Plaignant
Mme Leititia Wu
Mis en cause
M. Jeff Fillion, animateur
M. Dominic Maurais, animateur
M. Jean-Christophe Ouellet, coanimateur
La station CHOI FM Radio X 98,1
Résumé de la plainte
Mme Leititia Wu dépose une plainte le 20 mars 2017 contre MM. Jeff Fillion, Dominic Maurais et Jean-Christophe Ouellet ainsi que la station CHOI FM Radio X 98,1 concernant un extrait de l’émission « Maurais Live », diffusée le 16 mars 2017. La plaignante dénonce une incitation à la violence.
Les mis en cause n’ont pas souhaité répondre à la plainte.
Dans le segment mis en cause, les animateurs Jeff Fillion et Dominic Maurais, ainsi que le coanimateur Jean-Christophe Ouellet, discutent d’une manifestation contre la brutalité policière.
Analyse
Grief 1 : incitation à la violence
La plaignante reproche aux mis en cause d’inciter les policiers à la violence envers les participants à une manifestation contre la brutalité policière. Elle identifie trois segments qui, selon elle, incitent à la violence policière.
1.1 Si Jeff Fillion était policier
Mme Wu déplore les propos de Jeff Fillion qui, selon elle, « incite les policiers à faire preuve de violence envers les manifestants ». Elle fait référence à l’extrait suivant : « Sais-tu ce que je ferais, moi? Je ferais pour une fois… Je leur montrerais c’est quoi pour une fois de la brutalité policière. Je le ferais rien qu’une fois. Comme en… Corée du Sud, des fois quand y’a des manifs qui dégénèrent un peu, y’a plus que le camion à eau. »
1.2 Les méthodes de la Chine
La plaignante ajoute que « Fillion dit que la police d’ici devrait prendre exemple sur la police de pays autoritaires comme la Chine. Savez-vous comment la Chine traite les manifestants ? » À cet effet, elle réfère au passage suivant :
Jeff Fillion : « Regarde mon chum Coco qui travaille dans le Nord, sur les chemins de fer pour les mines et tout ça, pis y me dit, lui y reçoit des Chinois qui veulent investir. Pis là, à tout bout de champ, y’arrêtent dans des places où y’a des gens qui s’installent sur la track de chemin de fer pour revendiquer des droits de ci… On sait c’est qui là. Donc y revendiquent ci, y revendiquent ça, pis là un moment donné t’arrête le train, faut que tu leur parles, là tu leur donnes la main, tu jases avec eux autres pendant deux heures. Les Chinois sont dans le train pis y dit “ C’est quoi ça? ” Ben là mon chum y explique “ Ben là… ”. Il dit “ Chez nous ça existe pas ça. ” »
Dominic Maurais : « Y arrêtent pas le train. »
Jeff Fillion : « Non. Y arrêtent pas le train. Y’ont pas arrêté le train trois fois. Des manifestations de Tibétains là… y’en a plus beaucoup sur les tracks de chemin de fer. Donc… tsé pis je… c’est parce qu’on est tellement mollasses, on est tellement mous… »
1.3 Les méthodes de jadis
Mme Wu dénonce les propos de Jeff Fillion, qui « prend modèle sur les méthodes violentes des corps policiers de jadis ». Elle déplore également le fait que Dominic Maurais utilise « comme exemple les policiers qui frappent des détenus avec des bottins téléphoniques durant les interrogatoires ». La plaignante fait référence au passage suivant :
Dominic Maurais : « Une petite sauce Pat Burns. Pat Burns, qui de son vivant avait raconté son passé de police à Gatineau. C’était la tête par en-avant. Envoye rentre là-dedans. »
Jeff Fillion : « L’annuaire! »
Dominic Maurais : « Hein? »
Jeff Fillion : « L’annuaire! »
Dominic Maurais : « L’annuaire dans le temps hen… »
Jeff Fillion : « Oui. »
Dominic Maurais : « Des fois il y a pas toujours un annuaire, l’annuaire était mince aussi des fois. »
Jeff Fillion : « Un genre de petit catalogue de la semaine dans le Publisac la, juste trois pages. »
Le Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec, à l’article 10.2 (1), prévoit que « le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte ».
À l’article 19 (1), le Guide établit que « les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés ».
Dans le dossier D2012-03-066, une plainte avait été déposée contre l’animateur du « Show du matin », Denis Gravel, et son coanimateur Jérôme Landry de la station CHOI FM Radio X 98,1, pour incitation à la violence, et ce, en raison des propos suivants : « En avant des ponts là, on vous a enduré en avant des ponts à Montréal, pis c’était l’temps que les policiers vous sauvent le cul, parce que s’il fallait que le monde sorte de leur char, là, ça aurait pas été beau. » Ce grief n’avait pas été retenu : « Contrairement à ce qu’affirment les plaignants, le Conseil n’y voit pas d’incitation à la violence dans cet extrait. Le grief pour incitation à la violence est rejeté. »
Après analyse et en se basant sur la jurisprudence, la majorité des membres (4/6) observe qu’en exprimant ce qu’il ferait s’il était policier, Jeff Fillion partage son opinion dans les limites de la liberté d’expression.
Le Conseil souligne que l’article 19 (1) du Guide ne trouve application que lorsque des termes ou des représentations basés sur des « motifs discriminatoires » sont utilisés à l’endroit d’une personne ou d’un groupe de façon à « susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés ». Dans ce segment de l’émission, le Conseil constate, en premier lieu, qu’il n’y a pas utilisation de termes discriminatoires à l’égard des policiers susceptibles d’engendrer de la violence envers eux. De plus, par la nature de leurs fonctions, les policiers sont autorisés à faire usage de la force. Les propos qui portent sur le niveau de force que les policiers devraient déployer dans l’exercice de leurs fonctions ne peuvent donc être qualifiés de discriminatoires. Si, par ailleurs, les manifestants représentent un groupe, les animateurs n’utilisent pas de termes discriminatoires à leur égard. Il ne s’agit donc d’un cas de discrimination envers les manifestants selon l’article 19 (1), puisque les animateurs ne les qualifient d’aucune façon, à part pour dire qu’ils manifestaient contre la brutalité policière.
Pour les raisons qui précèdent, le Conseil ne constate pas de faute déontologique au sens de l’article 19 (1), du Guide.
Le grief d’incitation à la violence est rejeté à la majorité.
Refus de collaborer
Le Conseil déplore que la station CHOI FM Radio X 98,1 ait refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte la concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Mme Leititia Wu contre MM. Jeff Fillion, Dominic Maurais et Jean-Christophe Ouellet et la station CHOI FM Radio X 98,1 pour le grief d’incitation à la violence.
Linda Taklit
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Ericka Alneus
- M. Luc Grenier
- Mme Linda Taklit
Représentants des journalistes :
- Mme Maxime Bertrand
- M. Luc Tremblay
Représentant des entreprises de presse :
- M. Luc Simard