Plaignant
Stephane Grenier
Nicolas Jacques
Jean-Michel Tanguay
Mis en cause
Michael Nguyen, journaliste
Le Journal de Montréal
TVA Nouvelles
Résumé de la plainte
Stephane Grenier, Nicolas Jacques et Jean-Michel Tanguay portent plainte le 2 février 2020 contre le journaliste Michael Nguyen, Le Journal de Montréal et TVA Nouvelles concernant l’article « Une cache d’armes trouvée par hasard », publié le 31 janvier dans Le Journal de Montréal et le 1er février 2020 sur le site web de TVA Nouvelles. Les plaignants déplorent du sensationnalisme, des informations incomplètes et une information inexacte (irrecevable).
CONTEXTE
Le journaliste rapporte que, lors d’une perquisition effectuée dans le cadre d’une enquête pour cybercriminalité, les policiers de la Gendarmerie royale du Canada ont découvert des armes à feu dans la résidence de deux frères qui tentaient de les vendre. Les policiers auraient trouvé entre autres six armes à feu de différents calibres, dont une carabine semi-automatique.
Analyse
Grief 1 : sensationnalisme
Principes déontologiques applicables
Sensationnalisme : « Les journalistes et les médias d’information ne déforment pas la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’ils rapportent. » (article 14.1 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Illustrations, manchettes, titres et légendes : « Le choix et le traitement des éléments accompagnant ou habillant une information, tels que les photographies, vidéos, illustrations, manchettes, titres et légendes, doivent refléter l’information à laquelle ces éléments se rattachent. » (article 14.3 du Guide)
1.1 Cache d’armes
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont déformé la réalité en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements rapportés en utilisant les termes « cache d’armes » dans le titre « Une cache d’armes trouvée par hasard ».
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief de sensationnalisme sur ce point, car il juge que les mis en cause n’ont pas contrevenu à l’article 14.1 du Guide.
Analyse
Un plaignant soutient que l’utilisation du terme « cache d’armes » dans le titre de l’article « accentue l’effet perçu de danger et laisse croire qu’un propriétaire légal d’armes à feu possédant plus de six armes à feu est propriétaire d’une cache, alors qu’il est tout à fait légal, en possession d’un permis valide ».
Malgré l’interprétation sensationnaliste qu’en fait le plaignant, le mot « cache » ne signifie pas plus qu’une « cachette », c’est-à-dire « un lieu propre à cacher ou à se cacher », comme l’indique le dictionnaire Larousse. Ainsi, le nombre d’armes qui s’y trouvent n’importe pas et l’expression « cache d’armes » est d’ailleurs couramment utilisée pour désigner un endroit où l’on cache des armes. Dans le cas présent, le plaignant n’apporte pas de preuve comme quoi les deux frères qui ont fait l’objet de la perquisition ne cachaient pas leurs armes; le grief de sensationnalisme est donc rejeté.
Par ailleurs, les décisions antérieures du Conseil indiquent que la fonction d’un titre est d’attirer l’attention du lecteur. Choisir un titre accrocheur n’équivaut pas à se prêter au sensationnalisme. Dans le dossier D2017-02-024, le Conseil a jugé que le média n’avait pas exagéré ni déformé les faits puisque le titre de l’article, « Amateur d’armes et islamophobe », correspondait au contenu du texte qui montrait que l’auteur présumé de la tuerie perpétrée à la mosquée de Québec était un amateur d’armes et qu’il avait manifesté de l’islamophobie. De la même manière dans le cas présent, le titre « Une cache d’armes trouvée par hasard » reflète le contenu de l’article, qui rapporte que les policiers « auraient trouvé des chargeurs, ainsi que six armes à feu de différents calibres, certaines chargées, dont une carabine semi-automatique tirant des cartouches de AK-47 ». Ainsi, rien n’indique que Journal de Montréal et TVA ont interprété abusivement les faits.
1.2 AK-47
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a déformé la réalité en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements rapportés en utilisant les termes « cartouches de AK-47 » dans l’extrait suivant : « Ils y auraient trouvé des chargeurs, ainsi que six armes à feu de différents calibres, certaines chargées, dont une carabine semi-automatique tirant des cartouches de AK-47. »
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief de sensationnalisme sur ce point, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 14.1 du Guide.
Analyse
Les plaignants soutiennent que le journaliste « mentionne l’AK-47 par sensationnalisme en utilisant la méconnaissance des armes des lecteurs et la mauvaise réputation du AK-47 dû à son utilisation dans les conflits modernes ». Un plaignant ajoute que Michael Nguyen met « délibérément l’accent sur un calibre en particulier (7.62×39) qui, oui, est utilisé entre autres par des AK-47, mais aussi par plusieurs autres carabines pour le tir sportif ou la chasse ».
Malgré l’interprétation des plaignants au sujet de l’utilisation du terme AK-47, le journaliste ne déforme pas la réalité, mais il s’en tient plutôt aux faits en décrivant l’arsenal trouvé chez les deux frères. En mentionnant la « carabine semi-automatique tirant des cartouches de AK-47 », le journaliste donne un exemple d’arme connue du public, ce qui fournit un meilleur portrait de la situation aux lecteurs.
Dans le dossier D2017-09-109, le plaignant reprochait l’emploi du terme « motard » dans une partie de l’article. Il estimait que le journaliste avait fait preuve de sensationnalisme, car cette expression sous-entendait, selon lui, qu’il s’agissait de « motards criminels », alors qu’il n’en était rien. Le Conseil a rejeté le grief de sensationnalisme, car il a constaté que le mot motard a « un sens plus large que celui associé aux criminels ». Il a donc jugé que « le journaliste pouvait utiliser le terme motard sans exagérer la portée réelle des faits », tout comme le journaliste pouvait informer le public, dans le cas présent, de la présence d’un AK-47
Grief 2 : informations incomplètes
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 e) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a omis des éléments essentiels à la bonne compréhension du sujet en ne mentionnant pas si les armes étaient enregistrées ou non au Service d’immatriculation des armes à feu du Québec (SIAF) et si les deux frères avaient un permis de possession d’armes à feu (PPA).
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’informations incomplètes.
Analyse
Un plaignant se demande pourquoi le journaliste ne mentionne pas si les armes étaient enregistrées au SIAF et « si ceux qui avaient les armes en leur possession avaient un permis [de possession d’armes à feu] ». Il pose ces questions sans expliquer en quoi ces informations auraient été essentielles à la compréhension du sujet.
Cependant, considérant que l’angle de l’article porte sur la découverte d’une cache d’armes à feu lors d’une perquisition pour cybercriminalité, les informations sur l’enregistrement des armes et la détention potentielle d’un PPA des deux frères ne sont pas essentielles à la compréhension du sujet. L’angle choisi par le journaliste consistait à traiter du fait que les frères ont tenté de vendre les armes et qu’ils font l’objet d’une série d’accusations en lien avec les armes à feu. Les journalistes ne sont pas tenus de couvrir tous les angles d’une nouvelle.
À ce sujet, de nombreuses décisions antérieures du Conseil rappellent que la déontologie n’impose pas aux journalistes d’aborder tous les angles d’une nouvelle, mais plutôt de s’assurer d’en présenter les éléments essentiels à la compréhension des faits par le lecteur. Dans le dossier D2018-07-078, par exemple, le journaliste avait choisi de traiter du mécontentement de commerçants concernant la présence d’itinérants dans ce quartier. Bien que le plaignant aurait souhaité que le journaliste tente de « comprendre l’attitude des Inuits qui sont en état d’ébriété, voire qui utilisent l’alcool comme automédication vis-à-vis [de] leurs traumatismes et qui développent une dépendance », le Conseil a estimé que ces informations n’étaient pas essentielles à la compréhension du reportage puisqu’elles ne s’inscrivaient pas dans l’angle choisi par le journaliste. De la même manière dans le cas présent, Michael Nguyen n’avait pas l’obligation déontologique de préciser si les armes étaient enregistrées et si deux frères détenaient un PPA ou non.
Grief irrecevable : information inexacte
Les plaignants considèrent que le journaliste a produit de l’information inexacte en mentionnant une « une arme semi-automatique [qui tire] des cartouches de AK-47 ». Ils soutiennent que « le AK-47 n’est pas un calibre ». Cependant, le journaliste n’a pas écrit que le AK-47 est un calibre. Le Conseil a jugé ce grief irrecevable puisqu’il ne vise pas un manquement significatif, considérant que les propos visés par les plaignants ne sont pas écrits dans le texte. (article 13.1 du Règlement No 2)
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal et de TVA Nouvelles, qui ne sont pas membres du Conseil de presse, et qui n’ont pas répondu à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette les plaintes Stephane Grenier, Nicolas Jacques et de Jean-Michel Tanguay contre Michael Nguyen, Le Journal de Montréal et TVA Nouvelles concernant les griefs de sensationnalisme et d’informations incomplètes. Le grief d’information inexacte n’est pas recevable.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentante du public :
Ericka Alneus, présidente du comité des plaintes
Représentantes des journalistes :
Lisa-Marie Gervais
Marie-Josée Paquette-Comeau
Représentants des entreprises de presse :
Jed Kahane
Marie-Andrée Prévost