Plaignant
Missila Izza
Mis en cause
Gérald Fillion, animateur
Émission « Zone économie »
ICI RDI
Radio-Canada
Résumé de la plainte
Missila Izza dépose une plainte le 28 avril 2021 au sujet de l’émission « Zone économie » animée par Gérald Fillion et diffusée sur ICI RDI le 26 avril 2021. La plaignante déplore un manque d’équilibre et de l’information incomplète.
CONTEXTE
La plainte vise un segment de l’émission « Zone économie » appelé le « C.A. ». Cette émission, diffusée du lundi au vendredi, de 18 h à 19 h, est animée par le journaliste Gérald Fillion. Le « C.A. » présente le point de vue de commentateurs réguliers, qui reviennent en rotation du lundi au jeudi. Il dure en moyenne neuf minutes et il traite de divers sujets d’actualité économique.
Le 26 avril 2021, le Syndicat des débardeurs du Port de Montréal déclenche une grève générale illimitée. Les syndiqués veulent une amélioration des horaires de travail et du salaire en dehors des plages horaires de jour en semaine. Ce débrayage pourrait être interrompu par le dépôt à Ottawa d’un projet de loi spéciale pour mettre fin à la grève.
Le jour du déclenchement de la grève au Port de Montréal, les commentatrices présentes au « C.A. » sont Christiane Bergevin, conseillère spéciale, énergie, services publics et développement durable, et Claire Bolduc, préfète de la MRC de Témiscamingue. Gérald Fillion leur demande si elles sont pour ou contre une loi spéciale pour mettre fin au conflit de travail.
Analyse
GRIEFS DE LA PLAIGNANTE
Grief 1 : manque d’équilibre
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : d) équilibre : dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération du point de vue des parties en présence ». (article 9 d) du Guide de déontologie journalistique du Québec)
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de manque d’équilibre.
Analyse
La plaignante déplore l’absence du point de vue des « grévistes ou […] d’opposants à l’utilisation de lois spéciales dans le cadre de conflits de travail ». Elle considère que « le segment de l’émission consacré à se demander si une loi spéciale est souhaitable présente les deux positions suivantes : pour et pour. »
Radio-Canada réplique que « le segment […] intitulé “C.A.” de l’émission “Zone économie” n’a pas pour but de présenter des invités incarnant d’un côté un point de vue favorable, et de l’autre, un point de vue défavorable, à propos d’une problématique donnée. Il s’agit plutôt d’avoir sur le plateau deux personnes qui vont avoir une discussion sur un même sujet. Il se peut fort bien qu’elles soient toutes deux d’accord. »
Les commentatrices présentes lors de l’émission mise en cause sont toutes deux en faveur de l’utilisation d’une loi spéciale pour résoudre le conflit de travail au Port de Montréal. Le visionnement d’autres « C.A. » de l’émission « Zone économie » regroupant ces mêmes commentatrices permet de constater que leurs opinions se ressemblent ou divergent selon le sujet abordé.
Après que Christiane Bergevin et Claire Bolduc eurent exprimé leur point de vue favorable à une loi spéciale, Gérald Fillion, le journaliste visé par la plainte, poursuit en demandant : « Est-ce que les travailleurs ont perdu leur rapport de force? Comment peut-on négocier avec un médiateur ou un conciliateur […] quand il y a une loi spéciale qui va tomber? »
Les mis en cause n’ont pas manqué d’équilibre dans le segment « C.A. » en donnant la parole à ces deux commentatrices sur un sujet spécifique qui était la loi spéciale pour faire cesser le conflit au Port de Montréal. La nature de ce segment d’émission veut que des collaborateurs réguliers viennent chaque jour, en équipe de deux, commenter un sujet d’actualité. Ces personnes ne sont pas invitées en fonction de leur opinion sur le sujet traité, mais en fonction de leur expertise pour commenter l’actualité économique. Mmes Bergevin et Bolduc ne représentent pas des parties en présence dans le conflit au Port du Montréal, mais bien des analystes qui apportent un regard extérieur.
En ce qui concerne les parties en présence dans le conflit, le point de vue des grévistes est présenté le lendemain, dans l’émission du 27 avril 2021, alors que Gérald Fillion reçoit le directeur québécois du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), Marc Ranger, qui représente le Syndicat des débardeurs du Port de Montréal.
Dans le dossier D2020-09-128, le grief de manque d’équilibre a été rejeté, car « l’obligation déontologique d’équilibre peut être remplie sur une certaine période de temps et d’espace et il ne se mesure pas au nombre de mots ou de lignes accordées à un point de vue ni à un emplacement spécifique. L’essentiel est de présenter au public les différentes perspectives sur un sujet, s’il y en a, de façon pondérée, afin qu’il puisse en tirer ses propres conclusions. »
Dans le cas présent, le principe d’équilibre est respecté dans le traitement du sujet, étant donné que le point de vue des défenseurs de la loi spéciale et celui de ses détracteurs ont été présentés à l’émission « Zone économie », à un jour d’intervalle.
Grief 2 : information incomplète
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 e) du Guide)
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’information incomplète.
Analyse
La plaignante estime que le rapport de force qui règne dans le cadre du conflit de travail au Port de Montréal n’est pas expliqué. Elle mentionne que lorsque « Gérald Fillion rappelle que la grève “est un droit pour les travailleurs” et demande “comment on peut négocier avec un médiateur ou un conciliateur dans les circonstances [d’une loi spéciale]?” », les éléments de réponse demeurent “abstraits” ».
Dans le segment appelé le « C.A. », la question posée aux commentatrices est : « Pour ou contre une loi spéciale pour que le conflit cesse au Port de Montréal? ». L’objectif est de susciter une discussion entre elles sur un sujet d’actualité. Comme le rappelle le principe de complétude, l’angle et le format de l’émission relèvent de la liberté éditoriale du média. Le journaliste, selon l’angle choisi, n’avait pas l’obligation déontologique de traiter le sujet de façon exhaustive.
Les décisions antérieures du Conseil rappellent que « les journalistes n’ont pas l’obligation déontologique de diffuser toutes les informations liées au sujet d’un article ou d’un reportage, ce qui serait d’ailleurs impossible dans un espace ou un temps limité. » Dans le dossier D2020-05-077 par exemple, le grief d’information incomplète a été rejeté, car la plaignante ne précisait pas en quoi les informations qu’elle jugeait manquantes auraient été essentielles à la compréhension de l’article. De la même manière, dans le cas présent, bien que la plaignante a « l’impression d’être sévèrement mal informée quant à la grève du port de Montréal » et qu’elle aurait souhaité que le rapport de force qui règne dans le cadre de ce conflit de travail soit mieux expliqué, elle n’indique pas en quoi l’explication qu’elle aurait souhaitée au sujet des forces en présence était essentielle à la compréhension du sujet.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Missila Izza contre le segment « C.A. » de l’émission « Zone économie » animée par Gérald Fillion diffusée sur ICI RDI le 26 avril 2021 concernant les griefs de manque d’équilibre et d’information incomplète.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Suzanne Legault, présidente du comité des plaintes
François Aird
Représentantes des journalistes :
Lisa-Marie Gervais
Mélissa Guillemette
Représentants des entreprises de presse :
Jeanne Dompierre
Stéphan Frappier