D2021-10-186 (2)

Décision d’appel

Appelants

Suzanne Colpron, journaliste

Le quotidien La Presse

Intimé

Paul Laperrière

Date de dépôt de l’appel

Le 9 juin 2023

Date de la décision de la commission d’appel

Le 20 novembre 2023

Rôle de la commission d’appel

Lors de la révision d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.

Contexte

En première instance, le plaignant, Paul Laperrière, déplorait des informations inexactes dans un article de Suzanne Colpron intitulé « Petit village, grosse chicane », publié dans La Presse le 27 septembre 2021. La Presse fait appel de la décision relativement à un sous-grief d’information inexacte, le seul qui a été retenu en première instance parmi les quatre sous-griefs d’information inexacte avancés par le plaignant. 

L’article en question fait état d’un conflit qui oppose la Ville de Val-David à la promotrice Diane Beaudry, qui avait acquis en 2014 l’ancien hôtel La Sapinière dans le but d’y construire un centre de villégiature. Le projet de Mme Beaudry est d’abord bien accueilli par la Municipalité et même appuyé financièrement par Québec. Mais en janvier 2020, la Ville de Val-David envisage de construire une nouvelle école sur une partie du terrain et impose une réserve foncière sur presque toute la propriété, y prohibant toute construction jusqu’à nouvel ordre. Un an plus tard, la Ville émet un avis d’expropriation visant une partie du terrain correspondant à environ 14 % de la propriété.

Le domaine de Mme Beaudry se dresse sur le bord d’un lac artificiel et d’un barrage, qui lui appartiennent. Au printemps 2021, le lac est resté vide pour la première fois depuis sa création dans les années 1930.

À ce sujet, la journaliste a écrit : « La décision de Val-David de bloquer un projet de centre de villégiature pour construire une école a des conséquences en cascade pour le village des Laurentides : un lac quasi centenaire asséché et des millions en poursuites. »

Le comité des plaintes a estimé que la journaliste et La Presse ont fait preuve d’inexactitude dans ce passage. 

Motif de l’appelant

L’appelant conteste la décision de première instance relativement à un sous-grief d’information inexacte. 

Grief 1 : information inexacte

Principe déontologique applicable

Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)

Les membres de la commission d’appel doivent déterminer si l’appelant apporte des éléments qui démontrent que le comité des plaintes, qui a retenu le sous-grief d’information inexacte du plaignant, a mal appliqué le principe déontologique qui s’y rattache. 

Décision

Les membres de la commission d’appel estiment que l’article 9 a) du Guide a été appliqué correctement en première instance.

La commission d’appel maintient la décision rendue par le comité des plaintes.

Analyse

Le passage visé par la plainte est le premier paragraphe – aussi appelé le lead – de l’article : 

« La décision de Val-David de bloquer un projet de centre de villégiature pour construire une école a des conséquences en cascade pour le village des Laurentides : un lac quasi centenaire asséché et des millions en poursuites. »

En première instance, le plaignant soutient qu’il est « faux de dire que le lac a été asséché parce que la Municipalité a bloqué le projet de centre de villégiature ». Il affirme que « l’entretien du barrage n’a pas été fait depuis plusieurs années par les propriétaires. L’état du barrage s’est dégradé. » Il ajoute que « le ministère [de l’Environnement] a demandé [aux propriétaires] qu’un ingénieur vienne vérifier l’état du barrage avant de remettre en place les poutres qui font monter l’eau durant l’été. Suite à cette missive du ministère, les propriétaires ont décidé de ne pas réparer le barrage et l’ont laissé ouvert. Le lac s’est asséché. »

Dans sa décision de première instance, le Conseil affirme que, dans le passage visé, la journaliste fait un lien de causalité entre « la décision de la Municipalité de Val-David de bloquer le projet de villégiature » et l’assèchement du lac. Plus loin, il conclut : 

« Or, la réserve foncière sur la propriété de Mme Beaudry a été imposée en 2020. L’état du barrage étant problématique au moins depuis 2017, il est inexact de conclure que  “la décision de Val-David de bloquer un projet de villégiature” a eu comme conséquence, notamment, l’assèchement du lac en 2021. »

Dans son appel, La Presse soutient que : « D’une part, le passage du texte établit bel et bien l’existence d’un lien entre la décision de la Municipalité de Val-David de bloquer le projet de villégiature et l’assèchement du lac, mais pas un lien de causalité, comme l’a déterminé le Conseil. En d’autres termes, la journaliste n’a pas écrit ou laissé entendre que la décision de bloquer le projet de villégiature était la cause immédiate et directe de l’assèchement du lac. Le plaignant ne reproche d’ailleurs pas à la journaliste d’avoir indiqué qu’il y avait un lien de causalité, mais soutient plutôt qu’il “est faux de dire qu’il y a un lien entre le fait de dire que le lac a été asséché parce que la Municipalité a bloqué le projet de villégiature”. » (soulignements de La Presse)

« Ainsi, à notre avis, le Conseil a jugé au-delà de la plainte dont il était saisi en reprochant à la journaliste d’avoir établi un lien de causalité alors que le plaignant lui reprochait tout simplement d’avoir fait “un lien” », conclut La Presse.

Dans sa réplique à La Presse, l’intimé Paul Laperrière indique de son côté : « Je continue à dire qu’il n’y a pas de lien direct entre l’expropriation partielle (15 %) du terrain de Mme Beaudry et l’assèchement du lac. Il n’y a pas eu d’entretien du lac depuis 2014, bien avant la réserve. […]  L’entretien de la propriété n’a pas été fait, ce qui a amené l’inspecteur à obliger les propriétaires à faire les réparations s’ils voulaient garder le lac. »

Dans le premier paragraphe de son reportage, la journaliste soutient que l’assèchement du lac est une « conséquence » des décisions de la Ville concernant le terrain de la promotrice, une affirmation qui n’est pas soutenue par les faits. En effet, la seule cause connue de l’assèchement du lac est le fait que les propriétaires ont reçu l’ordre du ministère de l’Environnement de ne pas fermer le barrage sur le ruisseau Doncaster en raison de son mauvais état et du risque d’inondation. Le barrage demeurant ouvert, le lac artificiel ne s’est donc pas rempli. La mairesse de Val-David, Kathy Poulin, a rendu publique cette information lors de la séance du conseil municipal du 13 juillet 2021, séance qui a été enregistrée et sur laquelle s’est appuyé le comité des plaintes en première instance.

Affirmer que l’assèchement du lac est une « conséquence » des actions de la Ville tient de la spéculation puisque l’entretien du barrage était défaillant bien avant l’imposition de la réserve foncière de la Ville. Bien que la journaliste ait apporté des détails sur les différents enjeux qui se rapportent au domaine de La Sapinière, il n’en demeure pas moins qu’il était inexact de présenter l’assèchement du lac comme une « conséquence en cascade » de « la décision de la Val-David de bloquer un projet de villégiature ».

Au sujet de l’argument de l’appelant selon lequel le comité de plaintes est allé « au-delà de la plainte » en parlant de « lien de causalité », il n’en est rien. Dans sa plainte initiale, lorsque le plaignant parle de « lien », il pointe spécifiquement la phrase du texte qui parle de « conséquences », ce qu’il confirme d’ailleurs dans ses commentaires à l’appelant en parlant de « lien direct ». Le mot « conséquence » utilisé par la journaliste dans le passage pointé par le plaignant implique un lien de cause à effet et le comité des plaintes avait toute la légitimité de donner raison au plaignant en concluant un lien de causalité erroné entre « la décision de la Municipalité de Val-David de bloquer le projet de villégiature » et l’assèchement du lac.

Conclusion

Après examen, les membres de la commission d’appel concluent à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.

Par conséquent, conformément aux règles de procédure, le dossier est clos.

Le Conseil de presse du Québec rappelle que les décisions de la commission d’appel sont finales. L’article 31.02 s’applique aux décisions de la commission d’appel : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02) 

La composition de la commission d’appel lors de la prise de décision :

Représentant du public

Jacques Gauthier, président de la commission d’appel

Représentante des journalistes

Madeleine Roy

Représentant des entreprises de presse

Renel Bouchard

Décision de première instance

Plaignant

Paul Laperrière

Mis en cause

Suzanne Colpron, journaliste

Le quotidien La Presse

Date de dépôt de la plainte

Le 25 octobre 2021

Date de la décision

Le 31 mars 2023

Résumé de la plainte 

Paul Laperrière dépose une plainte le 25 octobre 2021 au sujet de l’article « Petit village, grosse chicane » de la journaliste Suzanne Colpron publié sur le site Internet de La Presse, le 27 septembre 2021. Le plaignant déplore quatre griefs d’information inexacte.

Contexte

L’article en cause fait état d’un conflit qui oppose la Ville de Val-David à la promotrice Diane Beaudry. Cette dernière a acquis en 2014 l’ancien hôtel La Sapinière – un établissement de valeur historique situé sur un terrain de plus de 350 000 m2 – dans le but d’y construire un centre de villégiature. 

Le projet de Mme Beaudry était d’abord bien accueilli par la Municipalité ainsi que par le gouvernement du Québec qui a annoncé en 2018 qu’il lui octroierait un appui financier. Toutefois, en janvier 2020, la propriétaire a été informée par huissier que sa propriété faisait l’objet d’une réserve foncière, lui interdisant tout travail de construction jusqu’à nouvel ordre. À l’automne 2020, la propriétaire a reçu un avis d’expropriation sur une partie des quelque 47 000 m2 de son terrain. La Ville a choisi cet endroit pour construire une nouvelle école.

On apprend dans l’article que Mme Beaudry estime que la construction d’une école nuit à son projet de villégiature. Ne croyant plus qu’il est réalisable, elle dépose, en juillet 2021 au Tribunal administratif du Québec, une demande d’expropriation pour l’ensemble du domaine et réclame à la Ville de Val-David 5,4 millions en dommages.

Le domaine se dresse sur le bord d’un lac artificiel dont Mme Beaudry est propriétaire, ainsi que du barrage qui retient l’eau. Par ailleurs, d’autres propriétés jouxtent le lac. Au printemps 2021, le lac est resté vide pour la première fois de son histoire. En juillet 2021, les propriétaires riverains ont déposé une pétition à la Ville lui demandant d’acquérir le barrage.

Griefs du plaignant

Grief 1 : informations inexactes

Principe déontologique applicable

Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité.  » (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)

1.1 Arrêt du projet

Le Conseil doit déterminer si la journaliste rapporte une information inexacte dans le passage suivant : « Mais le matin du 21 janvier 2020, alors que les travaux étaient sur le point de débuter, dit-elle, le projet s’est arrêté net. »

Décision

Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’information inexacte sur ce point, car il juge que la journaliste n’a pas contrevenu à l’article 9 a) du Guide.

Analyse

Le plaignant estime que contrairement à l’information transmise dans le passage visé, les travaux sur la propriété de Diane Beaudry n’étaient pas « sur le point de commencer » le 21 janvier 2021 puisque, selon lui, la promotrice n’avait pas de permis de construction valide à cette date. 

Selon les mis en cause, la journaliste « n’affirme aucunement que les travaux étaient sur le point de débuter. Par l’utilisation de l’expression “dit-elle”, elle indique clairement au lecteur qu’il s’agit des propos de Mme Beaudry. »

Les mis en cause affirment qu’« il se peut qu’un lecteur soit en désaccord avec le point de vue ou la perception exprimé par certains des intervenants cités dans le texte, mais cela ne peut constituer un motif de plainte ».

L’expression « sur le point de commencer » est effectivement un passage paraphrasé attribué à Diane Beaudry, qui exprime sa perception de la situation et du laps de temps qu’il reste avant le début des travaux.

Dans cette expression, le temps est une notion subjective exprimée par la promotrice qui travaille sur son projet depuis plusieurs années. Qu’elle ait eu ou non en sa possession des permis de construction valides le 21 janvier 2021, il est possible que de sa perspective, le début des travaux était imminent, relativement à toutes les années de préparation et d’attente qu’elle a connues. Il s’agit de son point de vue. Puisque la journaliste expose la perspective de la promotrice et qu’il s’agit d’une question d’opinion sur une notion de temps, on ne peut affirmer que l’information rapportée est inexacte. 

Il peut arriver qu’on n’ait pas la même lecture des événements qu’une autre personne, mais cela ne rend pas nécessairement les propos de cette personne inexacts. Par exemple, dans la décision D2018-04-037, la plaignante estimait qu’il était inexact d’affirmer qu’il y avait une surcharge de travail dans l’unité d’un centre de réadaptation. Le Conseil a rejeté la plainte puisque la « surcharge » dont faisait état l’employée était une notion subjective. Selon le Conseil, cette dernière témoignait de son point de vue, comme Mme Beaudry l’a fait dans le passage mis en cause dans le cas présent.

Parce que le passage visé par la plainte exprime une notion de temps subjective, que la journaliste expose la perspective de la promotrice en rapportant ses propos et que le plaignant n’apporte pas de preuve que les travaux n’étaient pas sur le point de débuter, le Conseil rejette le grief d’information inexacte.

1.2 Projet accepté

Le Conseil doit déterminer si la journaliste rapporte une information inexacte dans le passage suivant : « “Ben voyons donc! Le projet était accepté”. »

Décision

Le Conseil rejette le grief d’information inexacte sur ce point, car il juge que la journaliste n’a pas contrevenu à l’article 9 a) du Guide

Analyse 

Comme au grief 1.1, le plaignant vise les propos de Mme Beaudry, mais cette fois dans une citation directe : « Ben voyons donc ! Le projet était accepté. » M. Laperrière affirme que Mme Beaudry n’avait pas de permis de construction valide de la Municipalité; conséquemment, il est faux de dire que le projet était accepté.

Il estime que, même s’il s’agit d’une citation, la journaliste « aurait dû demander “Accepté par qui?” au lieu de laisser planer le doute. Elle a un devoir de vérifier les faits et donner au lecteur une compréhension plus juste du conflit. »

Les mis en cause affirment qu’il s’agit de « la perception des faits de Mme Beaudry. Encore une fois, cette perception s’avérait crédible eu égard à l’annonce de la ministre du Tourisme, à l’appui financier de trois organismes subventionnaires et aux nombreuses déclarations de l’administration municipale. »

Encore une fois, dans le passage visé par la plainte, la journaliste rapporte le point de vue de Mme Beaudry qui exprime son étonnement quant au cours des événements. Il s’agit de son interprétation des faits. En disant que son projet était accepté, elle pouvait faire référence à l’annonce du gouvernement du Québec qui s’engageait en 2018 à investir plus de 4 millions de dollars dans l’implantation de son centre de bien-être ou à celle de la Municipalité, qui déclarait, à la même époque, appuyer « avec fierté le magnifique projet de Mme Diane Beaudry. » 

1.3 Lac asséché

Le Conseil doit déterminer si la journaliste transmet une information inexacte dans le passage suivant : « La décision de Val-David de bloquer un projet de centre de villégiature pour construire une école a des conséquences en cascade pour le village des Laurentides : un lac quasi centenaire asséché et des millions en poursuites. »

Décision

Le Conseil retient le grief d’information inexacte sur ce point, car il juge que la journaliste a contrevenu à l’article 9 a) du Guide.

Analyse

Le plaignant soutient qu’il est « faux de dire que le lac a été asséché parce que la Municipalité a bloqué le projet de centre de villégiature. » Il affirme que « l’entretien du barrage n’a pas été fait depuis plusieurs années par les propriétaires. L’état du barrage s’est dégradé. » Il ajoute que « le ministère a demandé [aux propriétaires] qu’un ingénieur vienne vérifier l’état du barrage avant de remettre en place les poutres qui font monter l’eau durant l’été. Suite à cette missive du ministère, les propriétaires ont décidé de ne pas réparer le barrage et l’ont laissé ouvert. Le lac s’est asséché. »

Les mis en cause soulignent qu’« il ressort du texte que le barrage appartient à Mme Beaudry et que celle-ci a choisi de ne pas l’installer et de ne pas l’entretenir, car il ne lui rapporte rien dans un contexte où la Municipalité a exproprié une partie de son terrain mettant, selon elle, en péril son projet de centre de villégiature ».

En écrivant d’entrée de jeu, « La décision de Val-David de bloquer un projet de centre de villégiature pour construire une école a des conséquences en cascade pour le village des Laurentides : un lac quasi centenaire asséché et des millions en poursuites »,  la journaliste fait un lien de causalité entre « la décision de la Municipalité de Val-David de bloquer le projet de villégiature » et l’assèchement du lac.

Or, nulle part dans le texte, Mme Beaudry – ou tout autre intervenant – ne dit qu’elle a décidé de ne pas remplir le lac en 2021 parce que la Municipalité a exproprié une partie de son terrain et que son projet de centre de villégiature serait en péril. 

Dans l’article, on peut lire l’explication donnée par le conjoint de Mme Beaudry : « Le ministère de l’Environnement nous a envoyé une lettre disant : “Ne mettez pas d’eau dans le lac tant qu’un ingénieur n’est pas venu voir.” Moi, j’écoute. Je ne mets pas d’eau, c’est tout. »

L’entretien du barrage avait été négligé depuis des années, tel qu’on peut le lire sur le site de l’Association des riverains du lac La Sapinière. Un mémoire daté du 5 février 2021, intitulé La protection du Lac La Sapinière : un enjeu essentiel, fait état du mauvais entretien du barrage qui perdure depuis plusieurs années. En voici un extrait : « L’étude d’évaluation de la sécurité du barrage qui devait être réalisée par la propriétaire en 2017 n’a pas encore été faite. Selon M. Vincent Duchesne, qui est chargé de surveiller le barrage pour le ministère de l’Environnement, le barrage est problématique depuis plusieurs années et doit être refait. »

Par ailleurs, lors de la séance du conseil municipal de Val-David du 13 juillet 2021, après le dépôt de la pétition « Sauvons le lac La Sapinière », la mairesse, Kathy Poulin, a expliqué : « Ce qu’on a eu comme réponse [du ministère de l’Environnement] c’est que comme il n’y a pas eu d’analyse de sécurité du barrage qui a été faite par les propriétaires, le ministère ne peut pas autoriser de remplir le lac parce qu’il y a un risque d’inondation. Le ministère de l’Environnement demande que l’évaluation du barrage et les réparations nécessaires pour la réfection du barrage soient faites. » 

Or, la réserve foncière sur la propriété de Mme Beaudry a été imposée en 2020. L’état du barrage étant problématique au moins depuis 2017, il est inexact de conclure que  « la décision de Val-David de bloquer un projet de villégiature » a eu comme conséquence, notamment, l’assèchement du lac en 2021.

1.4 Bloquer le projet

Le Conseil doit déterminer si la journaliste transmet une information inexacte dans le passage suivant : « […] l’histoire d’une Municipalité qui, après avoir applaudi à un plan de centre de villégiature permettant la relance de l’hôtel La Sapinière, a choisi de bloquer le projet. » 

Décision

Le Conseil rejette le grief d’information inexacte sur ce point, car il juge que la journaliste n’a pas contrevenu à l’article 9 a) du Guide.

Analyse

Le plaignant affirme que « la Municipalité ne bloque pas le projet. Tout a été fait dans le zonage pour que les propriétaires puissent faire toutes les activités qu’ils veulent développer. »

Il ajoute que « la Municipalité a mentionné à plusieurs reprises que le projet de Mme Beaudry pouvait toujours se réaliser. Il n’y a aucune menace potentielle pour le projet de Mme Beaudry si elle veut réaliser son projet. »

Les mis en cause justifient l’utilisation du terme « bloqué » notamment parce que « la municipalité a émis une réserve foncière sur 85 % du terrain sur lequel le projet devait avoir lieu. La réserve foncière permettait à la ville d’effectuer une acquisition ou une expropriation […] En plus, un promoteur ne peut espérer obtenir du financement pour développer un projet sur un terrain qui peut lui être confisqué. »

La Ville a imposé une réserve foncière le 21 janvier 2020 sur la presque totalité de la propriété de Diane Beaudry. Une réserve foncière interdit, pendant sa durée, toute construction, amélioration ou addition sur l’immeuble ou le terrain qui en fait l’objet. Huit mois plus tard, elle a envoyé un avis d’expropriation sur une portion du terrain. 

Même si la réserve foncière a été levée le 9 février 2021, son imposition ainsi que l’avis d’expropriation ont empêché le projet de Mme Beaudry d’aller de l’avant. Il n’est donc pas inexact d’écrire que la Municipalité a choisi de « bloquer » le projet, c’est-à-dire d’« empêcher quelqu’un de poursuivre l’action en cours; Empêcher une action, une situation de progresser, d’évoluer vers son terme » (définition du Larousse). 

Le Conseil a maintes fois statué qu’il n’a pas à établir de lexique des termes que les médias ou les professionnels de l’information doivent employer ou éviter, puisque les décisions à cet égard relèvent de leur discrétion rédactionnelle. Par exemple, dans la décision D2017-03-051, la plaignante estimait qu’il était inexact d’employer le verbe « limoger » pour qualifier le congédiement d’une employée municipale. Or, comme dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, la définition que le dictionnaire Larousse donne de ce verbe reflétait bien la réalité de la situation. De la même façon, dans le cas présent, la journaliste ne transmet pas une information inexacte en parlant d’« une Municipalité qui, après avoir applaudi à un plan de centre de villégiature permettant la relance de l’hôtel La Sapinière, a choisi de bloquer le projet. »

Conclusion

Le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Paul Laperrière visant l’article « Petit village, grosse chicane » de Suzanne Colpron concernant l’un des sous-griefs d’information inexacte et blâme la journaliste et  La Presse.

Le Conseil de presse du Québec rejette les trois autres griefs d’information inexacte. 

Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)

La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :

Représentants du public

Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes

Charles-Éric Lavery

Représentantes des journalistes

Sylvie Fournier

Lisa-Marie Gervais

Représentants des entreprises de presse

Jeanne Dompierre

Éric Grenier