Plaignant
Patrice Germain
Mis en cause
Agence France-Presse
Le quotidien La Presse
Résumé de la plainte
Patrice Germain dépose une plainte le 25 novembre 2020 au sujet de l’article de l’Agence France-Presse (AFP) « “Nous devons inverser cette élection”, demande Trump à ses partisans », publié sur le site Internet lapresse.ca le même jour. Le plaignant déplore des informations inexactes.
CONTEXTE
L’article de l’AFP fait état de la participation téléphonique du président Donald Trump à une audition organisée par des sénateurs républicains de Pennsylvanie. Au moment de la publication de cet article, le président américain multipliait les recours en justice pour contester l’élection présidentielle remportée par le démocrate Joe Biden. Donald Trump et ses partisans affirmaient qu’il s’agissait d’un scrutin « frauduleux ». La veille de cette audition, les résultats de Pennsylvanie avaient été certifiés en faveur de Joe Biden.
Analyse
GRIEF DU PLAIGNANT
Grief 1 : informations inexactes
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité » (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
1.1 « Sans preuve »
Le Conseil doit déterminer si l’expression « sans preuve » transmet de l’information inexacte dans le passage suivant : « Le président américain Donald Trump a appelé mercredi ses partisans à “inverser” le résultat de l’élection présidentielle plus de deux semaines après l’annonce de la victoire de son rival démocrate Joe Biden, dénonçant, sans preuve et malgré les revers en justice, un scrutin “frauduleux”. »
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’informations inexactes sur ce point.
Analyse
Le plaignant se base sur des témoignages entendus lors des auditions organisées par des sénateurs républicains de l’État de Pennsylvanie concernant des allégations de fraudes survenues lors de l’élection présidentielle de 2020. Il considère que l’expression « sans preuve » est inexacte, puisque, selon lui, certains témoins entendus dans ce cadre « rapportent des faits troublants, qui, s’ils s’avéraient […], démontreraient soit une fraude, soit une apparence de fraude ou une situation où il est impossible d’enquêter pour savoir s’il y a eu fraude. Ces témoins ont aussi tous signé des affidavits sous serment, s’ouvrant donc à des poursuites pour parjure s’ils avaient menti ».
Le passage de la dépêche de l’AFP visé par la plainte rapporte que le président américain Donald Trump dénonce « sans preuve et malgré les revers en justice, un scrutin “frauduleux” ». Les guillemets indiquent que le qualificatif « frauduleux » est celui utilisé par le président. Les termes « sans preuve » se rapportent au président qui n’a pas fourni la preuve de la fraude qu’il avance et qui continue à tenir ce discours, même si les démarches judiciaires des républicains n’ont pas porté fruit.
Dans sa plainte, le plaignant ne démontre pas que le président Trump a soumis des preuves témoignant de fraudes électorales lors de son témoignage à l’audition. Or, plusieurs décisions antérieures du Conseil, notamment la décision D2020-05-077 et D2018-04-037, souligne qu’« il revient au plaignant de faire la démonstration des accusations qu’il formule. » Dans le cas présent, le plaignant n’apporte pas la preuve de l’inexactitude qu’il avance. Il soumet des témoignages qui ne sont que des allégations et non des témoignages reconnus comme preuves par un tribunal.
1.2 « Malgré des revers en justice »
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause transmettent de l’information inexacte en affirmant « malgré les revers en justice » dans le passage suivant : « Le président américain Donald Trump a appelé mercredi ses partisans à “inverser” le résultat de l’élection présidentielle plus de deux semaines après l’annonce de la victoire de son rival démocrate Joe Biden, dénonçant, sans preuve et malgré les revers en justice, un scrutin “frauduleux”. »
Décision
Le Conseil rejette le grief d’informations inexactes sur ce point.
Analyse
Le plaignant considère que la décision prise le 25 novembre 2020 par la juge de Pennsylvanie Patricia McCullough qui a ordonné l’arrêt de la certification des résultats des élections présidentielles dans l’État de Pennsylvanie démontre qu’il était « faux » d’affirmer « malgré les revers en justice » dans le passage ci-dessus.
Le représentant de La Presse, Patrick Bourbeau, rappelle qu’au moment de la publication de l’article de l’AFP, « M. Trump alléguait que l’élection présidentielle avait été entachée par une fraude massive. Or, en date de la publication du texte, à l’exception de la décision de la juge McCullough, des dizaines de jugements avaient déjà rejeté les recours judiciaires intentés par les alliés du président, dont au moins 15 uniquement en Pennsylvanie, au motif qu’il n’existait aucune preuve d’une telle fraude. » M. Bourbeau souligne que « dans un jugement représentatif rendu le 21 novembre, la Cour fédérale avait d’ailleurs déclaré que les avocats de M. Trump n’avaient pas réussi à présenter [des] “arguments juridiques convaincants et des preuves factuelles d’une corruption généralisée”. » (traduction du Conseil)
Des articles publiés au même moment témoignent également du fait que le président Trump et son équipe avaient multiplié les recours devant la justice pour contester les résultats de l’élection présidentielle. Un article du réseau de télévision américain CBS portant sur l’audition organisée par les sénateurs républicains de l’État de Pennsylvanie rappelle que « les allégations de la campagne de Trump contestant le processus de vote en Pennsylvanie ont été rejetées à plusieurs reprises devant les tribunaux. » (traduction du Conseil)
D’autres reportages, comme celui du Devoir publié le 16 novembre, témoignent des nombreuses poursuites déposées par l’équipe de Donald Trump à la suite de sa défaite électorale et des revers judiciaires subis. On y lit : « Plus de 30 recours ont été déposés par la campagne de Trump ou ses alliés. Jusqu’ici, le clan du président a perdu dans 20 procédures, selon l’avocat Marc Elias, fondateur de Democracy Docket, une organisation progressiste de défense des droits civiques. »
Les faits témoignent des nombreux revers en justice subis par l’équipe du président Trump. Contrairement à l’interprétation qu’en fait le plaignant, ce n’est pas parce que la juge McCullough a émis une ordonnance stoppant la certification des résultats de l’élection présidentielle dans l’État de Pennsylvanie qu’il n’y a pas eu de revers en justice.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Patrice Germain visant l’article de l’Agence France-Presse « “Nous devons inverser cette élection”, demande Trump à ses partisans » publié sur le site Internet lapresse.ca concernant le grief d’informations inexactes.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes
Olivier Girardeau
Représentantes des journalistes :
Madeleine Roy
Paule Vermot-Desroches
Représentants des entreprises de presse :
Maxime Bertrand
Éric Grenier