Plaignant
Jérôme Guay
Mis en cause
Patrice Bergeron, journaliste
L’agence La Presse canadienne
Le quotidien La Presse
Résumé de la plainte
Jérôme Guay dépose une plainte le 5 mars 2019 contre le journaliste Patrice Bergeron, La Presse canadienne et La Presse concernant l’article « Pétition sur la vitamine C : un député caquiste prend ses distances », publié le même jour. Le plaignant déplore un titre sensationnaliste et des informations inexactes.
CONTEXTE
L’article visé par la plainte rapporte que le député caquiste Youri Chassin a précisé, dans un message publié sur sa page Facebook, la portée de son engagement envers une pétition qu’il parraine. Cette pétition demande la mise sur pied d’un registre québécois permettant de documenter les données sur l’administration de vitamine C à haute dose dans les cas de traitements médicaux complémentaires de cancer. Cette mise au point du député survient alors que le vulgarisateur scientifique Olivier Bernard, alias le Pharmachien, avait interpellé M. Chassin au sujet de cette pétition.
Analyse
Grief 1 : titre sensationnaliste
Principes déontologiques applicables
Sensationnalisme : « Les journalistes et les médias d’information ne déforment pas la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’ils rapportent. » (article 14.1 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Illustrations, manchettes, titres et légendes : « Le choix et le traitement des éléments accompagnant ou habillant une information, tels que les photographies, vidéos, illustrations, manchettes, titres et légendes, doivent refléter l’information à laquelle ces éléments se rattachent. » (article 14.3 du Guide)
Mise en oeuvre : « (2) Aux fins de ce Guide, les médias d’information sont responsables de tout le contenu journalistique qu’ils produisent, publient ou diffusent, sans égard au support utilisé, ce qui comprend les comptes de médias sociaux qu’ils exploitent. » (article 4 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si l’agence La Presse canadienne qui a produit l’article, et La Presse qui l’a publié ont fait preuve de sensationnalisme dans le titre.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de titre sensationnaliste.
Analyse
Bien que le plaignant considère que le titre « Pétition sur la vitamine C : un député caquiste prend ses distances » est « incendiaire », le Conseil juge que le titre ne déforme pas la réalité ni n’exagère ou ne modifie la compréhension du texte. Il s’agit d’un titre factuel qui décrit bien le contenu du message publié par le député sur Facebook rapporté dans l’article.
Le plaignant estime que ce titre « vise à faire réagir le public pour envenimer un conflit plutôt que de rapporter les faits ». Il ajoute que le titre et le premier paragraphe de l’article « mentionnent qu’un député caquiste prend ses distances par rapport à une pétition, or, en lisant le reste de l’article et le mot du député, il n’en est rien. » Selon le plaignant, le titre laisse croire à tort que le député a retiré son appui à la pétition. Le titre « continue de faire croire au lecteur les faits que le principal intéressé tend à rectifier », affirme le plaignant.
En réponse à la plainte, La Presse souligne que, dans son message, « M. Chassin a indiqué clairement que, malgré le fait qu’il était le parrain de ladite pétition, il ne s’agissait pas d’une position défendue par son parti politique et qu’il ne faisait que porter le message d’une citoyenne du comté qu’il représente à l’Assemblée nationale. Il était donc parfaitement légitime d’écrire qu’il prenait ses distances par rapport à la pétition i.e. [c’est-à-dire] qu’il s’éloignait de la demande faite dans la pétition. »
En effet, plusieurs extraits de la publication Facebook, cités de façon indirecte dans l’article, témoignent du fait que le député caquiste établit une distance entre lui, son parti et la pétition. Le journaliste écrit : « M. Chassin a rappelé que cette pétition est une initiative citoyenne, et non politique, et que ce n’est pas une position défendue par le gouvernement caquiste ». Il rapporte également que le député « a dit avoir accepté de parrainer cette pétition simplement pour aider ses concitoyens, puisqu’elle est l’initiative d’une citoyenne de Saint-Jérôme, Nathalie Prud’homme, elle-même atteinte d’un cancer ».
Pour qu’un titre soit jugé sensationnaliste, il faut qu’il y ait eu une exagération ou une interprétation abusive des faits qui a pour conséquence de déformer la réalité. Dans sa décision D1996-01-009, le Conseil rappelle que « le choix des titres relève de la discrétion rédactionnelle de l’éditeur. Ce choix s’opère dans le respect du contenu informatif de l’article. Le titre est un moyen pour attirer l’intérêt du lecteur, mais il ne doit pas être un prétexte au sensationnalisme ». Composer un titre accrocheur qui tente d’attirer le lecteur afin qu’il lise le reste de l’article n’équivaut pas à du sensationnalisme et n’est pas une faute déontologique tant que le titre ne déforme pas la réalité de façon abusive.
Dans une décision antérieure (D2017-02-024), le Conseil a rejeté un grief de titre sensationnaliste en faisant valoir que « les mis en cause n’ont pas exagéré ni déformé les faits puisque le titre de l’article – “Amateur d’armes et islamophobe” – correspond au contenu » de celui-ci. Cet article montrait en effet que l’auteur alors présumé de la tuerie perpétrée à la mosquée de Québec, Alexandre Bissonnette, était un amateur d’armes et qu’il avait manifesté de l’islamophobie.
Tout comme dans cette décision, le Conseil constate que le titre visé dans le présent dossier est factuel et qu’il ne déforme pas la réalité.
Grief 2 : informations inexactes
Principes déontologiques applicables
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ». (article 9 a) du Guide)
Mise en oeuvre : « (2) Aux fins de ce Guide, les médias d’information sont responsables de tout le contenu journalistique qu’ils produisent, publient ou diffusent, sans égard au support utilisé, ce qui comprend les comptes de médias sociaux qu’ils exploitent. » (article 4 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le journaliste et La Presse canadienne, qui est reconnue comme un média d’information, ont transmis des informations inexactes dans l’article et si La Presse a transmis des informations inexactes en publiant une dépêche titrée « Pétition sur la vitamine C : un député caquiste prend ses distances » et en affirmant dans le premier paragraphe que « le député caquiste de Saint-Jérôme, Youri Chassin, a tenu à prendre ses distances, mardi, par rapport à une pétition qu’il a parrainée concernant la vitamine C ».
Décision
Le Conseil rejette le grief d’informations inexactes.
Analyse
Bien que le plaignant estime que l’expression « prendre ses distances » est inexacte étant donné que le député n’est pas à l’origine de la pétition, l’expression est exacte puisque le député s’est effectivement dissocié de la pétition.
L’article visé par la plainte rappelle que dans les jours précédant la publication Facebook du député, Olivier Bernard, alias le Pharmachien, « avait interpellé M. Chassin en lui demandant en quoi une pétition, une commission parlementaire, ou encore, un registre sur l’injection de vitamine C, comme le demande la pétition, pourrait permettre d’en apprendre davantage sur le plan scientifique concernant la vitamine C injectable ». Cette sortie, qui a valu à M. Bernard d’être menacé, témoigne du fait que le député était associé à la pétition dans l’espace public. En rappelant, dans son message Facebook, qu’il agit comme intermédiaire et que tout député de l’Assemblée nationale « peut déposer une pétition, qui ne constitue pas pour autant une position officielle défendue par sa formation politique », le député remet les choses en perspective.
Tel que mentionné dans sa décision D2017-03-051, « le Conseil a maintes fois statué qu’il n’a pas à établir de lexique des termes que les médias ou les professionnels de l’information doivent employer ou éviter, les décisions à cet égard relevant de leur autorité et de leur discrétion rédactionnelles. Les médias et les journalistes doivent cependant peser l’emploi des mots qu’ils utilisent, être fidèles aux faits et faire preuve de rigueur dans l’information afin de ne pas induire le public en erreur sur la vraie nature des situations ou encore l’exacte signification des événements. »
Dans le cas présent, le journaliste pouvait choisir l’expression « prendre ses distances » puisqu’elle est fidèle à la publication que le député a faite sur sa page Facebook et dont il est question dans l’article.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Jérôme Guay contre Patrice Bergeron, La Presse canadienne et La Presse concernant les griefs de titre sensationnaliste et d’informations inexactes.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes
Richard Nardozza
Représentante des journalistes :
Noémi Mercier
Représentants des entreprises de presse :
Jeanne Dompierre
Jed Kahane