Plaignant
Jean Archambault
Mis en cause
Isabelle Porter, journaliste
Le quotidien Le Devoir
Résumé de la plainte
Jean Archambault dépose une plainte le 29 juin 2019 contre la journaliste Isabelle Porter et le quotidien Le Devoir concernant l’article « Immigration : le Québec fait-il plus que sa part pour les réfugiés? » publié le 22 juin 2019. Le plaignant déplore une photographie inadéquate, de l’information incomplète et un refus de rectification.
CONTEXTE
Dans le contexte de la Journée mondiale des réfugiés, le premier ministre François Legault a affirmé que le Québec « en faisait plus » que bien des nations en ce qui concerne l’accueil de réfugiés. La journaliste tente de vérifier cette affirmation en analysant les données du programme de réinstallation et celles d’un rapport du Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies.
Analyse
Grief 1 : photographie inadéquate
Principe déontologique applicable
Illustrations, manchettes, titres et légendes : « Le choix et le traitement des éléments accompagnant ou habillant une information, tel que les photographies, vidéos, illustrations, manchettes, titres et légendes, doivent refléter l’information à laquelle ces éléments se rattachent. » (article 14.3 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si la photo illustrant l’article mis en cause reflète l’information à laquelle elle se rattache.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de photographie inadéquate.
Analyse
Le plaignant considère que la photographie montrant des demandeurs d’asile empruntant le chemin Roxham pour entrer au Canada sème la confusion chez le lecteur, puisqu’elle montre des « demandeurs d’asile qui franchissent clairement la frontière du Canada de façon irrégulière », alors que l’article examine les données du programme de réinstallation.
Comme l’article porte « essentiellement » sur le programme fédéral de réinstallation des réfugiés, le plaignant se demande pourquoi le média n’a pas choisi d’illustrer l’article avec une photo de réfugiés réinstallés au Canada. Il fait valoir que « la population est déjà très mêlée avec le nombre d’appellations désignant cette catégorie d’immigrants (réfugiés, migrants clandestins, migrants irréguliers et réguliers, personnes protégées, migrants illégaux). »
Comme l’avance Le Devoir dans sa réplique au Conseil, l’article « brosse dans les faits un portrait des différentes voies d’entrée des réfugiés au Québec. Après analyse, le Conseil juge la photo appropriée puisqu’elle reflète les informations transmises dans l’article. Dans un premier temps, la journaliste analyse les données du programme de réinstallation, puis elle prend en compte la question des demandeurs d’asile lorsqu’elle écrit : « Or, le jeu des comparaisons se complique si on tient compte des 27 970 demandeurs d’asile qui sont venus cogner aux portes du Québec en 2018, notamment en empruntant le chemin Roxham, à Saint-Bernard-de-Lacolle, en Montérégie. »
Dans une décision récente (D2019-02-027), le Conseil a rappelé que la déontologie journalistique n’exige pas que l’illustration reflète l’ensemble de l’information présentée dans un article. Dans ce dossier, la photographie visée par la plainte montrait une arme de poing pour illustrer une lettre d’opinion dans laquelle l’auteure citait notamment une étude américaine et des statistiques sur la violence par armes à feu en général, sans faire de distinction entre les sortes d’armes à feu. « La photographie en cause illustre cet aspect-là de la lettre », a jugé le Conseil.
De la même façon, dans le cas présent, la photographie accompagnant l’article fait référence à l’une des informations qui y sont transmises. Elle montre l’une des voies d’entrée des réfugiés au Canada, le chemin Roxham, par ailleurs bien connu du public.
Grief 2 : information incomplète
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 e) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont omis de l’information essentielle à la compréhension du sujet.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’information incomplète.
Analyse
Le plaignant déplore que la journaliste ait basé son analyse uniquement sur le programme fédéral de réinstallation. Selon lui, elle aurait dû prendre en compte le « deuxième programme du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration du Canada » ainsi que les migrants irréguliers arrivés au Québec. Considérant l’angle de traitement choisi par la journaliste, le Conseil juge que les informations souhaitées par le plaignant n’étaient pas essentielles à la compréhension du sujet.
Les journalistes et les médias jouissent d’une liberté éditoriale, octroyant à Mme Porter la latitude de choisir un angle de traitement précis pour aborder l’accueil des réfugiés et elle n’avait pas à faire un tour d’horizon complet de cette question.
Plusieurs décisions antérieures du Conseil soulignent cette latitude dans le choix de l’angle de traitement de leur reportage. C’est notamment le cas de la décision D2018-07-078. On y lit que « la déontologie “n’impose pas aux journalistes de couvrir tous les angles d’une nouvelle, mais plutôt de s’assurer d’en présenter les éléments essentiels à la compréhension des faits par le lecteur”. Dans le cas présent, compte tenu de l’angle choisi par le journaliste [le mécontentement de commerçants concernant la présence d’itinérants dans ce quartier], les informations souhaitées par le plaignant n’étaient pas essentielles à la compréhension du reportage. Le journaliste n’avait donc pas l’obligation déontologique d’en faire état. »
Dans le cas du présent dossier, le plaignant souligne à plusieurs reprises que la journaliste aurait dû prendre en compte les demandeurs d’asile en raison des coûts que cela représente pour l’État. Bien que le plaignant ait souhaité que cette question soit abordée, il n’était pas essentiel de le faire étant donné que l’article ne portait pas sur ce sujet, mais plutôt sur le nombre de réfugiés accueillis au Québec et la décision du gouvernement de François Legault de réduire ce nombre.
Grief 3 : refus de rectification
Principe déontologique applicable
Correction des erreurs : « Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. » (article 27.1 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont manqué à leur devoir de rectification.
Décision
Le Conseil rejette le grief de refus de rectification
Analyse
Le Conseil n’ayant constaté aucun manquement déontologique aux deux griefs précédents, le grief de refus de rectification est rejeté.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Jean Archambault contre Isabelle Porter et Le Devoir concernant les griefs de photographie inadéquate, information incomplète et refus de rectification.
Michel Loyer
Président du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Michel Loyer
Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Simon Chabot-Blain
Martin Francoeur
Représentants des entreprises de presse :
Jed Kahane
Marie-Andrée Prévost