L’effet Glenn Greenwald, ce blogueur engagé snobé par certains journalistes, se fait sentir. L’avocat à l’origine de la révélation du programme de surveillance américain PRISM a fait naître un nouveau besoin de définir ce qu’est un journaliste. Résumé de quelques pistes de réflexion.
Historiquement, la définition « économique » du journalisme, attachée à la pratique régulière et principale de la profession contre rétribution a offert une description pratique et concrète.
Cette conception est encore le critère utilisé par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, pour déterminer qui peut joindre ses rangs à titre de membre professionnel : « les personnes qui ont comme occupation principale, régulière et rétribuée l’exercice d’une fonction de journaliste pour le compte d’une ou de plusieurs entreprises de presse québécoises ».
C’est essentiellement la définition proposée par le sénateur américain Dick Durbin, citée dans un article du New York Post du 7 juillet : « someone who gets a paycheck from a media organization [quelqu’un qui reçoit un chèque d’un organisme médiatique] », en incluant, dans l’expression « organisme médiatique », les journaux, les essais, les agences de presse, les magazines, les sites d’information en ligne, la télévision, la radio et même le cinéma.
Le sénateur avance cette définition dans le cadre du débat, chez nos voisins du sud, sur une loi fédérale visant à protéger les sources journalistiques (shield law).
L’auteur de l’article du New York Post, Glenn Reynolds, professeur de droit à l’Université du Tennessee, croit cependant que la définition du sénateur Dubin est loin d’englober toutes les formes légitimes de journalisme. « I think a journalist is someone who’s doing journalism, whether they get paid for it or not [ je crois qu’un journaliste est quelqu’un qui fait du journalisme, qu’il soit ou non payé pour le faire]. »
Le journalisme est une activité, pas une profession, affirme M. Reynolds. Il ajoute que restreindre la notion de liberté de presse à la liberté des institutions de presse n’est pas fidèle à l’esprit de la constitution américaine, qui prône plutôt la liberté d’utilisation de la presse.
Alors que les grandes entreprises de presse ont longtemps détenu le monopole des moyens de production du contenu journalistique, les choses ont maintenant changé. Le nombre d’acteurs sur les diverses plateformes médiatiques et la diversité de leur profil explosent.
Le journalisme n’est plus le fait d’une personne. On doit plutôt parler d’« actes journalistiques » que tout le monde peut commettre, défend Jeff Jarvis, qui titrait « There are no journalists [Il n’y a pas de journalistes] », dans Buzz Machine, le 30 juin.
Mais une conception plus conservatrice du journalisme s’oppose à cette ouverture. Les critiques essuyées par Glenn Greenwald, qui affiche sans pudeur ses partis pris, en témoignent. Ce type de journalisme engagé entre en collision avec l’idéal d’objectivité au coeur de l’identité traditionnelle du journaliste.
« Oui, un journaliste peut être un militant » défend cependant Mathew Ingram, dans un article publié par Paid Content le 30 juin. Tout journalisme est militant, estime-t-il. Seulement, certains journalistes sont plus transparents que d’autres, quant à la cause qu’ils défendent, fait-il valoir.
Dans un article reproduit par J-Source, le 28 juin Stephen J. A. Ward souligne qu’on ne peut plus ignorer le journalisme militant. « Rather than dismiss all forms of activist journalism as biased, how can we think more subtly about the values of activist journalism? [Plutôt que de dénigrer et considérer comme biaisé toute forme de journalisme engagé, comment peut-on envisager plus subtilement la valeur du journalisme engagé?] »
Mais le monde médiatique transformé par la technologie doit faire beaucoup plus qu’adopter une définition plus inclusive du journalisme. Les normes qui balisent sa pratique doivent être entièrement revues, souligne J.A. Ward. « The changes in media and society are so revolutionary that we must be radical by rethinking the purposes and principles of responsible journalism [Les changements dans les médias et dans la société sont si révolutionnaires que nous devons radicalement repenser la raison d’être et les principes du journalisme responsable] ».