Pendant un an, le réalisateur Denis Robert a suivi les 16 étudiants de la licence de webjournalisme de l’université de Lorraine, à Metz. Les Nouveaux Journalistes, une série de quatre documentaires, permet de s’immiscer dans le quotidien d’une formation qui tente de répondre aux nouvelles réalités du métier, tout en révélant des questionnements déontologiques qui n’ont somme toute pas changé.
L’un des premiers exercices réalisés par les étudiants donne d’ailleurs lieu à un débat entre l’un des étudiants, Jean-Baptiste, et Stéphane Masson, qui enseigne la technique du reportage vidéo. Ce dernier lui reproche de ne pas avoir suffisamment de plans de course dans son reportage réalisé lors d’un marathon. Jean-Baptiste s’insurge lorsque M. Masson mentionne qu’il aurait dû prendre des images lors du réchauffement de l’athlète et les intercaler dans le document.
« Vous faites de la manipulation, lance Jean-Baptiste. Le mec veut pas s’échauffer, on va le faire s’échauffer? »
« Vous avez besoin de ces images », plaide le professeur.
« Vous lui demandez de faire un truc qu’il n’aurait pas fait si vous n’aviez pas été là? » réplique le jeune homme qui n’est visiblement pas convaincu par les arguments de l’enseignant.
Webdoc
À la fin de l’année, les étudiants doivent présenter un webdocumentaire sur un sujet de leur choix. Cette situation les confronte à différents enjeux déontologiques. Lors de la présentation de leur reportage devant un jury composé de journalistes professionnels, leurs décisions suscitent des discussions intéressantes dont il en ressort que les choses ne sont pas toujours noires ou blanches.
C’est notamment le cas lorsqu’Assma annonce que trois des quatre intervenantes de son documentaire sur la conversion à l’Islam ont refusé, après coup, qu’elle utilise les entrevues parce que le reportage serait diffusé devant un public comprenant des hommes. L’étudiante, qui a accédé à leur demande, doit défendre sa décision. On assiste alors à un débat sur l’attitude qu’elle aurait dû avoir. Le directeur du programme, Arnaud Mercier, et l’un des jurés, le grand reporter John Paul Lepers, estiment que les jeunes femmes ne pouvaient empêcher la diffusion des entrevues après avoir accepté de participer au reportage.
« Un journaliste a le droit à l’information, une personne a le droit à l’image. Si elle ne veut pas que son image apparaisse, on la floutte. Mais on garde l’info », a soutenu M. Lepers.
Orianne, qui a choisi de revenir sur le démantèlement d’une secte, s’est pour sa part retrouvée dans une situation délicate en voulant filmer la maison où des gens avaient été séquestrés par les dirigeants de cette secte. Invoquant le droit à l’oubli, le propriétaire actuel de la demeure a vigoureusement refusé qu’elle la filme.
À l’évaluation, elle se fait donc reprocher l’absence de plan de la maison dans son reportage. « Ça m’embête de savoir que les enfants des nouveaux propriétaires se font intimider », a-t-elle soutenu. M. Lepers a fait valoir qu’en achetant une vieille maison, les nouveaux propriétaires achetaient l’histoire qui venait avec. Ne pouvant filmer la maison, la jeune femme aurait dû trouver une autre façon de l’imager, a-t-il ajouté.
Rencontres
La série présente également des extraits de débats avec des journalistes et des personnalités, organisés par les étudiants.
Ils ont notamment reçu la présentatrice du journal de 20h de TF1, Claire Chazal. La rencontre a lieu quelques jours après une entrevue avec le président de l’époque et durant laquelle Nicolas Sarkozy a mis en boîte la journaliste-vedette. Les étudiants reviennent évidemment sur cet épisode, et sur le fait que la chaîne privée est détenue par Martin Bouygues, un ami personnel de Nicolas Sarkozy.
« Nous n’entendons jamais Martin Bouygues. Nous ne lui parlons jamais. Il ne nous donne aucun ordre ni aucun conseil », répond l’invitée lorsqu’un étudiant s’interroge sur l’indépendance des journalistes.
Le politicien Jean-Luc Mélenchon débat avec les étudiants de sa relation avec les journalistes. Il dénonce notamment la précarisation des métiers de l’information. Selon lui, lorsque les journalistes craignent de perdre leur emploi, ils ne peuvent plus combattre.
Journaliste 2.0
Diffusée sur France 4 l’été dernier, la série de documentaires est disponible sur Internet. Le site journaliste-2.0.france4.fr comprend aussi des capsules d’informations complémentaires sur la formation et le journalisme, la déontologie notamment.