Le tribunal d’honneur du Conseil de presse du Québec a rendu et publié douze (12) nouvelles décisions reliées à des plaintes qu’on lui avait soumises. Huit (8) d’entre elles ont été retenues, les quatre (4) autres ayant été rejetées. Cinq (5) d’entre elles sont ici résumées.
Était-ce nécessaire de le voir?
Dans cette affaire, les plaignants reprochaient une longue série de griefs à Mme Marie-Claude Malboeuf, journaliste à La Presse, concernant deux articles, de même qu’un reportage vidéo, portant tous sur M. François Lesage, ex-psychologue, radié de l’Ordre des psychologues du Québec pour une série d’abus à caractère sexuel perpétrés contre ses clientes.
Les plaignants dénonçaient des titres, une image et un avertissement sensationnalistes, une information incomplète, de la partialité, le manque de crédibilité de la source, une attitude tendancieuse et irrespectueuse de la journaliste envers sa source, un bris d’entente de confidentialité, une utilisation injustifiée de procédés clandestins et un manque d’équilibre.
Tous ces griefs ont finalement été rejetés par le comité des plaintes, qui a notamment estimé que l’utilisation de procédés clandestins était justifiée dans les circonstances. En effet, le reportage vidéo accompagnant les articles présente entre autres une entrevue qu’a sciemment accordée M. Lesage, sans cependant savoir qu’il serait filmé. La déontologie journalistique stipule que l’un des critères justifiant l’utilisation de procédés clandestins réside dans le haut degré d’intérêt public de l’information ainsi recherchée. Dans le cas présent, comme M. Lesage avait d’ores et déjà accepté d’accorder une entrevue à la journaliste, la question était donc de savoir si les images elles-mêmes, et en soi, avaient ce caractère de haut degré d’intérêt public. Jugeant que le langage corporel et les silences de M. Lesage, alors qu’il changeait sa version des faits et avouait avoir abusé d’une cliente, présentait ce caractère. Le grief a donc été rejeté.
L’identification de victimes mineures d’actes criminels : une faute déontologique
Mme Amélie Lacroix reprochait à la journaliste Annabelle Blais d’avoir enfreint le principe selon lequel les médias ne doivent pas identifier des personnes mineures impliquées dans la commission d’un acte criminel, jugeant que celle-ci avait établi un lien entre une personne accusée de pédophilie, qui était identifiée dans l’article, et ses « petits-enfants », donnant du même coup suffisamment d’information pour permettre une identification de ceux-ci. Elle ajoute que la journaliste, par le fait même, contrevenait à une ordonnance de non-publication émise par le tribunal.
Dans les circonstances, le comité des plaintes a jugé qu’Annabelle Blais ainsi que La Presse avaient clairement contrevenu au principe déontologique dont il est ici question. La plainte a donc été retenue.
« Y a toujours un boutte » à entretenir des préjugés
Dans cette affaire, M. Anouar Abdelhak et Mme Aicha Chachou reprochaient au journaliste Michel Beaudry, œuvrant au Journal de Montréal d’avoir tenu, dans un article intitulé « Y a toujours un boutte », des propos discriminatoires envers les musulmans.
On pouvait notamment y lire que l’auteur estimait que parmi les croyants, « les musulmans sont les plus gossants ». M. Beaudry y affirmait également qu’à son avis la communauté musulmane internationale était trop intégriste et haineuse, et qu’elle maltraitait ses semblables.
Aux yeux du Conseil, ces commentaires, sans tout à fait relever de l’incitation à la haine, sont néanmoins de nature à cultiver et entretenir les préjugés à l’égard des musulmans. En conséquence, le comité des plaintes a retenu la plainte pour propos discriminatoires.
L’image d’une femme voilée
Le 24 août 2013, Mme Hebah Asfour déposait une plainte contre lapresse.ca concernant l’utilisation, quelques jours plus tôt, d’une photographie d’elle pour illustrer un article qui ne la concernait ni de près, ni de loin.
La photographie en question, prise en 2005 alors qu’elle avait accordé une entrevue au journal au sujet du port du voile dans les écoles privées, a ainsi été réutilisée, dans des contextes tout autres, pour illustrer au moins deux autres articles parus dans La Presse. Après la première réutilisation, Mme Asfour a contacté la direction de La Presse, qui lui aurait assuré qu’une telle erreur ne se reproduirait plus. Une deuxième réutilisation est cependant survenue.
Selon la plaignante, il s’agit d’une atteinte à son droit à l’image. Le comité des plaintes partage entièrement cet avis.
Attention à la simplification
Estimant que Radio-Canada avait laissé entendre, à tort, que élections présidentielles de novembre 2010, en Côte d’Ivoire, avaient été remportées par Alassane Ouattara, M. Bernard Desgagné a porté plainte contre le diffuseur public, lui reprochant d’avoir été inexact. Il estimait en outre qu’il était inexact d’affirmer, comme le faisait l’article, que « De nombreux crimes, dont des massacres, des persécutions, des meurtres et des viols, ont été attribués au régime de Laurent Gbagbo pendant cette période. »
Le Conseil lui a donné raison sur le premier grief : considérant la controverse entourant l’élection présidentielle, Radio-Canada aurait dû être plus nuancée dans sa façon de présenter les choses. Cependant, le deuxième grief a été rejeté, puisque l’affirmation était exacte, aux yeux du Conseil : selon plusieurs sources crédibles, notamment les procureurs de la Cour pénale internationale, le régime de Laurent Gbagbo est effectivement responsable des crimes auxquels réfère l’article de Radio-Canada.
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En vrac
Dans un jugement tout à fait analogue à celui qu’il avait rendu à l’égard de La Presse (D2013-06-132), le Conseil a retenu une plainte déposée cette fois contre le site internet de TVA Nouvelles : dans un cas comme dans l’autre, l’erreur du média aura été d’illustrer un article portant sur l’abolition du registre des armes d’épaule, en utilisant la photographie d’une arme qui n’était d’aucune façon visée par cette abolition – dans le cas présent, une arme de poing. Selon le Conseil, la photo utilisée induisait le public en erreur.
La Commission scolaire des Rives-du-Saguenay a déposé plainte contre le Journal de Québec—Saguenay-Lac-Saint-Jean pour dénoncer la publication d’informations inexactes dans un article portant sur les sévices qu’aurait prétendument subis un jeune garçon, autiste, fréquentant une école rattachée à la commission scolaire. Le comité des plaintes a donné raison au plaignant, qui estimait que l’article avait injustement fait fi du fait qu’une enquête policière avait conclu que les accusations du jeune garçon étaient sans fondements.
M. Louis Beauchamp, président du comité du Regroupement lambertois pour un nouvel aréna, a déposé une plainte le 25 juillet 2013 contre Le Journal de St-Lambert concernant le titre d’un article, de même que l’article lui-même, publiés le 3 juillet 2013 et intitulé « Le hockey mineur demande un référendum sur l’aréna ».
Le Conseil s’est rangé du côté du plaignant, constatant que l’affirmation contenue dans le titre était fausse. Un grief pour manque de diligence dans la rectification a également été retenu.