Bilan de campagne

Crédit photo : Karim Rezk CC

 À peine trois semaines après les élections municipales, des journalistes se sont joints au chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, pour analyser la campagne, lors d’un atelier du congrès de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), le 23 novembre.

Au cours de cette analyse, les panélistes ont fournis des exemples illustrant le difficile exercice d’une couverture de campagne soucieuse de la déontologie et de l’éthique. À Gatineau et Montréal, les journalistes ont été confrontés aux devoirs d’équité et d’équilibre, de vérification des faits et de respect du droit du public à l’information.

Impossible équité à Gatineau

« Il y avait une difficulté à assurer un poids médias équivalent », a admis Mathieu Bélanger, journaliste au quotidien Le Droit, de Gatineau, en indiquant que le maire sortant fuyait la presse alors que son principal opposant était omniprésent.

Au cours de son dernier mandat, le maire sortant, Marc Bureau, avait instauré un climat de méfiance envers les journalistes, forçant même la FPJQ à intervenir. Durant la campagne électorale, il a participé à un seul débat de 20 minutes et fait 3 conférences de presse. À la mi-campagne, il a cessé de répondre aux questions de Radio-Canada, puis à 10 jours de l’élection, c’était au tour du journal Le Droit de subir le même traitement, a rappelé le journaliste.

Le candidat qui lui faisait face, Maxime Pedneaud-Jobin, avait pour sa part la stratégie inverse puisqu’il a tenu 20 conférences de presse, participé à une quinzaine de débats et accordé des entrevues à tous les médias, a énuméré M. Bélanger.

Devant ces différentes stratégies de communication, Mathieu Bélanger a rapporté que Le Droit a jugé qu’on ne pouvait réduire la couverture de M. Pedneaud-Jobin sous prétexte que le maire sortant et son entourage ne voulaient pas parler.

Phénomène Joly et équilibre

Après le premier débat, tenu le 16 août, Radio-Canada avait choisi d’axer sa couverture sur les candidats à la mairie Denis Coderre, Richard Bergeron et Marcel Côté. Les résultats du premier sondage ont changé la donne. « Mélanie Joly arrivait quatrième, à 1% de Marcel Côté, a rappelé François Cormier, journaliste à Radio-Canada. On ne pouvait plus l’ignorer. » À la mi-octobre, un sondage CROP-Radio-Canada donnait la candidate deuxième, derrière Denis Coderre.

Dans son analyse, Richard Bergeron a reconnu certaines erreurs stratégiques de la part de son organisation. Il a cependant blâmé les médias de ne pas avoir été assez sévères avec Mélanie Joly. « C’est fou les partis gratuites [que vous lui avez donné]. On ne grattait pas ce qu’il y avait derrière le verni. J’étais stupéfait de sa couverture », a-t-il soutenu.

François Cormier a pour sa part reproché aux opposants de la jeune candidate de ne pas l’avoir critiquée publiquement, se contentant de le faire en coulisse. Il a également fait valoir que Mélanie Joly ne l’avait pas eu facile dans l’affaire Bibiane Bovet, une candidate de son équipe ayant un passé d’escorte et faisant l’objet d’une enquête de l’Autorité des marchés financiers.

Les faits derrière un kiosque à légumes

Au cours de la campagne, un article paru dans La Presse rapportait que la police enquêtait sur une plainte visant le maire de l’arrondissement Plateau-Mont-Royal, Luc Ferrandez, et Richard Bergeron, concernant un présumé détournement de fond public, dans le dossier d’un projet de kiosque à légumes. Quelques jours plus tard, le quotidien montréalais nuançait les faits, par le biais d’une chronique signée par François Cardinal.

Le mal était fait, estime Richard Bergeron. « J’ai passé deux jours à répondre aux journalistes [qui demandaient] si j’étais aussi pourri que les autres », a-t-il confié lors de l’atelier. Il a rappelé que Coalition Montréal a lancé des appels robotisés référant à cette histoire, même si La Presse avait publié un deuxième article malgré les bémols apportés par François Cardinal.

C’est au cours des jours suivants que le deuxième sondage de la campagne a été réalisé. M. Bergeron a noté que durant le reste de la campagne, les journalistes n’ont cessé de lui demander comment il se sentait de se retrouver au troisième rang. « Je priais pour un troisième sondage », a-t-il admis.

Selon François Cormier, des journalistes de Radio-Canada avaient reçu le dossier concernant le kiosque à légumes. « À la lecture du dossier, on a décidé de ne pas sortir l’histoire parce qu’on a jugé que ça n’avait pas d’allure. Radio-Canada n’en a pas parlé », a-t-il dit.

Déficit d’information à Montréal

Plusieurs participants à l’atelier ont déploré le manque de couverture des candidats locaux, notamment à Montréal, où les électeurs devaient également choisir des représentants aux conseils d’arrondissement. L’un d’entre eux a déploré la « pauvreté de la couverture politique dans les hebdos locaux » et estimé qu’il y avait un déficit démocratique. Il a fait remarquer que certains arrondissements sont plus populeux que bien des villes du Québec.

François Cormier a expliqué qu’il avait deux minutes par soir pour parler de quatre candidats. Il a également demandé comment on aurait pu justifier de parler de la campagne électorale locale de Hochelaga-Maisonneuve, mais pas de celle de Saint-Jérôme.