Plaignant
MM. Jérôme Bélanger, Serge Lachapelle et Frederic Vignola ainsi que 32 plaignants en appui
Mis en cause
M. Sébastien Ménard, rédacteur en chef et le quotidien Le Journal de Québec – Édition Saguenay – Lac-Saint-Jean
Résumé de la plainte
MM. Jérôme Bélanger, Serge Lachapelle, Frederic Vignola ainsi que 32 plaignants en appui déposent une plainte les 28, 29 et 30 mars 2015 contre Le Journal de Québec – Édition Saguenay – Lac-Saint-Jean, concernant le titre et la photographie publiée en une de l’édition du 28 mars 2015. Les plaignants reprochent la publication d’une photographie trompeuse ainsi qu’un titre inexact et sensationnaliste.
Le Journal de Québec – Édition Saguenay – Lac-Saint-Jean a refusé de répondre à la présente plainte.
L’article publié rapporte les craintes de certains citoyens par rapport au nouveau registre d’armes d’épaule que le gouvernement québécois veut créer. Les vendeurs et acheteurs d’armes craindraient une augmentation importante des coûts d’enregistrement des armes.
Analyse
Grief 1 : photographie trompeuse
Les plaignants dénoncent l’utilisation d’une photographie représentant une arme à autorisation restreinte pour illustrer un article intitulé « Destruction du registre des armes à feu – Inquiétude dans la région ». Les plaignants soulignent que le registre qui a été détruit est celui des armes d’épaules et que l’arme représentée sur la photo – une arme à autorisation restreinte – appartient à une catégorie d’armes qui continue à devoir être enregistrée.
Dans son guide Droits et responsabilités de la presse (DERP), il est mentionné : « Ils [les médias] doivent faire preuve de circonspection afin de ne pas juxtaposer illustrations et événements qui n’ont pas de lien direct entre eux et qui risquent de créer de la confusion sur le véritable sens de l’information transmise. » (p. 30)
Plusieurs dossiers traités par le Conseil dénonçaient des fautes similaires : D2013-06-132, D2013-08-023 et D2014-05-124. Dans chaque cas, le Conseil a jugé que l’utilisation d’une photographie illustrant un type d’arme qui n’était pas visée par l’abolition du registre des armes d’épaule constituait une faute déontologique, puisqu’elle induisait le public en erreur quant à la portée de la nouvelle publiée.
Le Conseil juge donc qu’il s’agit d’une faute d’illustrer un article portant sur l’abolition du registre des armes d’épaule par une arme prohibée.
Par ailleurs, bien que le Conseil a constaté que le journal présentait ses excuses dans l’édition du lendemain, il considère que dans un cas comme celui-là, les excuses et la rectification ne suffisent pas à entraîner une absolution de la part du Conseil, cette erreur se produisant beaucoup trop fréquemment.
Le grief de photographie trompeuse est retenu.
Grief 2 : titre inexact
Selon les plaignants, le titre en une, « Destruction du registre des armes à feu – Inquiétude dans la région », est faux et induit le public en erreur en laissant croire à l’abolition du registre des armes à feu, alors qu’il s’agit en fait de l’abolition du registre des armes d’épaules.
Dans son guide de déontologie, le Conseil souligne : « Les manchettes et les titres doivent respecter le sens, l’esprit et le contenu des textes auxquels ils renvoient. » (DERP, p. 30)
Le Conseil souligne qu’il y a une jurisprudence établie sur cette question : les médias doivent être suffisamment précis lorsqu’ils évoquent la destruction du registre des armes d’épaule. Évoquer la destruction du registre des armes à feu laisse faussement croire que les registres comprenant les armes à autorisation restreinte et les armes prohibées seront détruits, ce qui est faux.
Le grief pour titre inexact est retenu.
Grief 3 : titre sensationnaliste
Un des plaignants soumet qu’en utilisant le mot « crainte » dans le titre, le journal suppose que la situation soit à craindre. Le plaignant ajoute qu’il est complètement faux de prétendre que le nouveau registre des armes d’épaules mette en danger qui que ce soit.
Dans son guide, le Conseil souligne que : « Les responsables doivent éviter le sensationnalisme et veiller à ce que les manchettes et les titres ne servent pas de véhicules aux préjugés et aux partis pris. » (DERP, p. 30) Et que « Les médias et les professionnels de l’information doivent traiter l’information recueillie sans déformer la réalité. Le recours au sensationnalisme et à l’“information-spectacle” risque de donner lieu à une exagération et une interprétation abusive des faits et des événements et d’induire le public en erreur quant à la valeur et à la portée réelles des informations qui lui sont transmises. » (DERP, p. 22)
À la lecture de l’article relié au titre de la une, le Conseil constate que l’inquiétude ou la crainte invoquée dans l’article concerne l’éventuelle augmentation des coûts qu’amènerait le nouveau système québécois d’enregistrement des armes d’épaules. Cette inquiétude serait exprimée par des vendeurs et des acheteurs d’armes d’épaule. Étant donné que le titre ne mentionne pas l’objet de l’inquiétude des citoyens, le Conseil estime qu’il risque d’induire les lecteurs en erreur et déformer la portée des faits relatés. En effet, la juxtaposition de la photo, du titre et du surtitre laisse erronément entendre que la crainte vécue par la population est reliée à l’abolition du registre des armes à feu et aux conséquences qui pourraient s’ensuivre.
Le grief de titre sensationnaliste est retenu, à la majorité (4 membres sur 7). De l’avis des membres dissidents, la juxtaposition de la photo, du titre et du surtitre entraîne une certaine confusion, que l’on ne peut cependant qualifiée de sensationnaliste.
Refus de collaborer
Le Journal de Québec – Édition Saguenay – Lac-Saint-Jean a refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche au Journal de Québec – Édition Saguenay – Lac-Saint-Jean son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte le concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient, à l’unanimité, la plainte de MM. Jérôme Bélanger, Serge Lachapelle et Frederic Vignola et blâme Le Journal de Québec – Édition Saguenay – Lac-Saint-Jean pour les griefs de photographie trompeuse et titre inexact. Par ailleurs, le Conseil retient, à la majorité (4 membres sur 7), le grief de titre sensationnaliste.
Le Conseil constate que depuis plusieurs années, il arrive fréquemment que des médias utilisent des photographies d’armes qui ne sont pas visées par les mesures politiques dont traitent les articles auxquels elles sont reliées. Le Conseil invite donc les médias d’information et les journalistes à faire preuve de prudence dans le choix de leurs photos lorsqu’ils veulent illustrer des articles portant sur le registre des armes d’épaule.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme Le Journal de Québec – Édition Saguenay – Lac-Saint-Jean.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9. 2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- Mme Audrey Murray
- Mme Micheline Rondeau-Parent
Représentants des journalistes :
- Mme Katerine Belley-Murray
- M. Denis Guénette
Représentants des entreprises de presse :
- M. Gilber Paquette
- M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C11A Erreur
- C11F Titre/présentation de l’information