Montréal, jeudi 7 juillet 2011 – Le comité des plaintes (CP) du Conseil de presse du Québec a rendu publiques aujourd’hui deux nouvelles décisions dans des dossiers mettant en cause la participation de journalistes à des campagnes publicitaires. Les deux plaintes ont été retenues, et les journalistes, blâmés par le tribunal d’honneur.
Conflit d’intérêts avec un organisme public
D2011-03-064 : Marie-Claude Malette c. René Vézina, Stéphane Paquet, le journal Les Affaires
Suite à la diffusion d’une campagne publicitaire (imprimée, télévisée, radiophonique et électronique) de la Régie des rentes du Québec, à laquelle participait le chroniqueur économique René Vézina, une plainte a été déposée au Conseil de presse du Québec. La plaignante, Marie-Claude Malette, dénonçait la situation de conflit d’intérêts qui en résultait et alléguait que le journaliste, en agissant de la sorte, entachait sa crédibilité et son indépendance.
Le rédacteur en chef des Affaires, qui répondait à la plainte déposée contre son journaliste, estimait quant à lui que « capsules » auxquelles avait participé M. Vézina n’étaient pas de nature publicitaire, mais devaient plutôt être assimilés à des messages d’intérêt public. En outre, il argüait que le chroniqueur ne s’était pas encore effectivement placé en situation de conflit d’intérêts, puisqu’il n’avait pas écrit sur la Régie des rentes du Québec après avoir accepté de participer à cette campagne.
De l’avis du Conseil, l’adhésion à une cause – dans le cas présent, l’éducation financière des citoyens –, aussi noble soit-elle, ne devient pas acceptable dès lors qu’elle vise à promouvoir l’intérêt public, comme c’est manifestement le cas ici. Par essence, la notion d’intérêt public est sujette à débat. C’est précisément le rôle d’un chroniqueur que de poser des jugements éclairés et critiques sur les enjeux qui touchent à cette notion.
Or, en participant à cette campagne publicitaire, M. Vézina s’est placé dans une situation où sa crédibilité concernant toute question qui se rapporte à la Régie des rentes du Québec – un organisme qu’il pourrait certainement être appelé à couvrir – est sérieusement entachée. En cela, le chroniqueur a très clairement contrevenu aux principes déontologiques du Guide des droits et responsabilités de la presse.
Par ailleurs, il importe de préciser qu’un conflit d’intérêts n’est pas moins condamnable parce qu’il ne se serait encore jamais concrétisé : que M. Vézina n’ait jamais, depuis la diffusion des publicités, écrit sur la Régie des rentes ne fait pas en sorte que la faute serait « en suspens », jusqu’à preuve du contraire. Car un conflit d’intérêts peut très bien se manifester par une forme d’autocensure, laquelle est évidemment indétectable, sans pour autant que ses effets soient moins préjudiciables pour le droit du public à l’information.
En conséquence, le Conseil de presse a retenu la plainte et a adressé un blâme à l’encontre de M. Vézina.
Double faute
D2011-03-065 : Marie-Claude Malette c. Claude Poirier, Serge Fortin et le Groupe TVA
Dans une seconde plainte, Mme Malette reprochait également au journaliste Claude Poirier d’avoir participé à une campagne publicitaire, cette fois pour le compte de l’entreprise Knorr. Selon elle, le journaliste s’est lui aussi placé en situation de conflit d’intérêts.
M. Poirier, tout comme le Groupe TVA, n’a pas fait de commentaires.
Comme dans le cas précédent, le Guide des droits et responsabilités de la presse est très clair à cet égard : « les journalistes doivent […] éviter toute situation qui risque de les faire paraître en conflit d’intérêts, ou donner l’impression qu’ils ont partie liée avec des intérêts particuliers […]. Tout laxisme à cet égard met en péril la crédibilité des organes de presse et des journalistes, tout autant que l’information qu’ils transmettent au public. » Le grief pour conflit d’intérêts a donc été retenu.
Par ailleurs, le Conseil a également constaté que la publicité en question, dans sa forme et sa présentation, avait été tournée dans le décor de l’émission qu’anime M. Poirier, et en reprenait l’allure. Ce n’est qu’après un certain laps de temps que le spectateur comprend qu’il s’agit en fait d’une publicité. Or, une fois de plus, le Guide proscrit clairement une telle pratique, stipulant que les médias doivent présenter les publicités dans une forme qui les distingue de façon manifeste des émissions d’information journalistique. Le Conseil estime donc qu’il y a ici une faute de mélange de genres.
Pour ces raisons, le Conseil retient la plainte de Mme Malette, et blâme le journaliste Claude Poirier, ainsi que le Groupe TVA, pour conflit d’intérêts et mélange de genres.
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Ces décisions sont toutes susceptibles d’être portées en appel dans les 30 jours de leur réception par les parties.
Le Conseil rappelle que « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8.2)