Richard Martineau blanchi pour ses propos sur Marc-André Cyr

Le tribunal d’honneur du Conseil de presse du Québec a rendu et publié huit (8) nouvelles décisions reliées à des plaintes qu’on lui avait soumises. Six (6) d’entre elles ont été retenues, les deux (2) autres ayant été rejetées.
 
Des propos très durs, dans un contexte qui l’était tout autant
 
Après avoir été pris pour cible dans une notice nécrologique fictive, imaginée par le chroniqueur et chargé de cours Marc-André Cyr et imagée par le caricaturiste Alexandre Jaffa, plaignant au dossier, Richard Martineau avait violemment réagi en ondes, lors de son émission, diffusée par CHOI 98,1 FM, s’insurgeant notamment que la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, plutôt que de dénoncer les propos de M. Cyr, l’invite à un débat sur la liberté d’expression.
 
Après avoir jugé que les six inexactitudes alléguées par le plaignant, M. Fatta, étaient infondées, comme du reste le grief pour information incomplète, le Conseil s’est penché sur le grief d’atteinte à la dignité, qui se basait sur une série d’insultes et de jurons lancés par M. Martineau à l’endroit de M. Cyr : « Un tabarnak comme ça qui montre mon cadavre à tout bout de champ »; « le tabarnak de sacrament d’estie de calice »; « comment ça se fait que la FPJQ invite un tabarnak »; « c’est un écoeurant ».
 
Dans sa décision, le Conseil précise d’abord qu’il s’est historiquement refusé à jouer le rôle de police de la langue : il ne lui appartient pas d’interdire, en soi, l’usage de blasphèmes ou de jurons. Puis, en deuxième lieu, il rappelle « qu’une atteinte à la dignité doit nécessairement s’évaluer à l’aune du contexte dans lequel ont été proférés les propos jugés vexatoires », pour ensuite conclure que « dans un contexte aussi singulier, où des attaques personnelles d’une rare virulence étaient lancées de part et d’autre, il serait déraisonnable de sanctionner les propos tenus par M. Martineau pendant sa chronique.
 
La plainte a ainsi été rejetée.
 
Blâme sévère contre Richard Martineau pour avoir encore manipulé une citation
 
Le Conseil a étudié une autre plainte visant M. Richard Martineau, cette fois déposée par M. Najib Antoine Jabre et visant une chronique publiée sur le site web du Journal de Montréal, intitulée « Justice : une peine “poids plume” ». M. Martineau y dénonçait une sentence prononcée à l’encontre d’un homme autochtone reconnu coupable d’avoir infligé des brûlures à sa fillette, dont la clémence serait attribuable au fait qu’on aurait tenu compte des problèmes socioéconomiques de la communauté de l’accusé. 
 
Le chroniqueur trace ensuite un parallèle avec une autre décision judiciaire, rendue en 1994 par la juge Raymonde Verreault, qui avait alors tenu compte, dans l’établissement de la peine d’un homme de confession musulmane reconnu coupable d’avoir sodomisé une enfant, du fait qu’il avait « préservé sa virginité », en accord avec sa religion. 
Le plaignant reprochait d’abord à M. Martineau l’incomplétude de son exposé des faits pertinents, puisque ce dernier avait omis de mentionner que la décision de la juge Verreault avait été cassée en appel, précisément sur ce point, de sorte que ce jugement n’était donc pas représentatif de l’état du droit. À la majorité, les membres du comité des plaintes ont rejeté ces prétentions, estimant que Martineau citait la décision de la juge Verreault comme un exemple supplémentaire d’une tendance dans le monde judiciaire qui est par ailleurs bien réel. Qu’elle ait été cassée ne change rien au fait qu’elle a été rendue, et en soi il s’agit d’un phénomène qui mérite d’être rappelé.
 
Le comité a cependant jugé, à l’unanimité, que M. Martineau avait commis trois fautes d’inexactitudes. 
 
D’abord en laissant entendre que la décision de la juge Verreault était reliée au fait que l’accusé était arabe : nulle part dans la décision ne trouve-t-on une quelconque référence aux origines ethniques de l’accusé. La décision évoquait plutôt, une seule fois, ses croyances religieuses.
 
Ensuite en affirmant que l’accusé avait sodomisé sa fille. Il s’agissait plutôt de sa belle-fille.
 
Finalement, en modifiant une citation qu’il attribue, guillemets à l’appui, à la juge Verreault, à qui il fait dire, dans sa chronique : 
 
« “Dans leur culture, la virginité est très importante, et en ne la pénétrant pas dans le vagin, l’homme a préservé la virginité de sa fille”, a-t-elle dit. » 
 
Or, la transcription de la décision rendue par la juge indique qu’elle aurait plutôt affirmé : 
 
« Les facteurs atténuants sont l’absence… pardon, le fait que l’accusé n’ait pas eu de relations sexuelles normales et complètes avec la victime, c’est-à-dire des relations sexuelles vaginales, pour être plus précis, de sorte que celle-ci puisse préserver sa virginité, ce qui semble être une valeur très importante dans leurs religions respectives. On peut donc dire que, d’une certaine façon et à cet égard, l’accusé a ménagé la victime. » 
 
La plainte a ainsi été retenue, et considérant d’une part que le Conseil avait déjà reproché à M. Martineau d’avoir inventé une citation dans le dossier D2012-04-090 et d’autre part qu’en matière judiciaire, la plus grande prudence est de mise, un blâme sévère lui a été adressé. 
 
Enquête sur les taux de récidive : grossière déformation de la réalité
 
« Les ex-détenus récidivent massivement », annonçait le titre du reportage préparé par Mme Andrée Ducharme, de l’Agence QMI, et présenté sur le site internet tvanouvelles.ca. Mais la réalité dépeinte par l’étude que relataient les mis en cause était cependant bien plus nuancée.
 
En lisant attentivement l’étude, on s’aperçoit que les taux de récidive présentés dans le reportage étaient en fait ceux d’un seul type de prisonnier : ceux qui auront purgé leur peine au complet, sans avoir pu bénéficier d’une libération anticipée. Ce groupe d’ex-détenu affichait effectivement un taux de récidive, au cours des deux années suivant leur libération, de 55%.
 
Or, l’étude précise également que dans le cas des personnes ayant obtenu une libération conditionnelle, le taux de récidive chute à 18 %. Quant à ceux qui ont été condamnés à une période de probation, ce taux passe à 25 %.
 
En affirmant, sans autre précision, que le taux de récidive était de 55%, le Conseil estime que les mis en cause ont commis une faute d’inexactitude, pour laquelle ils ont été blâmés.
 
En rafale
 
 
La plaignante dans cette affaire reprochait à l’animateur de radio Sylvain Bouchard, de la station FM93, d’avoir mal rapporté le contenu d’un courriel, que le journaliste Mathieu Boivin avait obtenu, dans lequel elle faisait part de ses préoccupations concernant l’alimentation de réfugiés syriens installés à Québec. Le Conseil lui a donné raison sur ce point : le courriel n’affirme nulle que « les réfugiés se sont plaints de la nourriture », comme l’a laissé entendre l’animateur; les préoccupations exprimées étaient uniquement celles de la plaignante, qui se souciaient notamment d’éviter le gaspillage et d’assurer à tous, en particulier aux enfants, une alimentation équilibrée. L’animateur et la station ont ainsi été blâmés.
 
Deux autres griefs, pour atteinte au droit à la vie privée et manque d’équité, ont par ailleurs été rejetés.
 
 
En terminant son reportage sur un spectaculaire vol d’armes à feu au Texas, le journaliste Pierre-Olivier Zappa avait conclu en affirmant « qu’au Texas les armes sont privées puisqu’on peut les porter dans les endroits publics, n’importe où, n’importe comment, par n’importe qui. » Une rapide analyse des lois en vigueur au Texas démontre que c’est faux : elles régulent où, comment et par qui les armes peuvent être portées. Considérant le caractère tout à fait secondaire de son commentaire, le Conseil a absous le journaliste, malgré la faute.
 
 
« [L]e bassin d’immigration [du Québec], c’est le Maghreb, le Liban, la Tunisie, le Maroc, l’Algérie. C’est de là où viennent la majorité de nos immigrants », affirmait en entrevue Éric Duhaime, le 22 mars 2016, pendant l’émission « Bouchard en parle ». Une affirmation tout à fait fausse, selon le plaignant dans cette affaire, Daniel Gagné.
 
Le Conseil lui a donné raison : les statistiques du gouvernement du Québec indiquaient plutôt qu’ensemble, l’Afrique du Nord et le Liban, soit un ensemble encore plus large de pays que ceux cités par M. Duhaime ne représentaient ensemble en 2015 que 17,9 % de l’immigration totale au Québec, soit bien moins que la majorité. La plainte a ainsi été retenue, et M. Duhaime a conséquemment reçu un blâme du Conseil.