Plaignant
Anonyme (dûment identifié au Conseil de presse)
Mis en cause
Mme Kathleen Frenette, journaliste
Le quotidien Le Journal de Québec
Résumé de la plainte
Le plaignant dépose une plainte le 27 décembre 2016 contre la journaliste Kathleen Frenette et le quotidien Le Journal de Québec concernant l’article intitulé « Attouchements à de multiples reprises sur une fillette » publié le 21 octobre 2016. Il déplore l’identification d’une personne mineure, ainsi que l’identification des proches d’un coupable.
Le plaignant considérait également que certaines informations étaient inexactes. Cependant, le Conseil a jugé que le grief était non recevable parce que les propos visés étaient ceux de l’avocat de l’accusé et la journaliste se limitait à les rapporter. Le Conseil n’ayant relevé aucune apparence de faute déontologique, ce grief n’a donc pas été traité.
Le Journal de Québec n’a pas souhaité répondre à la présente plainte.
L’article visé par la présente plainte traite de la sentence imposée à un homme ayant plaidé coupable à des accusations d’attouchements sur une personne mineure.
Analyse
Grief 1 : identification d’une personne mineure
Le plaignant estime que certaines informations transmises dans l’article permettent d’identifier la victime d’âge mineure.
En ce qui concerne l’identification des personnes mineures impliquées dans un contexte judiciaire, le Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec indique à l’article 22 (2) : « Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent de publier toute mention de nature à permettre l’identification d’une personne mineure impliquée dans un contexte judiciaire comme victime ou témoin, sauf s’il existe un intérêt public prépondérant pour le faire, que cette personne y consent de façon libre et éclairée et qu’elle est accompagnée par des personnes majeures responsables. »
L’intérêt public est défini au paragraphe e) du Préambule de ce même Guide : « Attendu que la notion d’intérêt public varie selon chaque société et chaque époque et que le respect de l’intérêt public amène journalistes et médias d’information à privilégier les informations pouvant répondre aux préoccupations politiques, économiques, sociales et culturelles des citoyens afin que ceux-ci puissent participer de manière éclairée à la vie démocratique ».
Dans le dossier D2013-08-141, le Conseil a retenu le grief de divulgation de l’identité de personnes mineures parce qu’il a jugé qu’en nommant un pédophile et en révélant le lien de parenté qui le liait à ses victimes – ses petits enfants -, la journaliste dévoilait suffisamment d’information pour identifier les personnes mineures impliquées.
À la lecture de l’article mis en cause, le Conseil juge que les éléments d’information qui y sont présentés ne permettent pas d’identifier la victime. De plus, contrairement à la jurisprudence citée précédemment, l’article ne permet pas d’établir l’existence d’un lien entre la victime et le coupable.
Le grief d’identification d’une personne mineure est rejeté.
Grief 2 : identification des proches d’un coupable
Le plaignant fait valoir qu’il n’était pas d’intérêt public de mentionner que le coupable est le fils d’un ancien policier de la Sûreté du Québec (SQ). Dans une lettre adressée à la journaliste, le plaignant argumente qu’en associant cette information au nom de famille du coupable, il était possible d’identifier la famille de ce dernier.
L’article 20.4 du Guide de déontologie journalistique indique : « Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’identifier les proches de personnes accusées ou reconnues coupables de crimes, à moins qu’une telle identification ne soit d’intérêt public. »
Le Guide définit le principe d’intérêt public au paragraphe e) du Préambule : « Attendu que la notion d’intérêt public varie selon chaque société et chaque époque et que le respect de l’intérêt public amène journalistes et médias d’information à privilégier les informations pouvant répondre aux préoccupations politiques, économiques, sociales et culturelles des citoyens afin que ceux-ci puissent participer de manière éclairée à la vie démocratique ».
À plusieurs reprises, le Conseil a rappelé dans ses décisions que les proches d’accusés ou de personnes reconnues coupables d’un crime n’avaient pas à être identifiés. C’est notamment le cas dans le dossier D2017-02-015, où le Conseil a jugé qu’en publiant la photo de la maison de la grand-mère d’Alexandre Bissonnette, accusé d’être l’auteur d’une fusillade, les mis en cause ont « inutilement exposé la vie privée de la dame qui n’était en rien associée aux accusations portées contre son petit-fils ».
Dans le dossier, D2014-11-048, le Conseil a jugé qu’il n’était pas d’intérêt public d’identifier le père d’un homme accusé de trafic de stupéfiants, alors qu’il n’était pas impliqué dans les faits reprochés à son fils. Le Conseil a conclu que la diffusion de cette information « a inutilement exposé la vie privée du plaignant et lui a causé de surcroît un tort en l’associant aux accusations portées contre son fils ».
Finalement, le Conseil retenait également un grief d’atteinte à la vie privée de la plaignante dans le dossier D2015-03-092. Dans ce cas, la plaignante déplorait la publication de son nom, dans un article portant sur son frère décédé en Syrie dans un attentat qu’il aurait organisé. Le Conseil a fait valoir « que l’intérêt public ne justifiait pas la publication du nom de la plaignante et celui de sa ville de résidence parce que cette atteinte à sa vie privée pouvait avoir des conséquences sur sa sécurité ». Il ajoute : « Le Conseil rappelle que les journalistes et les médias doivent prendre des précautions supplémentaires lorsqu’il s’agit d’une personne qui peut être facilement identifiable, notamment en raison de la singularité de son nom. »
Après analyse, le Conseil juge qu’en précisant la nature de sa profession dans le service public (policier), son ancien employeur (la SQ), son statut de retraité et le nom de famille de son fils adoptif, l’article peut permettre d’identifier le père du coupable. Vu le caractère public de son ancienne occupation professionnelle, le Conseil évalue que l’homme était identifiable au-delà de son entourage immédiat, sans que cela ne soit justifié par l’intérêt public. En permettant d’identifier le père, on le relie indûment au crime de son fils adoptif, juge le Conseil.
Le grief d’identification des proches d’un coupable est retenu.
Refus de collaborer
Le Conseil déplore le refus de collaborer du quotidien Le Journal de Québec, qui n’est pas membre du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte et blâme la journaliste Kathleen Frenette et Le Journal de Québec pour le grief d’identification des proches d’un coupable. Cependant, il rejette le grief d’identification d’une personne mineure.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
Linda Taklit
Présidente du sous-comité des plaintes
La composition du sous-comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- M. Paul Chénard
- M. Jacques Gauthier
- M. Luc Grenier
- Mme Linda Taklit
Représentantes des journalistes :
- Mme Audrey Gauthier
- Mme Lisa-Marie Gervais
Représentant des entreprises de presse :
- M. Raymond Tardif