Le Journal du Nord blâmé pour confusion des genres journalistiques, inexactitude et plagiat

D2008-07-005 Chantal Levert c. Mychel Lapointe, journaliste et l’hebdomadaire Le Journal du Nord

L’opinion fait mauvais ménage avec l’information

Mme Levert portait plainte contre le journaliste Mychel Lapointe pour un article publié dans le Journal du Nord le 30 janvier 2008, ainsi que pour un cahier spécial portant le titre « Le meilleur de Saint-Jérôme et de la MRC de la Rivière-du-Nord » publié le 4 juin 2008.

Au premier grief, la plaignante reprochait à l’article du 30 janvier 2008 de contenir un commentaire erroné, à l’effet qu’« il a été payant pour les municipalités de la MRC de la Rivière-du-Nord, et par le fait même pour les citoyens, d’apporter une attention particulière à la gestion des matières résiduelles ». Selon Mme Levert, avant juin 2008, le seul critère qui comptait pour déterminer le montant perçu par les municipalités dans le cadre du Plan de gestion des matières résiduelles était le nombre d’habitants. De son avis, ce commentaire aurait eu pour effet de donner aux lecteurs l’impression que les efforts citoyens avaient été appréciables et que les décideurs municipaux avaient mis en place de bonnes initiatives. Après examen, le Conseil a constaté que la légende de la photo illustrant l’article en cause était commentée par le journaliste. Ce commentaire, qui appartient au journalisme d’opinion, s’inscrit dans le cadre d’un article d’information, ce qui constitue un mélange des genres journalistiques et donc, un manquement à la déontologie. Par ailleurs, cette information du mis-en-cause était erronée. Après vérification de la documentation transmise par la plaignante, le Conseil a pu s’assurer qu’à la date où l’article fut publié, le seul facteur qui comptait pour déterminer le montant reçu par les municipalités était bien le nombre d’habitants. Par conséquent, les deux griefs furent retenus, d’abord pour avoir fait un commentaire sous la légende de la photo, au cœur d’un article d’information, et ensuite, pour avoir publié un contenu erroné.

Au grief suivant, la plaignante accusait le journaliste d’avoir, dans le cahier spécial du 4 juin 2008, utilisé deux genres journalistiques sur le même sujet, soit le journalisme d’opinion et le journalisme d’information, en juxtaposant texte d’opinion et articles d’information. Or, la déontologie journalistique met en garde contre ce genre de pratique qui nuit à la qualité de l’information et à sa crédibilité. Après analyse du cahier spécial, le Conseil a relevé l’utilisation de deux genres journalistiques sur le même sujet, par le même journaliste. Le grief a été retenu.

La plaignante affirmait aussi que, dans ce même cahier, l’article intitulé « Le gouvernement impose, la MRC dispose » était la retranscription d’un document datant de 2006, dont elle est l’auteure et que le journaliste n’avait pas pris le temps de vérifier si les informations qu’il comportait étaient encore valides avant de les utiliser. Le Conseil rappelle que les professionnels de l’information doivent identifier leurs sources et prendre tous les moyens à leur disposition pour s’assurer de leur fiabilité et pour vérifier l’authenticité des informations qu’ils en obtiennent. Après examen de l’article et d’un document, propriété de la MRC, intitulé « Écocentres – année 2006 – carnet d’information », le Conseil constate que l’article de M. Lapointe reprend textuellement cinq paragraphes du document sans en mentionner la provenance. Par conséquent, le journaliste laissait aux lecteurs l’impression erronée qu’il en était l’auteur. Le grief fut retenu sur cet aspect. En ce qui a trait à la véracité des informations diffusées, le mis-en-cause affirmait que la MRC lui avait confirmé que ces informations étaient encore valides. Puisque la plaignante n’a pas démontré en quoi celles-ci pouvaient s’avérer erronées, ce dernier grief a été rejeté.

Le Conseil a retenu la plainte de Mme Chantal Levert contre M. Mychel Lapointe et le Journal du Nord pour avoir fait mention d’un commentaire dans la légende de la photo reliée à un article d’information, pour avoir diffusé une information erronée et parce que le journaliste a signé, sur le même sujet, un article d’opinion et des articles d’information. La plainte fut également retenue pour plagiat puisque certaines informations ont été textuellement reprises par le journaliste sans mention de sa source.

D2008-06-090 Bruno Déry c. Bernard Derome, chef d’antenne et journaliste, François Cormier, journaliste, l’émission « Le Téléjournal 22 heures » et la Société Radio-Canada (SRC)

Bernard Derome avait droit d’utiliser l’humour

M. Déry portait plainte contre le chef d’antenne, Bernard Derome, ainsi que la salle de nouvelles de la SRC et le journaliste François Cormier pour la présentation d’un reportage diffusé le 18 juin ainsi que pour le contenu de deux reportages diffusés les 15 et 16 juin 2008.

Dans un premier temps, il reprochait à M. Derome d’avoir émis, lors de la présentation d’un reportage, l’opinion selon laquelle 80 % des Québécois seraient des « simples d’esprit ». La représentante des mis-en-cause rétorquait qu’il s’agissait d’une tentative d’autodérision par l’humour, ce que le plaignant jugeait néanmoins ne pas avoir sa place dans un « Téléjournal ». L’analyse a permis au Conseil de constater que les véritables propos tenus par M. Derome étaient les suivants : « Bienheureux les pauvres d’esprit car le royaume des cieux leur appartient. S’il faut en croire cette parole d’évangile du discours des Béatitudes, la place au ciel d’une majorité de Québécois qui se disent catholiques est assurée. » Il s’agissait d’une introduction aux résultats d’un sondage commandé par la SRC sur l’état des connaissances en matière de religion catholique des Québécois. Aux yeux du Conseil, les propos de M. Derome sont effectivement du domaine de l’humour. Et bien qu’il ne juge pas de la qualité de l’humour utilisé par M. Derome, le Conseil affirme néanmoins que ce dernier était libre d’en user. Par ailleurs, en relevant d’entrée de jeu les mauvais résultats obtenus par les répondants, le Conseil considère que les propos du présentateur étaient conformes à la réalité que décrivait le sondage. Par conséquent, et bien que le plaignant ait pu s’en trouver blessé, M. Derome ainsi que l’équipe de rédaction du « Téléjournal » n’ont commis aucune entorse à la déontologie en introduisant les téléspectateurs aux résultats du sondage de cette façon. Le grief a été rejeté.

Dans un second temps, M. Déry reprochait à l’équipe de rédaction de ne pas avoir expliqué le résultat du sondage à l’effet que les Québécois qui se disent catholiques de 55 ans et plus ont une meilleure connaissance académique de la religion. Or, dans leurs commentaires, les mis-en-cause insistaient sur le fait qu’un long reportage, présenté dans le cadre de la même édition du « Téléjournal », venait préciser le pourquoi de ces différences de résultats entre les jeunes et les moins jeunes générations. Après analyse, le Conseil constate que la SRC, grâce à une entrevue réalisée auprès d’une religieuse, a exposé l’idée selon laquelle le manque de culture en matière de religion catholique des jeunes générations est imputable au fait que la catéchèse ne s’enseigne plus de façon aussi rigoureuse. Le grief a été rejeté.

Troisièmement, le plaignant déplorait que, dans le cadre du reportage diffusé le 15 juin 2008, personne ne prenant part au Congrès n’ait été interrogé pour répondre au commentaire du journaliste selon lequel le Congrès eucharistique international (CEI) ne faisait « pas l’unanimité tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Église catholique du Québec ». Les mis-en-cause insistaient quant à eux sur le fait que cette controverse avait déjà été soulevée par d’autres médias. Le Conseil rappelle que la façon de traiter un sujet, de même que le moment de la diffusion des informations, relèvent de la discrétion des médias et des journalistes. Par conséquent et après s’être assuré que la controverse dont il était question était bien réelle, le Conseil a conclu que le journaliste était libre d’interroger la personne qui lui semblait la plus indiquée pour en confirmer l’existence et fournir quelques explications aux téléspectateurs. Le grief a été rejeté.

Enfin, M. Déry expliquait que, le 16 juin 2008, lors d’un autre reportage, M. Cormier aurait insisté sur une demande de pardon de l’Église catholique pour les pensionnats autochtones tandis que rien ne fut diffusé concernant le CEI. Il déplorait par ailleurs qu’aucun reportage n’ait été présenté à ce sujet le lendemain. Le Conseil rappelle que le choix des faits et des événements rapportés, de même que celui des questions d’intérêt public traitées, relèvent de la discrétion des directions des salles de nouvelles, des organes de presse et des journalistes. Par conséquent, le journaliste était libre des sujets qu’il désirait présenter. Le grief a été rejeté.

Le Conseil a rejeté la plainte de M. Bruno Déry contre MM. Bernard Derome et François Cormier ainsi qu’à l’encontre de la Société Radio-Canada.

D2008-07-003  Jacques Hamel c. Matthieu Boivin et Richard Hénault, journalistes, le quotidien Le Soleil, Éric Thibault, journaliste, Pierre Lachance, chef des nouvelles, Denis Bolduc, éditeur et le quotidien MédiaMatinQuébec

Un conflit d’intérêt non démontré
                        
M. Hamel portait plainte contre les journalistes Matthieu Boivin et Richard Hénault du quotidien Le Soleil, ainsi qu’à l’encontre d’Éric Thibault, Pierre Lachance, et Denis Bolduc du quotidien MédiaMatinQuébec. Le plaignant accusait les mis-en-causes d’être en conflit d’intérêts, d’avoir manqué d’équilibre dans le traitement de l’information concernant son procès et d’avoir publié une fausse information. Il accusait également les journaux de ne pas lui avoir accordé de droit de réplique, d’avoir atteint à sa réputation et d’avoir été en conflit d’intérêts.

Le plaignant reprochait d’abord aux deux quotidiens d’avoir publié une information inexacte, en dévoilant sa mise en accusation avant que celle-ci ne lui soit formellement communiquée. Après analyse, le Conseil a conclu que la démarche de collecte d’information des journalistes leur assurait une information juste. Ils disposaient de preuves documentaires et verbales solides, provenant de sources fiables et pouvaient publier cette information d’intérêt public avant même que le plaignant ne se soit fait signifier les termes des accusations. Ce grief fut rejeté.

Le plaignant mettait ensuite en cause l’équilibre de l’information. Il jugeait que les journalistes avaient traité son procès de manière sensationnaliste. Or, l’information livrée par les médias fait nécessairement l’objet de choix. Ces choix doivent être faits dans un esprit d’équité et de justice. Ils ne se mesurent pas seulement de façon quantitative, sur la base d’une seule édition, pas plus qu’au nombre de lignes. Ils doivent être évalués de façon qualitative, en fonction de l’importance de l’information et de son degré d’intérêt public. De plus, le Conseil a souligné que la couverture judiciaire relève d’un traitement particulier, puisque la parole des accusés est généralement rapportée au procès et non lors d’entrevues. Les griefs ont été rejetés.

Enfin, le plaignant accusait le quotidien Le Soleil et MédiaMatinQuébec d’être en conflit d’intérêts en traitant de son procès, car les deux médias auraient un lien avec le club de ski de Mont-Sainte-Anne dont le plaignant a été président et au sujet duquel il est accusé de fraude. Le plaignant reprochait au Soleil d’être commanditaire du club de ski. Or, le Conseil a fait observer que les salles de rédaction et les services commerciaux d’un journal doivent toujours être distincts, et qu’aucune preuve du contraire n’a été apportée devant lui dans le cas présent. Le grief a été rejeté.

Quant au journal MédiaMatinQuébec, le chef des nouvelles serait, selon le plaignant, en conflit d’intérêts en étant impliqué directement dans l’administration du club de ski. Le mis-en-cause a réfuté par écrit cette accusation, affirmant qu’il n’était ni membre, ni administrateur du club de ski acrobatique du Mont-Saint-Anne au moment de la publication de l’article; il ajoute qu’il n’est intervenu en aucun temps dans le processus de la publication de l’article. Devant ces informations contradictoires, le grief fut rejeté.

Le Conseil a rejeté la plainte de M. Jacques Hamel contre les journalistes, MM. Matthieu Boivin, Richard Hénault et Le Soleil ainsi qu’à l’encontre de M. Éric Thibault, journaliste et le quotidien MédiaMatinQuébec.

D2008-06-089 Annie Chélin c. Hugo Lemay, directeur de l’information, Patricia Ann Beaulieu, éditrice et l’hebdomadaire L’Express d’Outremont

Tout débat a une fin

Mme Chélin portait plainte contre l’hebdomadaire L’Express d’Outremont, reprochant à l’éditrice, Patricia Ann Beaulieu, et au directeur de l’information, Hugo Lemay, d’avoir publié des lettres de lecteurs, insultantes à son égard et d’avoir refusé de publier ses répliques.

La plaignante accusait d’abord le journal d’avoir publié des lettres de lecteurs mensongères, portant atteinte à sa réputation. Il s’agissait d’un texte mis en ligne le 4 juin 2008, intitulé « Benevolus : bonne volonté », écrit par six résidents d’Outremont, et d’un second intitulé « Comités consultatifs : précisions de la mairesse. Au sujet des remarques, récriminations et insinuations de Mme Chélin concernant les comités consultatifs », publié dans la version papier du journal le 5 juin 2008 et mis en ligne le 4 juin 2008. Ces deux textes sont des répliques à une lettre d’opinion de Mme Chélin, intitulée « Huis clos un jour, huis clos toujours », mis en ligne le 14 mai 2008 et publié le 29 mai 2008. Après examen des lettres publiées, le Conseil a remarqué que les propos ne sont, sur le fond et dans la forme, ni injurieux ni outranciers et que leur publication ne portait pas atteinte à la réputation de la plaignante. Le grief a été rejeté.

La plaignante reprochait ensuite au journal de n’avoir pas publié les deux répliques qu’elle avait envoyées. Or, le journal a choisi de clore le dossier d’opinions ouvert par la lettre de Mme  Chélin et complété par les répliques de la mairesse et de six résidents d’Outremont. Selon l’éditrice et le directeur de l’information, cette décision prévenait le risque que le journal ne devienne une « interface passive pour les débats entre groupes et individus ». Le Conseil a indiqué que, bien qu’ils doivent encourager la libre circulation des idées, les responsables d’un média peuvent refuser de publier certains textes, le public n’ayant pas accès de plein droit aux pages des médias. De plus, estimant que tant le point de vue de la plaignante que de ceux qui s’y opposaient ont été présentés, le Conseil a estimé que les opinions furent balancées. Le grief a été rejeté.

Le Conseil a rejeté la plainte de Mme Annie Chélin contre l’hebdomadaire l’Express d’Outremont et sa direction.

Le texte intégral des décisions ainsi qu’un résumé des arguments des parties en cause peuvent être consultés au www.conseildepresse.qc.ca, à la section « Les décisions redues par le Conseil ».

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SOURCE :       
Marie-Eve Carignan, responsable des communications
Conseil de presse du Québec
Tél. : (514) 529-2818

RENSEIGNEMENTS :    
Guy Amyot, secrétaire général
Conseil de presse du Québec
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