Montréal, le 3 octobre 2006. Lors de sa dernière réunion, le comité des plaintes et de l’éthique de l’information (CPEI) du Conseil de presse du Québec a rendu huit décisions. Trois plaintes ont été retenues, une a été retenue partiellement et quatre ont été rejetées. Ces décisions sont toutes susceptibles d’être portées en appel dans les 30 jours de leur réception par les parties.
D2005-12-035 Mouvement Égalitariste c. Alain Gravel, animateur, Marie-Claude Pednault et Brigitte Guibert, recherchistes, Anne Sérode, réalisatrice et la Société Radio-Canada, émission « Enjeux »
La plainte déposée au nom du Mouvement Égalitariste visait l’émission « Enjeux » du 22 novembre 2005, portant sur la garde des enfants à la suite d’une séparation. Les plaignants jugeaient que le contenu de l’émission était déséquilibré, en ce sens que les personnes interrogées dans le reportage visé auraient uniquement prôné la garde exclusive des enfants par leur mère.
Le choix et l’angle de traitement d’un sujet reviennent en propre aux médias et aux journalistes à qui il appartient de déterminer ce qu’ils jugent pertinent pour réaliser l’objectif visé par l’émission. Le Conseil a pu observer la variété et le caractère nuancé des points de vue exposés dans ce reportage. Considérant l’angle de traitement choisi, la diversité des opinions et la liberté rédactionnelle reconnue aux médias et aux journalistes, les griefs concernant l’équilibre de l’information et des propos rapportés n’ont pas été retenus.
Le plaignant reprochait également à la SRC d’avoir inscrit sur son site Internet un plus grand nombre de liens vers des sites qui expriment un point de vue contre la garde partagée. Le Conseil n’a pas constaté de manque d’équité généré par les références Internet publiées.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil de presse a rejeté la plainte contre l’émission « Enjeux » de la Société Radio‑Canada, son équipe et sa direction
D2006-01-036 Yves Gingras c. Frenchie Jarraud et Gary Daigneault, animateurs et la radio CJMS-AM
La plainte concernait des émissions radiophoniques diffusées sur les ondes de CJMS-AM les 6 et 10 janvier 2005, de même que le 11 avril 2005, dans le cadre de la quotidienne « Le p’tit monde à Frenchie ». Le plaignant soutenait que les animateurs avaient alors dérogé à l’éthique journalistique en portant atteinte à sa vie privée et en faisant usage d’un langage inapproprié et haineux.
Selon les principes déontologiques du Conseil, les tribunes téléphoniques ou « lignes ouvertes » sont soumises aux mêmes exigences de rigueur, d’authenticité, d’impartialité et de qualité que tout autre type de traitement de l’information.
Après écoute des extraits d’émissions portés à son attention, le Conseil a constaté que les animateurs ont agi contrairement à l’éthique journalistique, en divulguant à maintes reprises sur les ondes le numéro de téléphone personnel du plaignant, en tentant de l’appeler en direct afin de revenir sur la conversation et en enjoignant les auditeurs à faire de même. De la même façon, le 10 janvier 2005, la station CJMS a diffusé la conversation d’une auditrice qui, à la suite des événements survenus le 6 janvier, a révélé le nom du plaignant. Aux yeux du Conseil, le radiodiffuseur était responsable de ces propos qui n’étaient pas d’intérêt public.
De l’avis du Conseil, les extraits mis en cause contenaient également des propos irrespectueux et désobligeants à l’égard du plaignant. Il en va de même pour les propos tenus envers une auditrice, le 11 avril 2005.
Par ailleurs, le plaignant a déposé parallèlement une plainte au Conseil canadien des normes de la radiotélévision (CCNR). La décision du CCNR, à ladite plainte, a donné raison à l’intimé et blâmé CJMS, pour avoir diffusé les propos mis en cause. À la suite de cette décision, la station radiophonique a diffusé à quatre reprises, sur son antenne, un condensé de la décision.
Selon le Conseil, les griefs invoqués démontraient un manquement grave à l’éthique. Cependant, puisque la station radiophonique a utilisé le moyen prescrit pour rectifier son manquement, soit la diffusion du blâme émis à son endroit par le CCNR, le Conseil n’a pas prononcé de blâme contre les mis-en-cause. Toutefois, le Conseil a recommandé aux animateurs, MM. Frenchie Jarraud et Gary Daignault, de présenter leurs propres excuses au plaignant.
D2006-01-037 Jean-Frédéric Martin c. Pierre Limoges, président, éditeur et journaliste et Le Bruchésien
M. Martin portait plainte à l’encontre du journaliste et éditeur du bimensuel Le Bruchésien, pour avoir publié un article alléguant qu’il aurait eu un comportement inapproprié envers l’un de ses élèves. Cet article a été publié dans l’édition du 24 octobre 2005, sous le titre « le RESPECT des ENFANTS! ». Le plaignant affirmait que le journaliste avait manqué de rigueur en ne vérifiant pas ses propos auprès des autorités chargées de l’enquête. Il lui reprochait aussi l’inexactitude de l’information publiée et invoquait l’atteinte à sa réputation et à sa vie privée.
Le premier grief du plaignant était à l’effet que le journaliste n’aurait publié qu’une version des faits, en omettant de présenter l’ensemble de la situation. Les faits reprochés remontaient au mois d’août et l’article fût publié au mois d’octobre, alors que les décisions des paliers administratifs de l’école, de la commission scolaire et du ministère de l’Éducation exonéraient M. Martin. Le Conseil a constaté que le journaliste n’a pas effectué les vérifications d’usage et s’étonne que le Bruchésien n’ait toujours pas rectifié son erreur dans ses pages, comme il aurait dû le faire.
Le plaignant accusait le journaliste de l’avoir publiquement attaqué vu son implication aux élections municipales dans un parti qui s’opposait à celui auquel le mis-en-cause a été associé. Il lui reprochait d’avoir voulu lui nuire en publiant la nouvelle deux mois après les événements et à quelques jours des élections municipales. Compte tenu des faits portés à sa connaissance, le Conseil constate que le Bruchésien était en apparence de conflit d’intérêts.
En conséquence, le Conseil de presse a retenu la plainte de M. Martin et blâmé M. Pierre Limoges président, éditeur, journaliste et le bimensuel Le Bruchésien. Le Conseil estime également impérative la publication d’un rectificatif.
Le Conseil a aussi invité Le Bruchésien à clarifier sa structure organisationnelle, puisqu’elle laisse actuellement supposer que M. Limoges en plus d’être président, éditeur et journaliste assume les fonctions de directeur des ventes pour la publicité, ce qui le placerait en conflit d’intérêts.
D2006-01-040 et D2006-01-041 Yves Gingras et Michel Mathieu c. Max Bradette, animateur et la radio CJMS-AM
M. Gingras portait plainte contre l’émission « Au maximum » animée par M. Max Bradette le 6 janvier 2006 sur les ondes de CJMS-AM. M. Mathieu déposait également une plainte contre ladite émission, mettant en cause certains extraits diffusés les 28 et 29 décembre 2005. Selon les plaignants, ces émissions ne respectaient pas certaines normes radiophoniques et présentaient des propos hostiles envers certaines personnes et auditeurs ayant participé à la tribune téléphonique.
M. Mathieu dénonçait la façon méprisante avec laquelle l’animateur traiterait les auditeurs qui participent à la tribune téléphonique. À l’écoute des émissions des 28 et 29 décembre 2005, le Conseil a constaté que l’animateur répliquait de façon abusive à un auditeur. Le Conseil a aussi remarqué que l’animateur a demandé à plusieurs reprises à son collaborateur de couper la ligne téléphonique alors que certains auditeurs tentaient d’exposer un nouveau point de vue en ondes. Ce faisant, aux yeux du Conseil, l’animateur ne respectait pas les règles déontologiques qui incombent au genre de la tribune téléphonique.
M. Mathieu alléguait aussi que, lors de l’émission du 29 décembre 2005, l’animateur ne lui avait pas permis, de même qu’à un autre auditeur, de s’exprimer sur l’incident survenu en ondes la veille, alors que M. Bradette avait coupé brutalement la conversation avec un interlocuteur qui présentait un opinion contraire à la sienne. Selon le plaignant, en agissant ainsi lors de cette émission, M. Bradette a bafoué leur droit de réplique.
Le Conseil considère qu’il était de la responsabilité de l’animateur de permettre aux auditeurs de réagir à la conversation de la veille et de laisser l’auditeur présenter sa réplique face à la situation qui avait conduit M. Bradette à couper la ligne avant qu’il n’ait terminé ses explications; un droit de réplique que l’animateur n’a pas respecté, en rompant de nouveau la liaison téléphonique avec les deux interlocuteurs.
Pour sa part, M. Gingras désapprouvait les propos tenus sur les ondes de CJMS-AM le 6 janvier 2006. Un auditeur a alors identifié en ondes le nom d’un surintendant à l’emploi de la Ville de Montréal, en l’accusant, sans preuve, de participer à une fraude aux dépens de la ville.
Comme aucun élément à l’appui des allégations de fraude ne fut apporté par l’auditeur ou par le journaliste, le Conseil considère qu’il était de la responsabilité du diffuseur, afin d’éviter tout manquement éventuel à l’éthique journalistique, d’utiliser son délai de diffusion pour masquer le nom de la personne en cause.
En raison de ces considérations, le Conseil a retenu les plaintes et blâmé l’animateur M. Max Bradette et la station radiophonique CJMS-AM.
D2006-02-043 Normand Lester c. André Pratte, éditorialiste, Lysiane Gagnon, chroniqueuse et La Presse
Le plaignant reprochait à M. Pratte d’avoir refusé de publier sa réplique à un éditorial et à une chronique de Mme Lysiane Gagnon, parus respectivement les 11 et 12 janvier 2006 et qui le mettaient en cause à la suite de la publication du livre « Les secrets d’Option Canada ». Il reprochait également à Mme Gagnon d’avoir utilisé à son endroit des qualificatifs injustifiés.
Le genre journalistique auquel appartiennent l’éditorial et la chronique accorde à leurs auteurs une grande latitude dans le traitement d’un sujet d’information. Il permet notamment aux journalistes qui le pratiquent d’adopter un ton polémiste pour prendre parti et exprimer leurs critiques, dans le style qui leur est propre.
Dans ce contexte, les propos utilisés par la chroniqueuse Lysiane Gagnon, à l’effet que M. Lester était un « indépendantiste militant de la tendance nationaleuse », bien que choquants aux yeux du plaignant, ne sont pas apparus outrepasser les limites autorisées par le genre journalistique du journalisme d’opinion.
Quant au grief de M. Lester concernant la non-publication de sa réplique, après examen des arguments des parties, le Conseil a constaté que le quotidien a d’abord souscrit à une première règle déontologique en regard du courrier des lecteurs, soit de se donner des règles pour encadrer ce service. Le Conseil a toutefois constaté qu’en appliquant ces règles, la direction du quotidien a laissé l’impression qu’elle permettait à Mme Gagnon une liberté d’expression plus large dans sa chronique que celle permise à M. Lester dans sa réplique.
En ce sens, afin d’assurer un maintien de l’équité dans tout traitement médiatique, le Conseil a invité la direction du quotidien La Presse à revoir sa gestion des normes encadrant le courrier des lecteurs, particulièrement quand il s’agit de réponses à des charges adressées directement contre des personnes, afin de permettre à celles-ci une latitude équivalente dans leur réplique.
Pour ces motifs, le Conseil a retenu partiellement la plainte de M. Normand Lester contre le quotidien La Presse et son éditorialiste en chef M. André Pratte, pour le motif de non-publication d’une réplique.
D2006-02-044 Conseil de l’industrie forestière du Québec (Guy Chevrette, président-directeur général) c. Le Journal de Montréal
M. Guy Chevrette déposait une plainte, en son nom et au nom du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ), suivant la parution d’une série de six textes publiés sous la signature de M. Richard Desjardins, dans la section « Opinions » du Journal de Montréal et du Journal de Québec, entre le 30 janvier et le 4 février 2006. Selon le plaignant, les mis-en-cause auraient manqué à l’éthique journalistique en refusant de publier sa réplique et en présentant une information déséquilibrée et inexacte.
Les médias et les journalistes doivent, lorsque cela est à propos, permettre aux personnes, groupes ou instances de répliquer aux informations et aux opinions qui ont été publiées ou diffusées à leur sujet ou qui les ont directement ou indirectement mis en cause.
Le plaignant déplore le refus du Journal de Montréal de publier la réplique du CIFQ à la série de textes d’opinions, alors que ceux-ci touchaient directement l’industrie et visaient nommément le plaignant. Aux yeux du Conseil, il était de la responsabilité du média de permettre aux intimés de répliquer aux textes qui les ont directement mis en cause.
Le Conseil a pris connaissance de l’ensemble des articles soumis par le Journal de Montréal, en lien avec la couverture de l’industrie forestière au cours de l’année précédant la plainte, et a constaté l’importance et la diversité de traitement de ces articles. Toutefois, en regard de la série de six textes d’opinion ayant joui d’une couverture et d’une publicité importantes, il était de la responsabilité du Journal de favoriser la diffusion d’un second point de vue. En ne diffusant pas la réplique des plaignants et en publiant, de surcroît, une lettre réagissant à celle-ci, le Journal a manqué à son devoir de livrer des opinions pluralistes et complètes.
Le Conseil a également constaté l’erreur soulevée par le plaignant dans une lettre d’opinion diffusée par le Journal de Montréal en réaction à la réplique des plaignants, publiée dans le Journal de Québec. L’information contenue dans cette lettre était inexacte. Le Conseil note enfin que les mis-en-cause auraient pu compenser ce manquement en accordant un droit de réplique adéquat aux plaignants, ce qu’ils n’ont pas fait.
Au terme de ce qui précède, le Conseil a retenu la plainte de M. Guy Chevrette et du CIFQ et blâmé Le Journal de Montréal sur la base des griefs concernant le droit de réponse du public, le choix et le traitement des contributions du public ainsi que l’équilibre et l’exhaustivité de l’information.
D2006-02-045 Stefan Jetchick c. Annie Saint-Pierre, journaliste et Le Journal de Québec
M. Jetchick, représentant du Parti de l’héritage chrétien, portait plainte à l’encontre de la journaliste Annie Saint-Pierre et du quotidien Le Journal de Québec, concernant un article paru le 20 janvier 2006, sous le titre « Dans Louis-Hébert – La répartition du vote, la clé ». Il reprochait à la journaliste d’avoir transcrit erronément son nom ainsi que d’avoir insinué qu’il aurait refusé de lui mentionner les grandes lignes du programme de son parti.
Au premier grief soulevé par le plaignant, à l’effet que la journaliste aurait retranscrit erronément son nom et prénom, les mis-en-cause reconnaissent deux erreurs mineures. Le Conseil a estimé que ces erreurs, bien que regrettables, ne changeaient pas sur le fond, la portée des informations contenues dans l’article.
Au deuxième grief, la journaliste aurait insinué que le plaignant a refusé de lui mentionner les dossiers qu’il considérait comme prioritaires dans Louis-Hébert, par cette phrase : « Du Parti de l’héritage chrétien, Stephen Jetchisk, a renvoyé le Journal à son site Internet, lorsqu’on lui a demandé ses priorités pour Louis-Hébert. »
Le Conseil a constaté que le texte ne laissait pas entendre que le plaignant aurait refusé de répondre, mais rapportait que M. Jetchick a dirigé la journaliste vers le site Internet de son parti. Le Conseil ne relève aucune faute déontologique au travail de la journaliste.
En conséquence, le Conseil de presse a rejeté la plainte de M. Stefan Jetchick à l’encontre de la journaliste Annie Saint-Pierre et du Journal de Québec.
D2006-02-046 La Ligue Québécoise contre la propagande et la corruption canadiennes c. Denis Lessard, journaliste, le quotidien La Presse, Norman Delisle, journaliste, La Presse Canadienne et Paul Larocque, journaliste, Le Groupe TVA
M. Gilles Rhéaume, porte-parole de la Ligue Québécoise contre la propagande et la corruption canadiennes (LQPCC) dénonçait la diffusion, par La Presse, La Presse Canadienne et le Groupe TVA, d’un sondage, produit par la maison CROP, le 31 janvier 2006, qui présentait, selon lui, des données erronées sur les intentions de vote des Québécois ainsi que sur leur volonté de faire du Québec un pays. M. Rhéaume reprochait la publication de ces données et demandait qu’une vérification sérieuse soit effectuée avant la publication de sondages.
De l’avis du Conseil, lorsque les médias publient ou diffusent les résultats des sondages qu’ils ont effectués ou encore lorsqu’ils rapportent ceux d’autres instances, il est primordial que la qualité des informations recueillies par ce moyen soit vérifiable. À cette fin, les médias écrits et électroniques doivent informer le public des éléments méthodologiques de l’enquête. Ceux-ci sont nécessaires pour que les citoyens puissent formuler leur propre jugement, en toute connaissance de cause, sur l’information qui leur est ainsi transmise.
Après examen, le Conseil a constaté que les résultats publiés étaient erronés, ce qu’ont reconnu les médias mis en cause. Toutefois, ces derniers ont tous réagi rapidement après l’annonce de ces résultats, en publiant un rectificatif proportionné à la suite de leur erreur.
Compte tenu des motifs précédemment exposés, la plainte de la Ligue Québécoise contre la propagande et la corruption canadiennes à l’encontre de la Presse, de la Presse Canadienne, du Groupe TVA et de ses journalistes a été rejetée.
Le texte intégral des décisions ainsi qu’un résumé des arguments des parties en cause peuvent être consultés au www.conseildepresse.qc.ca, à la section « Décisions du Conseil ».
SOURCE : Marie-Eve Carignan, Responsable des communications
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RENSEIGNEMENTS : Nathalie Verge, Secrétaire générale
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