différente » de la vie citadine. Si on veut refléter les régions, le Conseil estime qu’on ne doit pas compter seulement sur les séries « commerciales » du privé mais que Télé-Québec doit conserver sa mission culturelle et son rôle « régional » à cet égard.

Les genres d’émissions culturelles auxquelles la Société devrait accorder la priorité sont celles qui permettront de consolider l’identité particulière des Québécois, faite des premières nations, des descendants des premiers colons et des communautés culturelles plus récentes qui sont venues enrichir la mosaïque québécoise.

3.3.2 – En regard des activités et autres processus d’affaires – (p. 23)

En matière plus spécifiquement de production, continuer ainsi équivaut à ne devenir qu’un diffuseur qui associe son nom à celui des producteurs et sa principale fonction devient celle de payeur de droits aux producteurs. Cette vocation ne conserve de sens que dans la mesure où les productions diffusées ne verraient pas le jour si elles ne tiraient pas leur origine de la vocation de Télé‑Québec et si elles ne découlaient pas de sa mission éducative et culturelle.

Quant aux partenariats, il nous apparaît que le travail de partage est passablement consolidé sur cet aspect et qu’en confier davantage à l’extérieur équivaudrait à amorcer lentement la fermeture des portes de la Société.

3.3.3 – En regard des activités hors programmation – (p. 28)

La contribution à la mise en place d’un « gouvernement en ligne » laisse très perplexe et pose plusieurs questions, au-delà de savoir exactement ce qu’est la signification de ce « gouvernement en ligne ». Par exemple, il serait intéressant de savoir si c’est l’expertise développée à Télé-Québec qui sera utilisée.

Dans ce cas, cette compétence qui s’est développée à long terme aux dépends même des ressources de la Société, pourrait engendrer des dividendes pour Télé-Québec quand ces connaissances deviendront à leur tour ressources pour un autre secteur du gouvernement.

Après tout, si Télé-Québec n’a été financée que partiellement par le ministère de la Culture et des Communications, elle n’est redevable qu’en partie pour les ressources développées et pourrait donc facturer à tout le moins une partie de ses services. Car même si elle facturait aux instances gouvernementales sa formation et son expertise, ce « client » devrait de toute façon payer plus cher pour la même chose dans le privé.

Par contre, si ce « gouvernement en ligne » signifie transformer la Société de télé éducative en un super Communication Québec, à ce moment, les choses sont différentes. En conséquence, il faudrait savoir ce que signifie la participation de Télé-Québec en regard du « gouvernement en ligne ». 

3.3.4 – En regard du financement et de l’imputabilité de Télé-Québec – (p. 30)

Les ressources (Premier paragraphe) : On indique une diminution des ressources et on exige maintenant un réexamen des résultats. La simple justice commande que dans le cours de l’examen, on tienne compte de cette diminution de 21 %. On va sans doute nous tenir le discours qu’on n’a plus les moyens de financer Télé-Québec. « A-t-on encore les moyens de parler français et d’entretenir notre culture? », pourrait-on répondre.

Si nous poussons ce raisonnement à l’extrême, ce serait sûrement plus simple et sans doute plus économique de devenir tous des Nord-Américains uniformes, qui mangent le même plat surgelé et qui conduisent le même véhicule. La très cruciale question de la protection de la diversité culturelle à des points de chute stratégiques, et Télé-Québec en est un.

Il nous apparaît que la culture du Québec, son éducation et ses institutions, dont nos médias contribuent à nous retourner, jour après jour, par leur miroir notre image collective unique, ont également un prix.

Par ailleurs, il va sans dire que la production essentiellement composée de contenu québécois confère aux produits de Télé-Québec une « valeur ajoutée » qu’on ne trouve pas toujours dans l’ensemble de la programmation des concurrents, ce qui n’est pas toujours apprécié ou pris en compte à sa juste valeur.

Revenus autonomes (5e paragraphe) : Télé-Québec génère donc près de 15 millions sur 55 en revenus autonomes, soit un peu plus de 27 % de ses entrées de fonds. Une information dont on entend rarement parler quand on dit que la Société est financée par l’État et qui pourrait davantage être reconnue.

 

CONCLUSION

Nous ne reprendrons pas ici notre argumentation exposée plus haut.

Qu’il nous soit toutefois permis de réaffirmer l’importance, aux yeux du Conseil de presse du Québec, de voir Télé-Québec poursuivre sa mission de télévision éducative et culturelle avec les ressources adéquates à cet accomplissement.

En ces périodes de libre entreprise rayonnante où la concurrence féroce contraint les entreprises à des décisions sacrificatrices, le rôle de l’État est plus que jamais de protéger les institutions porteuses des valeurs  fondamentales de notre société et pour lesquels les intérêts mercantiles et le marché seuls n’auront aucune considération. 

En ce sens, le maintien de la vocation éducative et culturelle, de même que la protection de services d’information de type « affaires publiques » au sens large apparaissent au Conseil de première nécessité. Il va sans dire que cela implique la mise en œuvre de moyens permettant un financement adéquat pour réaliser cette mission. 

Sur cet aspect, force est de constater que les deux dernières décennies ont été ponctuées de révisions après coupures et de coupures après révisions, ce qui a dû mobiliser passablement, pour ne pas dire paralyser, les ressources d’une direction d’entreprise dont les fonctions sont également, dans une gestion normale, de favoriser la créativité des artisans et ses conditions de réalisation.

Au terme, donc, de deux décennies d’appauvrissement du Télédiffuseur public québécois, le Conseil de presse croit nécessaire autant que légitime que Télé‑Québec bénéficie d’une décennie d’enrichissement de ses ressources et de sa programmation en affaires publiques.

Il apparaît au Conseil de presse que dans une société comme la nôtre, où culture et communications sont fondamentales pour sa survie et son développement, la ministre responsable de la culture et des communication soit la première à se porter à la défense de l’existence et des ressources de la seule entreprise de presse dont la vocation est d’abord éducative et culturelle.