Plaignant
Ugo Lippé
Mis en cause
Jeanne Corriveau, journaliste
Le quotidien Le Devoir
Résumé de la plainte
Ugo Lippé dépose une plainte le 27 septembre 2019 contre la journaliste Jeanne Corriveau et Le Devoir concernant l’article « Premier cas québécois de maladie pulmonaire grave liée au vapotage », publié le même jour. Le plaignant déplore de l’information inexacte et incomplète.
CONTEXTE
L’article mis en cause a été publié dans les minutes suivant une conférence de presse de la direction de la santé publique au sujet d’un premier cas québécois de maladie pulmonaire grave lié au vapotage.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ». (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si la journaliste et le média ont transmis de l’information inexacte dans l’extrait suivant : « Aux États-Unis, 12 décès ont été recensés relativement à l’utilisation de la cigarette électronique ».
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’information inexacte.
Analyse
Bien que le plaignant affirme qu’il n’y a eu aucun décès lié au vapotage aux États-Unis, il n’en apporte pas la preuve.
Les mis en cause indiquent que la journaliste Jeanne Corriveau a basé son article sur les informations transmises lors d’une conférence de presse de la direction régionale de la santé publique. Elle s’est également appuyée sur un communiqué publié par les Centers for Disease Control and Prevention (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies), une référence en matière de recherche médicale aux États-Unis. Ce communiqué, publié la veille de la conférence de presse, rapporte 12 décès liés au vapotage, dans 10 États américains.
En conférence de presse, la directrice régionale de Santé publique, la Dre Mylène Drouin, a affirmé qu’« actuellement, l’investigation se fait davantage aux États-Unis avec les 800 cas et les 12 décès », comme en témoigne d’ailleurs un reportage diffusé à ICI Radio-Canada le même jour.
Dans la décision D2017-04-060, le Conseil a également rejeté des griefs d’informations inexactes en faisant valoir que l’information présentée dans l’article correspondait à celle transmise dans un document officiel mis en preuve par le média. La décision indique : « Le Conseil constate que les informations transmises dans l’article sont fidèles à la réalité décrite dans la Dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition qu’un enquêteur de l’ARC [Agence du revenu du Canada] a présentée à un juge de paix. »
Dans le cas présent, l’information transmise par la journaliste est fidèle à la réalité décrite par des experts de la santé publique.
Grief 2 : information incomplète
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 e) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si la journaliste a transmis de l’information incomplète au sujet des causes des maladies pulmonaires évoquées dans l’article.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’information incomplète.
Analyse
Alors que le plaignant aurait souhaité que la journaliste précise que les maladies pulmonaires « sont habituellement liées à l’acétate de vitamine E », le Conseil juge que cette information n’était pas nécessaire à la compréhension du sujet dans le cadre de l’angle choisi par la journaliste. Son article traitait du premier cas au Québec de maladie pulmonaire grave associée à la cigarette électronique rapporté par les autorités de la Santé publique.
Le Conseil a rappelé à plusieurs reprises, notamment dans la décision D2016-07-013, que la déontologie « n’impose pas aux journalistes de couvrir tous les angles d’une nouvelle, mais plutôt de s’assurer d’en présenter les éléments essentiels à la compréhension des faits par le lecteur ».
Dans le cas présent, les mis en cause soulignent que l’article « visait à rendre compte des propos du directeur national de la Santé publique, le Dr Horacio Arruda, sur la présence avérée au Québec du premier cas de maladie pulmonaire grave associé apparemment à la cigarette électronique » et non à présenter une revue scientifique sur le sujet.
De plus, les mis en cause soulignent que ce n’est que le 20 décembre 2019, soit plusieurs semaines après la publication de l’article, que le New England Journal of Medicine a publié un article concluant : « Vitamin E acetate was associated with EVALI [electronic-cigarette, or vaping, product use–associated lung injury] in a convenience sample of 51 patients in 16 states across the United States. » (« L’acétate de vitamine E a été associé aux EVALI [lésions pulmonaires associées à l’usage de cigarettes électroniques ou au vapotage] dans un échantillon de commodité de 51 patients répartis dans 16 États à travers les États-Unis » – traduction du Conseil)
On n’aurait donc pas pu exiger de la journaliste de faire état du lien entre les maladies pulmonaires et l’acétate de vitamine E puisque ce lien n’avait pas été établi de manière officielle au moment de la publication de l’article visé par la plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte d’Ugo Jetté contre Jeanne Corriveau et Le Devoir concernant les griefs d’information inexacte et d’information incomplète.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes
Richard Nardozza
Représentante des journalistes :
Noémi Mercier
Représentants des entreprises de presse :
Jeanne Dompierre
Jed Kahane