Même si le Conseil de déontologie journalistique (CDJ) de Belgique n’a que quatre ans d’existence son travail est apprécié par les journalistes puisqu’ils reconnaissent son importance et se montre satisfait de son fonctionnement et de son organisation.
C’est entre autres ce qu’on découvre dans Le journaliste belge en 2013 : un autoportrait, un sondage mené par des chercheurs de l’Université de Gand et de l’Université libre de Bruxelles auprès de l’ensemble de la communauté journalistique de Belgique, autant francophone que néerlandophone.
Pour les francophones, il est très important (65 %) et plutôt important (27 %) qu’une instance d’autorégulation existe. |
Dans le cadre de l’enquête, les journalistes ont été questionnés sur leur appréciation de ces deux organisations. Pour 65 % des francophones, il est très important et plutôt important (27 %) qu’une telle instance existe. L’appréciation des néerlandophones est plus faible puisqu’ils sont 24 % à considérer l’existence du RvdJ très importante et 54 % à la trouver plutôt importante.En plus du CDJ, la Belgique compte le Raad voor de Journalistiek (RvdJ) un organisme d’autorégulation mis sur pied en 2002.
Par ailleurs, dans les deux groupes, 42 % des répondants se déclarent plutôt satisfaits du fonctionnement et de l’organisation de leur système d’autorégulation des médias. On observe cependant que 44 % des francophones et 45 % des néerlandophones se disent neutres.
Concernant les activités du CDJ, c’est-à-dire les avis et les recommandations, 46 % des journalistes se disent plutôt satisfaits et 42 % sont neutres. Du côté du RvdJ, 42 % sont plutôt satisfaits et 48 % neutres.
Les journalistes belges bénéficient par ailleurs d’une loi sur la protection des sources qui fait l’envie de leurs collègues français. Le sondage montre d’ailleurs que 91 % des journalistes belges estiment que cette loi adoptée en 2005 « constitue un dispositif satisfaisant ».
Pratique déontologique
L’enquête a également sondé l’opinion des journalistes sur des aspects déontologiques de leur métier.
Tout comme la Fédération professionnelle des journalistes du Québec qui dénonçait récemment des chaînes de magasin offrant des cartes cadeaux pour attirer les journalistes à l’inauguration de leurs nouvelles succursales, les Belges s’opposent à toute forme de rétribution en échange d’une couverture médiatique. Ainsi pour 95 % d’entre eux, il est totalement inacceptable d’être payé par une source et ils sont également 71 % à estimer totalement inacceptable d’accepter des cadeaux.
On y apprend également que 82 % des répondants condamnent le recours à des logiciels espions et/ou le piratage d’un ordinateur et que 61 % jugent totalement inacceptable d’enfreindre la loi.
Si la majorité des répondants (64 %) refusent de se faire passer pour quelqu’un d’autre, 56 % croient qu’il peut être acceptable dans certains cas de taire le fait d’être journaliste.
Le jugement semble également de mise lorsqu’il est question de s’infiltrer dans un milieu ou d’utiliser des micros ou des caméras cachées puisque respectivement 64 % et 68 % des répondants croient que ces procédés peuvent être acceptables dans certains cas.
Globalement, les journalistes considèrent qu’il est acceptable d’insister fortement pour obtenir des informations (45 % croient que c’est acceptable dans certains cas, 23 % que ce l’est dans la plupart des cas et 12 % que ce l’est toujours).
S’ils sont 59 % à estimer totalement inacceptable de rémunérer une source, ils sont tout de même 35 % à croire que cela peut être acceptable dans certains cas.
Concernant l’utilisation de documents confidentiels sans autorisation des propriétaires, 55 % des répondants estiment que c’est acceptable dans certains cas et 17 % que c’est acceptable dans la plupart des cas.
Vie privée
Les journalistes ont également été sondés sur leur jugement concernant la publication d’informations sur la vie privée. Dans le cas des gens ordinaires, la majorité (54 %) juge que c’est totalement inacceptable et 41 % que cela peut être acceptable dans certains cas.
Lorsqu’il s’agit de personnes issues du monde des affaires, d’autorités publiques et d’hommes et de femmes politiques, plus des deux tiers des journalistes estiment que la publication d’information sur la vie privée est acceptable dans certains cas. Pour les personnalités connues du monde médiatique, 13 % jugent que c’est acceptable dans la plupart des cas et que ce l’est dans certains cas à 59 %.
Faits divers
Dans les cas de faits divers, les journalistes sont majoritairement opposés (71 %) à la divulgation de l’identité d’un mineur.
Ils sont plus enclins à dévoiler dans certains cas l’identité d’une victime d’un acte illégal (54 %) que celle d’un suspect d’acte illégal (49 %). Une fois qu’une personne est reconnue coupable d’un acte illégal, on estime (41%) qu’il est acceptable dans la plupart des cas de la nommer. Seulement 7 % croient que cela demeure totalement inacceptable.
Couverture médiatique
Les répondants dressent un sombre bilan des tendances et de l’évolution de la couverture journalistique. On constate que 17 % d’entre eux sont tout à fait d’accord et 39 % plutôt d’accord pour dire que la qualité globale de la production journalistique est en baisse.
En additionnant ceux qui sont plutôt d’accord et ceux qui sont tout à fait d’accord, 85 % des journalistes belges jugent qu’au cours des cinq dernières années, l’actualité est devenue de plus en plus sensationnaliste.
Les répondants constatent une augmentation de la publication de « contenus prêt-à-publier produits par les services de communication » puisque 17 % se disent tout à fait d’accord avec cette affirmation et 47 % plutôt d’accord.
Rôle professionnel
L’enquête a également demandé aux journalistes de se prononcer sur leurs rôles professionnels dans la société. Ils devaient indiquer l’importance accordée à une série d’objectifs et en sélectionner trois qu’ils estiment les plus importants.
Pour tous les répondants, il est très important de fournir des informations fiables. Pour 77 % d’entre eux, il s’agit de l’objectif arrivant en tête de liste.
Présenter les informations de manière compréhensible est très important pour 98 % des journalistes, alors que fournir des informations objectives est très important pour 94 % d’entre eux et constitue avec les deux objectifs précédents ceux s’étant le plus souvent classés dans le « top 3 ».
Pour 77 % des journalistes, fournir des informations fiables est l’objectif le plus important de leur travail. |
Le rôle de chien de garde de la démocratie représente un objectif très important pour 66 % des répondants, mais n’est le plus important que pour 3 % d’entre eux.
Une première
Au total, 4913 journalistes ont reçu le sondage et 1640 d’entre eux y ont répondu ce qui représente un taux de réponse de 33 %. En plus de questionner les participants sur des enjeux déontologiques, l’enquête a permis de dresser le portrait des journalistes belges.
Les auteurs notent que c’est la première fois que les journalistes francophones et néerlandophones sont appelés à répondre à un même questionnaire.
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