Le Conseil de presse du Québec, conscience et chien de garde de la presse tant écrite que parlée, veille depuis 27 ans sur la liberté et la qualité des médias québécois.
Organisme d’autorégulation créé sous l’initiative conjointe des journalistes et des entreprises de presse, auxquels se sont associés dès le départ des membres du public via une participation financière du gouvernement du Québec, le Conseil est donc né des besoins convergents et des inquiétudes communes de ces trois composantes. Il est, depuis lors, tripartite de même que tous ses comités. Ses membres constitutifs sont les suivants : les Quotidiens du Québec, l’Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française, les Hebdos du Québec, Radio-Canada, Télé-Québec et la Fédération des journalistes du Québec.
Dix-neuf personnes composent le conseil d’administration du CPQ, soit six représentants du public, six délégués des journalistes et six représentants des entreprises de presse. Le 19e membre – M. Michel Roy – est le président de l’institution et représente également le grand public.
Au cœur de mandat du Conseil domine la fonction d’ombudsman de la presse. Ainsi, depuis sa fondation, le CPQ a été appelé à se pencher, à titre de tribunal d’honneur, sur plus de 2000 cas de plaintes émanant soit de citoyens, d’organismes ou d’entreprises des quatre coins du Québec, soit de membres de la communauté journalistique. Les décisions rendues par le Conseil depuis près de 30 ans font jurisprudence en matière d’éthique de l’information.
Le Conseil de presse agit, en somme, comme protecteur du citoyen en matière d’information et le service qu’il dispense à cet égard à la population est un service public.
Une Loi à l’heure des bilans
La Loi sur l’accès à l’information, dont l’entrée en vigueur en 1982 fut saluée favorablement par le monde de la presse, a maintenant près de 20 ans. Son adoption témoignait d’une volonté politique de rendre transparente l’administration publique.
Adopter une loi donnant « accès à l’information gouvernementale » sous-entendait implicitement la reconnaissance du principe voulant que l’État est au service du citoyen à qui il est tenu de rendre des comptes. Et ce, non seulement à tous les quatre ou cinq ans à l’occasion d’élections ou lors des sessions parlementaires, mais également au quotidien.
Le noble objectif de transparence alors visé par le législateur a-t-il, en cette année 2000, été atteint? Force est de reconnaître aujourd’hui que rien n’est malheureusement moins sûr. En vérité, près de 20 ans d’application de la Loi n’ont pas suffi à briser la culture du secret qui caractérise toujours l’appareil administratif de l’État, tout comme celui des organismes parapublics et du monde municipal.
Paradoxalement, l’objectif du projet de Loi 122 semble bien davantage axé sur une toute autre préoccupation, notamment le renforcement de la protection des renseignements personnels, au risque d’entraîner une plus grande fermeture du côté de l’accès aux documents publics.
La presse québécoise se heurte régulièrement à la culture du secret – pour ne pas dire au culte du secret – cultivée généreusement dans la fonction publique et parapublique, comme en témoigne d’ailleurs avec éloquence le mémoire déposé devant cette même Commission par l’un de nos partenaires, la Fédération professionnelle des journalistes. Cette culture du secret constitue, à n’en pas douter, une entrave majeure à la liberté de la presse et au droit légitime de la population québécoise d’être informée des faits et gestes de son administration publique.
Sur cet aspect et bien d’autres, le Conseil de presse endosse largement la position défendue par la FPJQ.
Le Conseil n’en reconnaît pas moins, par ailleurs, le bien-fondé et l’importance de protéger le caractère privé de la vie de tout citoyen, par des mesures législatives adéquates. Cependant, le Conseil aurait souhaité que le projet de Loi 122 manifeste une volonté aussi clairement appuyée de favoriser l’accès à l’information gouvernementale; le projet de loi n’en a pratiquement que pour la protection des renseignements personnels. Aussi louable soit-elle, la protection de la vie privée ne peut servir de prétexte, estimons-nous, à l’opacité de l’administration publique.
Ce constat global inquiète le Conseil. Cautionner l’orientation et le déséquilibre observée dans le projet de Loi 122 correspondrait ni plus ni moins à fermer les yeux sur le frein navrant que représente, pour la liberté de presse et le droit du public à l’information, la culture du secret gouvernemental.
L’état de santé de l’accès à l’information
Après deux décennies d’application de la Loi d’accès à l’information, l’heure est maintenant au bilan. Une étude exhaustive, visant à mesurer de façon précise l’état de la situation en regard de l’accès aux documents publics, s’impose ici. Cela permettrait de mieux circonscrire l’étendue du problème et, à posteriori, d’y trouver s’il y a lieu des remèdes.
Aussi le Conseil de presse recommande-t-il qu’une enquête sur l’état de l’accès à l’information gouvernementale soit instituée au plus tôt. Celle-ci trouverait intérêt et crédibilité à être confiée à un comité tripartite composé de représentants du gouvernement, de la communauté journalistique et du grand public. Il s’agit ici de la première recommandation formelle du Conseil.
Mais une condition demeure toutefois préalable à la prescription de tout éventuel remède : l’affirmation d’une volonté politique ferme d’assurer la transparence de l’administration publique. C’est là l’objet de la seconde recommandation du Conseil de presse.
Les autres recommandations que le Conseil adresse aux membres de la Commission parlementaire s’inspirent en grande partie de celles préconisées par la Fédération des journalistes du Québec. Les recommandations du Conseil doivent être perçues comme des conditions minimales en vue de l’adoption d’une meilleure législation. En voici l’énoncé :
3e recommandation :
Que les organismes publics produisent désormais un rapport annuel circonstancié sur l’état de la situation de l’accès chez eux à la Commission d’accès à l’information du Québec, et ce dans la perspective de mieux connaître l’état de l’accès aux documents publics dans l’ensemble de l’appareil administratif de l’État.
4e recommandation :
Que la Loi identifie, dans un premier temps, la liste des documents publics accessibles sans délai ni possibilité de refus de la part des organismes publics. Une pareille liste devrait, dans un second temps, faire l’objet d’une actualisation constante.
5e recommandation :
Que la volonté politique d’accélérer le traitement des demandes d’accès soit affirmée clairement et que conséquemment, des objectifs soient imposés en ce sens aux organismes publics et parapublics, et que le statu quo soit maintenu à 20 jours sur les délais de réponse, compte tenu du non-respect fréquent de cette limite temporelle.
6e recommandation :
Que tout organisme de nature paragouvernementale, paramunicipale lié aux institutions scolaires, incluant les maisons d’enseignements privées, et les organismes liés à la santé, soit assujetti à la Loi sur l’accès aux documents publics.
7e recommandation :
Que tout organisme créé à l’initiative d’une organisation publique soit soumis à la juridiction de la Loi sur l’accès, même si celui-ci est doté d’une charte juridique le transformant en entreprise privée.
8e recommandation :
Qu’aucune nouvelle restriction susceptible de limiter l’accès aux documents publics ne soit ajoutée à la Loi. Qu’en conséquence, l’article 44 du projet de Loi, alinéa 1, soit supprimé.