Pourquoi les médias peuvent diffuser la photo d’un suspect

Le Conseil de presse du Québec a publié quatre nouvelles décisions concernant des plaintes qu’on lui avait soumises. Trois d’entre elles ont été rejetées et la quatrième a été déclarée irrecevable.

D2023-03-019 : Myriam Lafrenière c. Le Journal de Montréal

Le Conseil de presse rejette la plainte de Myriam Lafrenière visant la photo du chauffard d’Amqui présentée à la une du Journal de Montréal le 15 mars 2023. La plaignante estimait que la photo de Steeve Gagnon, arrêté pour conduite ayant causé la mort, heurtait la sensibilité du public. La photographie en question, accompagnée du titre « Un regard qui glace le sang », montre le visage du suspect de 38 ans au moment de son arrivée au palais de justice d’Amqui. Deux jours plus tôt, l’homme aurait volontairement foncé sur onze piétons au centre-ville d’Amqui alors qu’il était au volant d’une camionnette, causant la mort de trois personnes et en blessant huit autres. La déontologie journalistique n’interdit pas aux journalistes et aux médias d’information de diffuser des images qui peuvent heurter la sensibilité du public. Ceux-ci doivent plutôt s’assurer qu’une photo ne heurte pas inutilement le public. L’utilité peut se justifier si une photo apporte certains éléments d’information pertinents. Dans le cas d’un suspect, une photo informe le public de l’identité de l’individu et de son comportement à ce moment précis, tout comme elle peut éviter que la personne soit méprise pour quelqu’un portant le même nom, par exemple. Bien que certaines images puissent être difficiles à regarder, en particulier pour les proches des victimes, elles peuvent permettre aux lecteurs de mieux comprendre une situation, ce qui constitue une raison légitime de les diffuser. Le Conseil a estimé que la publication de cette photo, malgré toute la souffrance qu’elle pouvait engendrer pour les proches, n’était pas inutile puisqu’elle apportait des informations importantes en illustrant la première étape du processus judiciaire visant à juger l’homme arrêté dans ce drame qui a bouleversé le Québec. De plus, considérant que la une du journal annonçait des articles en lien avec la comparution du suspect, la publication de cette photo reflétait l’information à laquelle elle se rattachait. C’est pourquoi la plainte est rejetée.

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D2023-03-018 : Martine Lemoine c. Joseph Facal et Le Journal de Montréal

Le Conseil de presse rejette la plainte de Martine Lemoine visant la chronique « Au Canada, il est dangereux de dire la vérité », de Joseph Facal, publiée dans Le Journal de Montréal le 15 février 2023. La plaignante déplorait que le chroniqueur ait rapporté des informations inexactes en lien avec l’histoire d’un élève de 16 ans suspendu par la St. Joseph’s Catholic High School, en Ontario, puis arrêté quelques semaines plus tard pour intrusion en classe. Selon le chroniqueur, le jeune homme a été suspendu pour avoir dit en classe « que l’on naît homme ou femme, que l’identité ne suffit pas à congédier la biologie, et que les personnes nées avec un sexe masculin devraient utiliser les toilettes des hommes. […] Mais évidemment, ces propos “heurtaient” deux étudiants trans et s’opposaient frontalement à l’idéologie de la frange la plus militante du lobby trans. » M. Facal citait ses sources comme étant « le jeune homme, son avocat et le journaliste du National Post, Michael Higgins », qui avait publié une chronique à ce sujet dans le quotidien de langue anglaise quelques jours plus tôt. S’appuyant sur d’autres sources, la plaignante soutenait pour sa part que le jeune homme avait été suspendu pour avoir tourmenté deux élèves transgenres et avoir organisé une manifestation antitrans à son école. Lorsqu’il examine une allégation d’inexactitude, le Conseil ne retient le grief que s’il a une preuve démontrant qu’une information inexacte a été véhiculée. Se trouvant ici devant deux versions contradictoires, il rejette le grief, ce qui signifie qu’il ne détient pas les preuves nécessaires pour trancher à propos des raisons qui ont mené à la suspension de l’élève. Par ailleurs, un second grief d’information inexacte concernant le titre « Au Canada, il est dangereux de dire la vérité » est rejeté car l’inexactitude alléguée relève de l’opinion et ne constitue pas un fait.

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D2022-12-227 : Yves Laberge c. Clémence Delfils et La Presse

Le Conseil de presse rejette la plainte d’Yves Laberge contre l’article « Un épisode de surmortalité qui perdure », de la journaliste Clémence Delfils, publié dans La Presse le 2 décembre 2022, relativement à deux griefs d’information inexacte. Le plaignant proposait sa propre analyse des statistiques liées à la surmortalité causée par la pandémie de COVID-19 au Québec et contestait certaines conclusions tirées par des spécialistes. Le Conseil a jugé qu’il n’y avait rien d’inexact dans l’information transmise par la journaliste. Il était clairement indiqué dans son texte qu’elle rapportait les propos de deux experts, soit le démographe Frédéric Fleury-Payeur, de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), et la Dre Rodica Gilca, analyste de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Lorsqu’un journaliste relate les propos d’un expert, on peut être en désaccord avec l’analyse de ce dernier sur le sujet, mais cela ne signifie pas que le journaliste a produit une inexactitude.

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D2023-01-001 : François Perreault c. Michel Jean et TVA

Le Conseil de presse déclare irrecevable la plainte de François Perreault au sujet d’un commentaire que le chef d’antenne de TVA Michel Jean a publié sur son compte Twitter personnel (maintenant appelé X) le 30 décembre 2022. Le plaignant alléguait que M. Jean avait manqué à son devoir d’impartialité et « maladroitement associé le drapeau du Québec au racisme » dans la publication suivante : « Hier j’ai partagé une chronique suggérant d’apprendre quelques mots de langues autochtones comme on le fait souvent de langues étrangères. J’ai dû bloquer 53 profils haineux ou méprisants. 50% conspis, 50% avec un drapeau du Québec. Je dis ça de même… #racisme. » Bien que l’impartialité soit un principe du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse, ce principe doit viser un contenu journalistique. Dans le cas présent, le Conseil a jugé à la majorité (5 sur 6) que la publication en cause n’était pas de nature journalistique. De plus, le compte Twitter (X) personnel de Michel Jean, où il se présente comme « Innu. Chef d’Antenne TVA midi. Écrivain », n’est pas un média d’information. Par conséquent, la plainte n’est pas recevable.

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