D2021-05-091 (2)

Décision d’appel

Appelant

Clément Fontaine

Intimé

Le journal Le Quotidien

Date de dépôt de l’appel

Le 2 mars 2023

Date de la décision de la commission d’appel

Le 25 avril 2023

Rôle de la commission d’appel

Lors de la révision d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.

Contexte

Clément Fontaine a déposé une plainte contre Le Quotidien, journal publié dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, concernant des modifications apportées par la rédaction à sa lettre d’opinion, publiée le 6 mai 2021, et l’absence de correctif. Il déplorait que le média ait changé le titre de sa lettre et modifié le mode d’un verbe dans le corps du texte.

Le comité des plaintes a rejeté sa plainte estimant que la modification du titre et du verbe n’avait pas trahi la pensée de l’auteur ni nui à la compréhension de son texte. M. Fontaine ne fait appel que d’un des deux sous-griefs de modification injustifiée à une contribution du public visant le mode du verbe. 

Motif de l’appelant

L’appelant conteste la décision de première instance relativement au grief de modification injustifiée à une contribution du public. 

Grief 1 : Modification injustifiée à une contribution du public

Principe déontologique applicable

Contributions du public : « (2) Les médias d’information peuvent apporter des modifications aux contributions du public, mais veillent, ce faisant, à ne pas en changer le sens ou à trahir la pensée des auteurs. » (article 16 (2) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)

Les membres de la commission d’appel doivent déterminer si l’appelant apporte des éléments qui démontrent que la première instance, qui a rejeté le grief de modification injustifiée à une contribution du public du plaignant, a mal appliqué le principe déontologique qui s’y rattache. 

Décision

Les membres de la commission d’appel estiment que l’article 16 (2) du Guide n’a pas été appliqué correctement en première instance.

La commission d’appel infirme la décision de première instance et retient le grief de modification injustifiée à une contribution du public. Cependant, étant donné que le journal a effectué le correctif adéquat, la commission d’appel l’absout et le journal ne reçoit aucun blâme. 

Analyse

L’appelant déplore : « Le Conseil de presse reconnaît que l’emploi du verbe devoir au conditionnel plutôt qu’à l’indicatif peut changer le sens de la phrase, mais il soutient “que le média n’a pas pour autant trahi la pensée de l’auteur ni nui à la compréhension de son texte”. 

La phrase visée de sa lettre d’opinion est la suivante : « Même si cette dépense considérable ne devrait pas se refléter directement dans les tarifs d’Hydro-Québec, comme le redoutent les Verts, elle sera assumée d’une façon ou d’une autre par l’ensemble des contribuables québécois ».

M. Fontaine explique que l’affirmation du comité de première instance « semble fausse pour deux raisons » :

Premièrement, « […] l’emploi du verbe devoir à l’indicatif, dans la version originale de mon texte exprime une éventualité, alors que le conditionnel, que lui a substitué Le Quotidien, exprime une forte probabilité (en l’occurrence que les tarifs n’augmenteront pas de manière importante), ce qui va manifestement à l’encontre de ma conviction en se basant sur la teneur générale de mon texte portant sur les enjeux énergétiques du Québec. »
Deuxièmement, « après les conjonctions « si » et « même si » le bon usage grammatical requiert le mode indicatif dans la proposition, non pas le conditionnel. »

Les intimés n’ont pas souhaité faire d’observations sur l’appel.

Le comité des plaintes a, avec raison, convenu que le conditionnel du verbe « devrait » pouvait changer le sens de la phrase, mais a considéré la lettre d’opinion dans son ensemble plutôt que de se pencher uniquement sur la phrase visée, comme il l’explique dans sa décision : « Bien que (…) conjuguer le verbe “devoir” au mode conditionnel plutôt qu’à l’indicatif peut changer le sens de la phrase, le média n’a pas pour autant trahi la pensée de l’auteur ni nui à la compréhension de son texte ». Le Conseil a donc jugé, en première instance, que le journal n’avait pas contrevenu à l’article 16.2 du Guide puisque le média n’a pas contribué à « changer le sens ou à trahir la pensée des auteurs ».

Cependant, l’article 16 (2) a été appliqué de façon trop large en première instance. Il ne suffit pas de constater le sens de la lettre dans son ensemble, il faut étudier précisément le passage visé par le plaignant. Car si le sens général de la lettre signée par Clément Fontaine n’a effectivement pas été altéré par la modification du mode du verbe, le sens de la phrase visée a, lui, bel et bien été modifié.

Ainsi, en remplaçant le mot « devait » par « devrait », le média a changé le sens que voulait donner l’auteur à cette phrase. Au lieu d’émettre une hypothèse, tel que l’a fait M. Fontaine dans sa phrase originale, ce dernier avance plutôt une prédiction dans la version remaniée par le média. Toutefois, le média a rapidement restitué ce verbe dans son mode original, comme l’a bien constaté le comité des plaintes. Pour ces raisons, la commission d’appel n’adresse pas de blâme et absout le média. 

Conclusion

Après examen, les membres de la commission d’appel concluent à l’unanimité d’infirmer la décision rendue en première instance. Elle retient le grief de modification injustifiée à une contribution du public. Cependant, étant donné que le média a corrigé son erreur et que la modification du mode du verbe n’a pas changé le sens de la lettre d’opinion, le média est absous et ne reçoit donc pas de blâme.

Par conséquent, conformément aux règles de procédure, le dossier est clos.

Le Conseil de presse du Québec rappelle que les décisions de la commission d’appel sont finales. L’article 31.02 s’applique aux décisions de la commission d’appel : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)

La composition de la commission d’appel lors de la prise de décision :

Représentant du public

Jacques Gauthier, président de la commission d’appel

Représentant des journalistes

Vincent Larouche

Représentant des entreprises de presse

Renel Bouchard

Décision de première instance

Plaignant

Clément Fontaine

Mis en cause

Le journal Le Quotidien

Date de dépôt de la plainte

Le 10 mai 2021

Date de la décision

Le 27 janvier 2023

Résumé de la plainte 

Clément Fontaine dépose une plainte le 10 mai 2021 contre Le Quotidien, journal publié dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, concernant des modifications apportées par la rédaction à sa lettre d’opinion publiée le 6 mai 2021. Le plaignant déplore des modifications injustifiées à une contribution du public et l’absence de correctif. 

Contexte

Le 6 mai 2021, Le Quotidien publie, dans la section « Carrefour des lecteurs », une lettre d’opinion signée par un lecteur, Clément Fontaine, le plaignant dans le présent dossier. M. Fontaine s’exprime au sujet du débat entourant le projet de construction d’un complexe de liquéfaction de gaz naturel de l’entreprise GNL Québec à Saguenay, qui a reçu un avis défavorable de la part du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) dans un rapport rendu public en mars 2021.

Dans son texte, M. Fontaine réagit également à une lettre d’opinion du président de l’Association de l’énergie du Québec (AEQ), Éric Tétrault, intitulée « La campagne irresponsable des opposants à GNL Québec », publiée dans le même quotidien le 3 mai 2021.

Griefs du plaignant

Grief 1 : modifications injustifiées à une contribution du public

Principe déontologique applicable

Contributions du public : « (2) Les médias d’information peuvent apporter des modifications aux contributions du public, mais veillent, ce faisant, à ne pas en changer le sens ou à trahir la pensée des auteurs. » (article 16 (2) du Guide de déontologie journalistique du Québec)

1.1 Modification du titre

Le Conseil doit déterminer si le journal a changé le sens ou trahi la pensée de Clément Fontaine en modifiant le titre qu’il avait proposé.

Décision

Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de modification injustifiée du titre dans une contribution du public.

Analyse

Le plaignant déplore que la direction du journal ait choisi comme titre un passage de la dernière phrase de son texte plutôt que le titre qu’il avait lui-même proposé, à savoir « L’association de l’énergie du Québec : au service de l’industrie des hydrocarbures ». 

Ce titre « a été jugé trop long selon nos standards, et remplacé par “GNL : le Québec peut se permettre de faire mieux” (moins de 50 caractères incluant les espaces) », explique le directeur général et rédacteur en chef du journal Le Quotidien, Marc St-Hilaire. « Il s’agit d’une décision d’éditeur, qui n’altère en rien la position de M. Fontaine. »

En modifiant le titre proposé par M. Fontaine par un titre plus court reflétant la conclusion de son texte, le média n’a pas trahi la pensée de l’auteur. Le choix du titre relève de la prérogative du média, tant qu’il ne change pas le sens de la lettre d’opinion.

Comme l’explique le Conseil dans la décision D2018-04-052, le choix du titre « relève de la liberté éditoriale du média », pourvu qu’il reflète le contenu du texte. Dans ce dossier, le grief de titre inexact avait été rejeté, le Conseil soulignant que le titre « reflète le sujet de l’entrevue réalisée […] puisque ces termes y sont abordés. »

De la même façon dans le cas présent, le titre choisi par le média reflétait la lettre de l’auteur puisque l’objet du titre provenait directement de son texte. 

1.2 Modification du temps d’un verbe

Le Conseil doit déterminer si le journal a changé le sens ou trahi la pensée de M. Fontaine en modifiant le temps du verbe « devoir » dans une phrase de la lettre d’opinion signée par ce dernier.

Décision

Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de modification injustifiée du temps d’un verbe dans une contribution du public.

Analyse

Le plaignant déplore que le média ait remplacé le mot « devait » par « devrait » dans la phrase suivante : « Même si cette dépense considérable ne devait pas se refléter directement dans les tarifs d’Hydro-Québec, comme le redoutent les Verts, elle sera assumée d’une façon ou d’une autre par l’ensemble des contribuables québécois ». Selon lui, cette modification « va à l’encontre de [son] opinion en laissant entendre qu[’il] ne croit pas réellement que les tarifs d’Hydro-Québec pourraient augmenter à cause de la réalisation du projet de GNL Québec ou encore qu[’il] [est] contre cette éventuelle augmentation des tarifs. »

Le directeur général et rédacteur en chef du Quotidien, Marc St-Hilaire, assure que cette « correction [a été] faite par [leurs] pupitreurs, sans malice ni intention malveillante. » Il ajoute : « Nous recevons des dizaines de lettres d’opinion chaque semaine. Chacune doit être lue, relue et corrigée par notre équipe, dans un souci d’offrir à notre lectorat des textes de qualité. Bien que nous ne croyions pas que ce changement ait eu pour effet d’altérer le sens des propos de M. Fontaine, nous avons effectué une correction sur nos plateformes numériques [mais] nous n’avons pas acquiescé à sa demande d’erratum dans nos pages. »

Bien que la modification du temps de verbe n’était pas nécessaire et que conjuguer le verbe « devoir » au mode conditionnel plutôt qu’à l’indicatif peut changer le sens de la phrase, le média n’a pas pour autant trahi la pensée de l’auteur ni nui à la compréhension de son texte. Cette modification grammaticale ne constitue pas un manquement déontologique dans le contexte où l’essentiel du message de l’auteur, estimant que la « dépense considérable [occasionnée par les investissements requis pour la réalisation du projet de GNL Québec] sera assumée d’une façon ou d’une autre par l’ensemble des contribuables québécois », n’est pas altéré. 

Grief 2 : absence de correctif 

Principe déontologique applicable

Correction des erreurs : « Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. » (article 27.1 du Guide)

Décision

Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’absence de correctif.

Analyse

Le Conseil n’ayant constaté aucun manquement déontologique au grief précédent, le média n’avait pas à publier de correctif. 

Conclusion

Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Clément Fontaine contre le journal Le Quotidien concernant des modifications injustifiées à une contribution du public, intitulée « GNL : Le Québec peut se permettre de faire mieux », publiée le 6 mai 2021, et l’absence de correctif. 

La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :

Représentants du public

François Aird, président du comité des plaintes

Mathieu Montégiani

Représentants des journalistes

Simon Chabot-Blain

Lisa-Marie Gervais

Représentants des entreprises de presse

Marie-Andrée Chouinard

Jean-Philippe Pineault