D2024-02-014

Plaignante

Cassandra Bourret,
propriétaire du magasin de robes de mariée
La Boutique Champagne!

Mis en cause

Kathryne Lamontagne, journaliste

Richard Olivier, journaliste

Maude Boutet, journaliste

Émission « J.E. »

Le quotidien Le Journal de Montréal

Le quotidien Le Journal de Québec

Groupe TVA

QUB radio

Québecor Média

Date de dépôt de la plainte

Le 11 février 2024

Date de la décision

Le 24 janvier 2025

Résumé de la plainte

Cassandra Bourret, propriétaire d’un magasin de robes de mariée de Saint-Hyacinthe, La Boutique Champagne!, dépose une plainte le 11 février 2024 au sujet du reportage « Le pire du mariage », de l’émission « J.E. » diffusée le 12 janvier 2024 à TVA et sur le site Internet de TVA Nouvelles. La plainte vise également les articles « Une robe de mariée… verte », « Son futur mari meurt 11 jours avant les noces », « Une tenue transparente à 72 heures du grand jour » et « Quand la robe rêvée devient le pire cauchemar », publiés le 12 janvier 2024 dans le quotidien Le Journal de Montréal, ainsi que les textes suivants diffusés sur Internet le même jour : « Calvaire des futures mariées : la robe rêvée devient leur pire cauchemar » (publié sur les sites Internet de TVA Nouvelles, du Journal de Montréal, du Journal de Québec et de QUB radio), « Pas de robe à 72 heures de ses noces : “On voyait mes seins au travers”» (publié sur les sites Internet du Journal de Montréal et du Journal de Québec), « Son futur mari décède 11 jours avant le mariage : la boutique Champagne! refuse de rembourser sa robe » (publié sur les sites Internet du Journal de Montréal, du Journal de Québec et de QUB radio) et « Une robe de mariée… verte : “C’était tellement absurde. C’était plus gros que moi comme situation » (publié sur les sites Internet de TVA Nouvelles, du Journal de Montréal, du Journal de Québec et de QUB radio). La plaignante déplore des informations inexactes, un manque d’équilibre et du sensationnalisme. Le grief d’atteinte à la réputation ne sera pas traité (voir « Grief non traité : atteinte à la réputation » à la fin de cette décision).

Contexte

Le 12 janvier 2024, l’émission « J.E. » diffuse un reportage présentant les insatisfactions de trois femmes concernant leur robe de mariée, chacune achetée à La Boutique Champagne!. Leurs récits sont également présentés dans des articles publiés sur les sites Internet de TVA Nouvelles, Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec et QUB radio. 

L’un des témoignages dans le reportage est celui d’Andrée-Anne Hallé qui déplore qu’au moment de l’essayage de sa robe, confectionnée sur mesure, la jupe était verte plutôt que blanche.

De son côté, Sherley Jean-Baptiste affirme qu’à 72 heures de son mariage, elle a dû acheter une autre robe de mariée parce que celle réalisée par La Boutique Champagne! s’est révélée transparente au niveau de la poitrine. 

Finalement, le reportage présente Mélanie Noël, qui regrette le manque de compassion des propriétaires de la boutique au moment du décès de son fiancé onze jours avant la date prévue du mariage. Elle déplore le fait qu’aucun remboursement n’ait été possible.

La plaignante dans ce dossier est la propriétaire de La Boutique Champagne!.

Griefs de la plaignante

Grief 1 : informations inexactes

Principe déontologique applicable

Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ». (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)

1.1 Frais d’ajustements

Le Conseil doit déterminer si les journalistes Kathryne Lamontagne et Richard Olivier ainsi que Le Journal de Montréal ont transmis de l’information inexacte dans le passage suivant de l’article « Une robe de mariée… verte » :

« Face au mécontentement d’Andrée-Anne Hallé, Champagne! accepte de retravailler la robe… mais pour 500 $ supplémentaires. Les noces arrivant à grands pas, la future mariée accepte. »

Décision

Le Conseil de presse du Québec retient le grief d’informations inexactes sur ce point.

Arguments des parties

La plaignante déplore de l’information inexacte dans le passage ci-dessus. Elle avance que « la boutique a effectué le changement de style à ses frais et cela n’a jamais été au coût d’Andrée-Anne Hallé, ce qui est clairement stipulé à cette dernière en personne, sur ses factures et par courriel. Les 500 $ supplémentaires payés par Andrée-Anne Hallé sont pour ses ajustements de fitting normal pour ce type de vêtement. »

Les mis en cause n’ont pas souhaité formuler de commentaire au sujet de la plainte.

Analyse du comité des plaintes

Le passage visé par la plainte suit la description du dévoilement de la robe de mariée d’André-Anne Hallé lors du premier essayage : 

« Au moment de l’essayage, Claudy Tessier informe alors la future mariée qu’elle s’est permis une “petite liberté créative”. Tout le bas de sa robe allait être… vert. Pourtant, jamais il n’avait été question que la tenue soit d’une autre couleur que le blanc. 

“C’était tellement absurde. C’était plus gros que moi comme situation. Je n’étais même pas capable d’être fâchée”, se souvient la future mariée, encore abasourdie.

Face au mécontentement d’Andrée-Anne Hallé, Champagne! accepte de retravailler la robe… mais pour 500 $ supplémentaires. Les noces arrivant à grands pas, la future mariée accepte. » 

À la lecture de ce passage, le lecteur comprend que la facture acquittée par la future mariée concerne les altérations nécessaires pour corriger ce qui cause son « mécontentement », soit la couleur verte de la jupe de la robe. 

Or, la phrase est inexacte, car il n’y a, dans les faits, pas de lien entre les modifications nécessaires pour changer la couleur de la robe et les frais supplémentaires. La facture du 7 août 2023 mise en preuve par la plaignante montre que, si Andrée-Anne Hallé a bien déboursé 517,39 $ pour des ajustements, ce montant ne concerne pas les retouches nécessaires pour remplacer le tulle vert puisque ces retouches ont été créditées.

Selon cette facture analysée par le Conseil, le montant total des modifications à faire s’élevait à 2250 $. Cependant, un certain nombre d’entre elles ont été créditées, soit pour un total de 1800 $. Les retouches créditées sont décrites ainsi : « changer doublure pour blanche avec snap; changer tulle et self en blanc; ajout de volant et traîne en tulle blanche de 50 cm; refaire pièce du dos plus large ». Ces corrections réalisées sans frais visant à répondre au mécontentement de la cliente, il est donc inexact d’affirmer qu’elle a été facturée 500 $ pour celles-ci.. 

L’information exacte était disponible au moment du reportage puisque la plaignante a été en mesure de fournir la facture au Conseil. Lorsqu’il a la preuve que l’information transmise est inexacte, le Conseil retient le grief, comme il l’a fait dans le dossier D2020-07-093. Dans ce cas, l’information inexacte concernait le nombre de résidents hébergés dans une résidence pour aînés. Alors que l’article faisait état de 55 résidents, le plaignant, propriétaire de la résidence, a souligné que l’établissement ne comptait que 50 chambres. L’information transmise dans l’article provenait d’une source que le journaliste avait consultée. Le Conseil a jugé que « l’information communiquée par cette personne au sujet du nombre de résidents est erronée et il était facile de le vérifier, comme le reconnaît d’ailleurs le journaliste dans le texte rectificatif publié le lendemain, en écrivant : “Une vérification faite sur le site Résidence-Québec.ca permet en effet de confirmer que la résidence de la rue Académie dispose de 50 unités.” Le nombre 55 était donc clairement erroné.” » Le Conseil a souligné que « le journaliste avait le devoir de vérifier l’information factuelle concernant le nombre de résidents hébergés à la Résidence Académie ».

De la même manière, dans le cas présent, l’information présentée dans l’article n’est pas fidèle à la réalité, comme le démontre la facture mise en preuve par la plaignante. La facture de 500 $ payée par Andrée-Anne Hallé ne concernait pas les aspects de la robe qui justifiaient le mécontentement de la cliente, contrairement à ce qui est affirmé dans l’article. Par ailleurs, le journaliste pouvait vérifier cette information qui était disponible au moment de la préparation du reportage. Pour cette raison, le grief d’information inexacte est retenu.

1.2 Manque de tissu

Le Conseil doit déterminer si les journalistes Kathryne Lamontagne et Richard Olivier ainsi que Le Journal de Montréal ont transmis de l’information inexacte dans le passage suivant de l’article « Une robe de mariée… verte » :

« Pas assez de tissus

Les deux parties se redonnent donc à nouveau rendez-vous, quatre jours avant la cérémonie. Mais lors de l’ultime essayage, la déception est totale : la robe tombe constamment sur le dos, ce qui expose en tout temps la poitrine de la future mariée.

Claudy Tessier se serait défendue en affirmant qu’elle avait “manqué de tissus” pour compléter la robe. Pour la cliente, c’en est trop. La confiance n’y est plus. »

Décision

Le Conseil rejette le grief d’informations inexactes sur ce point.

Arguments des parties

La plaignante déplore de l’information inexacte dans le passage ci-dessus au sujet de la quantité de tissu. Elle affirme : « C’est faux. L’entreprise n’a pas manqué de tissu pour faire la robe ou les ajustements normaux associés à celle-ci, il n’y avait seulement pas assez de tissu pour des modifications que la cliente a demandées qui sortaient du design original commandé, malgré cela nous avons quand même réussi à faire plusieurs modifications qui relevaient de demandes qui ne faisaient pas partie de la commande de la cliente au départ. »

Analyse du comité des plaintes

Le passage visé concerne la réaction de la copropriétaire de La Boutique Champagne!, Claudy Tessier, telle que décrite par la cliente. Les journalistes écrivent : « Claudy Tessier se serait défendue en affirmant qu’elle avait “manqué de tissus” pour compléter la robe. » De son côté, la plaignante affirme qu’il n’y avait « pas assez de tissu pour des modifications que la cliente a demandées qui sortaient du design original commandé ». 

La cliente et les propriétaires de la boutique s’accordent pour dire qu’il manquait de tissu. Cependant, elles offrent des versions contradictoires en ce qui concerne l’impact de cette situation sur la confection de la robe. Selon l’article, il n’y avait pas assez de tissu « pour compléter la robe » alors que selon la plaignante, le manque de tissu a uniquement eu un impact sur les demandes additionnelles faites par la cliente. 

Une inexactitude est constatée uniquement lorsque la preuve démontre que les faits présentés dans l’article sont inexacts. Face à des versions contradictoires et en l’absence d’une preuve qui permette de départager les différentes interprétations faites par chacune des parties de cette histoire, le grief est rejeté.

Dans plusieurs de ses décisions antérieures, notamment celle rendue dans le dossier D2022-02-112, le Conseil a rejeté le grief d’information inexacte en raison d’un manque de preuve. Dans ce dossier, le Conseil se trouvait « devant des versions contradictoires, sans preuve concrète lui permettant de déterminer si le départ à la retraite d’André Chevalier était lié ou non à l’enquête sur le climat de travail dans la salle de nouvelles de TVA. Lorsque des versions contradictoires s’affrontent, des preuves concrètes confirmant les allégations sont nécessaires, sans quoi il est impossible de conclure à une inexactitude. […] Ni le plaignant ni le média n’apportent de preuve permettant de statuer sur l’inexactitude alléguée, et la chronologie des événements ayant mené au départ à la retraite de M. Chevalier n’a pas été rendue publique. »

De la même façon, dans le cas présent, en l’absence d’une preuve démontrant qu’il est inexact d’affirmer que la boutique « avait “manqué de tissus” pour compléter la robe », le grief est rejeté.

1.3 La robe tombe sur le dos

Le Conseil doit déterminer si les journalistes Kathryne Lamontagne et Richard Olivier ainsi que Le Journal de Montréal ont transmis de l’information inexacte dans le passage suivant de l’article « Une robe de mariée… verte » : 

« Mais lors de l’ultime essayage, la déception est totale : la robe tombe constamment sur le dos, ce qui expose en tout temps la poitrine de la future mariée. »

Décision

Le Conseil rejette le grief d’informations inexactes sur ce point.

Arguments des parties

La plaignante déplore de l’information inexacte en ce qui concerne la façon dont la robe tombait sur la cliente. Elle indique : « C’est faux, des ajustements supplémentaires ont été faits aux frais de la boutique et livrés le 31 août pour apporter pleine satisfaction à la cliente et elle n’est jamais venu réessayer/chercher la robe pour pouvoir en témoigner. » 

Analyse du comité des plaintes

La cliente, dont les propos sont rapportés dans l’article, et la plaignante parlent de l’ajustement de la robe à deux moments différents : au moment du dernier essayage dans le cas de la cliente et au moment de la livraison finale dans le cas de la plaignante. Bien que la plaignante affirme que la version finale de la robe était corrigée, elle n’apporte pas la preuve que la robe ne tombait pas sur le dos de la cliente au moment où elle a fait son « ultime essayage », soit le moment dont il est question dans l’article.

Tout comme au grief précédent, nous n’avons pas la preuve que l’information concernant la façon dont la robe tombait sur la cliente au moment de l’ultime essayage est inexacte. En l’absence de preuve, le grief d’information inexacte est rejeté.

1.4 Remboursement

Le Conseil doit déterminer si les journalistes Kathryne Lamontagne et Richard Olivier ainsi que Le Journal de Montréal ont transmis de l’information inexacte dans le passage suivant de l’article « Son futur mari meurt 11 jours avant les noces » :  

« Face à ce drame, la sœur de la mariée a appelé la boutique afin de tenter de trouver un arrangement. En vain. Aucun remboursement, même partiel, n’était possible.

“Elle ne nous a même pas offert ses condoléances”, se désole encore Caroline Noël.

Pour comble d’insulte, la boutique lui aurait rapidement fait parvenir un courriel pour savoir si elle et sa sœur – la future mariée – viendraient récupérer les robes dans les jours à venir, comme cela avait été prévu avant le décès. Encore là, sans condoléances ou sympathies pour la nouvelle veuve. »

Décision

Le Conseil rejette le grief d’informations inexactes sur ce point. 

Arguments des parties

La plaignante déplore de l’information inexacte dans le passage ci-dessus de l’article qui rapporte l’expérience de Mélanie Noël. Le fiancé de Mme Noël est décédé quelques jours avant la date prévue de leur mariage. Au sujet du remboursement, la plaignante affirme : « La Boutique Champagne! s’est assuré que la cliente avait toutes les politiques en main avant de faire son achat, Mme Noël avait une copie des politiques de la boutique entre les mains dès sa prise de rendez-vous à la Boutique Champagne! et ce, près d’un mois avant la date d’achat de sa robe. Au moment de sa venue en boutique, elle a elle-même témoigné du pronostic de son futur époux et était consciente des risques qu’il décède avant la date du mariage. La Boutique s’était assurée que la cliente ait toutes les informations pour prendre des décisions. »

La plaignante met en preuve les factures en lien avec la transaction de Mélanie Noël. Ces factures spécifient que la transaction est : « Non-remboursable. Non échangeable. Le produit est accepté tel quel, il est normal d’avoir de petits défauts. » 

Analyse du comité des plaintes

L’article fait état du mécontentement de Mélanie Noël et de sa sœur concernant l’absence de remboursement de leurs robes et l’absence de compassion des responsables de la boutique. Les factures mises en preuve par la plaignante ne démontrent cependant pas que l’information transmise dans le passage visé de l’article est inexacte. Que la boutique ait appliqué sa politique, qui avait été communiquée préalablement à la cliente, ne change rien au fait qu’aucun remboursement n’a été offert, ni à la façon dont Mélanie Noël et sa sœur ont vécu la situation. Il n’est donc pas inexact de dire qu’« aucun remboursement n’était possible » dans la mesure où la politique de remboursement de la boutique était claire.

Par ailleurs, au sujet de la phrase « Encore là, sans condoléances ou sympathies pour la nouvelle veuve » la plaignante n’apporte pas de preuve permettant de constater qu’elle aurait offert ses « condoléances ou sympathies ». 

De la même façon qu’aux deux griefs précédents, en l’absence d’une preuve démontrant que l’information visée est inexacte, le grief est rejeté.

1.5 Transparence

Le Conseil doit déterminer si les journalistes Kathryne Lamontagne et Richard Olivier ainsi que Le Journal de Montréal ont transmis de l’information inexacte dans le passage suivant de l’article « Une tenue transparente à 72 heures du grand jour » :

« Sherley Jean-Baptiste a fait quelques allers-retours, de Montréal, pour la prise de ses mesures et des essayages. Mais à une semaine du mariage, lors de l’essayage final, la robe se révèle être extrêmement inconfortable… et surtout transparente. 

“On voyait mes seins au travers de la robe”, peste Sherley Jean-Baptiste, qui a ensuite tenté de se faire rembourser, en vain.

“Ils nous ont sorti des niaiseries du genre : ‘Mets un châle dessus ou demande à ta mère de faire des retouches’. C’était super insultant”, relate, encore ébahie, la future mariée. »

Décision

Le Conseil rejette le grief d’informations inexactes. 

Arguments des parties

La plaignante considère que le passage ci-dessus comporte de l’information inexacte au sujet de la transparence de la robe. Elle soutient : « Cet énoncé mentionne la transparence de la robe comme si cela était quelque chose de mauvais et inacceptable. Tandis que le haut en transparence a été fait à la demande de la cliente. Pour preuve à l’appui, c’est littéralement écrit sur son devis avant l’achat et sa facture, de plus elle a aussi accepté le croquis de la robe au même moment et la robe est la digne interprétation du croquis (elle mentionne même dans Le Journal de Montréal que le croquis correspondait à ce qu’elle voulait). »

La plaignante affirme que « la robe était un achat de la cliente et cela n’aurait été d’aucun intérêt pour l’entreprise de faire quelque chose de différent que celui demandé par la cliente. La cliente est partie paraissant satisfaite de la Boutique Champagne! avec sa robe. La cliente a demandé un remboursement en étant en possession du bien à la maison, et sans préavis, ou logique apparente autre que celle qui semble être issue d’un changement d’idée par rapport à ce qu’elle voulait pour son mariage comme type de robe. L’entreprise ne peut être responsable dans de tels cas. »

À propos des suggestions faites par la boutique, la plaignante estime qu’il a été « volontairement omis que malgré que la Boutique Champagne a livré une robe qui répondait exactement à leur engagement qu’elles ont malgré tout proposé à la cliente de revenir en boutique pour pouvoir ajuster ce qui semblait tout à coup être un dérangement pour la cliente. La cliente a refusé le service offert par l’entreprise pour l’aider, car elle ne souhaitait pas se déplacer, c’est à ce moment que l’entreprise a tenté de lui apporter différentes solutions applicables à la maison. » 

La plaignante met en preuve une copie du devis et de la facture de Sherley Jean-Baptiste dans lesquelles on décrit la robe de la cliente. On y lit : 

« Robe de mariée coupe sirène, haut en dentelle en transparence avec bretelle en bijou. Jupe à volants insertion de tissu à motif africain dans la traîne. »

Analyse du comité des plaintes

La facture soumise par la plaignante spécifie effectivement que la transparence de la robe était un souhait de la cliente, puisqu’il est y écrit que les demandes de la cliente sont un « haut en dentelle en transparence ». 

Cependant, le fait que la cliente a commandé une robe dont le haut était en transparence ne rend pas inexacte l’information selon laquelle la robe qui lui a été livrée était transparente.

En l’absence de preuve établissant l’inexactitude de l’information, le grief est rejeté, tout comme aux trois griefs précédents.

Grief 2 : manque d’équilibre

Principe déontologique applicable

Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : c) équilibre : dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération du point de vue des parties en présence ». (article 9 c) du Guide)

Le Conseil doit déterminer si les journalistes Kathryne Lamontagne, Richard Olivier et Maude Boutet ainsi que le Groupe TVA, Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec et QUB radio ont manqué à leur devoir d’équilibre dans leur couverture journalistique portant sur les insatisfactions de clientes de La Boutique Champagne!.

Décision

Le Conseil retient le grief de manque d’équilibre. 

Arguments des parties 

La plaignante considère que le principe d’équilibre n’a pas été respecté dans  « l’ensemble des articles et émissions diffusés par Québecor Média (J.E., Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec, QUB, etc.) ». Elle estime que le traitement journalistique n’est « pas équilibré et fait en sorte qu’il est impossible pour les téléspectateurs et les lecteurs de se forger une opinion franche, véridique et conforme à la réalité. »

La plaignante a également indiqué qu’elle ne connaissait pas l’identité des clientes mécontentes ni au moment où elle a transmis une lettre au journaliste avant l’entrevue ni au moment de l’entrevue à la caméra. Au sujet de la lettre transmise au journaliste avant l’entrevue, la plaignante indique : « Cette lettre a été rédigée avant l’entrevue, dans un contexte où il ne nous avait malheureusement pas précisé de quelles clientes il s’agissait ni donné plus de détails sur les raisons exactes de l’insatisfaction évoquée. Le journaliste avait simplement mentionné que cela concernait des mécontentements de clientes de façon générale, sans entrer dans le spécifique. Avec plus de 400 clientes par an et n’ayant aucune indication plus précise, je n’avais d’autre choix que de préparer une réponse plutôt générique. »

Au sujet de l’entrevue, la plaignante ajoute : « Lors de l’entrevue en personne, j’espérais pouvoir clarifier les choses, mais une fois encore, le journaliste a refusé de nous fournir les questions à l’avance ou de me dire clairement de quelles clientes il s’agissait. Cela m’a mise dans une position délicate où je ne pouvais pas anticiper ni fournir de documents ou de preuves spécifiques avant notre rencontre. »

Analyse du comité des plaintes

Afin de déterminer s’il y a eu manque d’équilibre, il faut d’abord identifier les parties en présence dans ce sujet du reportage et des articles visés et ensuite évaluer s’il y a une juste pondération de leur point de vue. 

La Boutique Champagne!, spécialisée dans la vente et la confection de robes de mariée, est au cœur de cette section de l’émission « J.E. » sur les mariages catastrophiques et des articles visés par la plainte. La boutique fait l’objet d’allégations sérieuses provenant de trois clientes. Dans ce contexte, il ne fait aucun doute que La Boutique Champagne! était une partie en présence (les autres parties étant les clientes) dans cette affaire et qu’il fallait donc lui donner la chance de répondre spécifiquement au sujet des reproches que lui faisaient les trois clientes.

Les témoignages des trois clientes remettent en cause la qualité des services offerts par la boutique de la plaignante. C’est notamment le cas lorsque Andrée-Anne Hallé se plaint de la couleur verte de la jupe de sa robe de mariée; Sherley Jean-Baptiste déplore que le haut de sa robe était transparente au niveau des seins; et Mélanie Noël se désole de l’absence de condoléances des propriétaires de la boutique au moment du décès de son futur époux et de leur refus de la rembourser. Le reportage présenté à l’émission « J.E. » fait aussi état de plaintes reçues par l’Office de la protection du consommateur (OPC) contre La Boutique Champagne! et son non-respect de la loi qui l’oblige à déposer l’argent dans un compte en  fidéicommis. 

Lorsqu’un reportage présente des allégations graves visant une personne ou une entité, en l’occurrence ici la remise en question des pratiques d’une entreprise, les journalistes doivent offrir la possibilité à la personne (ou à l’entité) de répondre spécifiquement au sujet de ce qu’on lui reproche. 

Dans le cas présent, le reportage et les articles portent sur trois cas particuliers, mais ils n’offrent pas de réponses précises aux reproches formulés par les clientes, comme on le constate dans les trois exemples suivants. 

Dans le reportage télévisé, qui présente les expériences vécues par les trois clientes ainsi que les plaintes à l’OPC et le non-respect de la loi sur l’obligation d’avoir un compte en fidéicommis, le point de vue de La Boutique Champagne! est présenté à la fin du reportage : 

Cassandra Bourret (CB) : « On est un des seuls commerces à exclusivement que [sic] les rendez-vous se font avec des professionnels formés, diplômés, souvent du collège. »

Richard Olivier (RO) : « La jeune présidente de La Boutique Champagne! nous a expliqué que son entreprise a connu l’an dernier une forte croissance avec plus de 400 clientes et qu’elles ont presque toutes aimées leur robe. »

CB : « Les expériences de cauch… que vous mentionnez que peut-être certaines clientes ont vécues chez nous pour moi, ça demeure des cas isolés d’insatisfaction parce que moi je ne peux qu’entendre les 95 % des clientes qui sont satisfaites. »

RO : « La boutique nous assure qu’elle informe adéquatement ses clientes sur ses politiques de remboursement et qu’elle maintient un service téléphonique de 9h à 21h, du lundi au dimanche pour répondre aux clientes inquiètes et trouver des solutions à leurs problèmes. » 

CB : « Ça ne veut pas dire que parce qu’on propose des solutions qu’elles sont forcément acceptées par les clientes, on fait tout notre possible pour pouvoir trouver la solution. » 

Dans l’article « Une robe de mariée… verte », les journalistes rapportent les reproches formulées par Andrée-Anne Hallé à l’endroit de La Boutique Champagne! et de l’une des copropriétaires, Claudy Tessier. À la fin de l’article, sous le sous-titre « “Marge de manoeuvre” », on peut lire un extrait d’une déclaration écrite : 

« Dans une déclaration écrite, la boutique Champagne! se défend en affirmant que les designers ont une “certaine marge de manœuvre dans la conception et confection des robes”, un fait connu et “apprécié” de sa clientèle.

L’entreprise reconnaît qu’il arrive “à l’occasion” que des clients soient “mécontents”, par exemple “parce que certaines décisions artistiques ne leur conviennent pas ».

Dans de tels cas, Champagne! “s’efforce d’offrir une solution adéquate”, notamment “en réajustant la robe en fonction des demandes formulées”, dit-elle. »

Après avoir résumé les reproches formulés par les trois clientes, l’article « Quand la robe rêvée devient le pire cauchemar » enchaîne en présentant la mission du commerce : 

« Le commerce de Saint-Hyacinthe loue, vend et confectionne des robes de mariée et de soirée. La direction affirme offrir des produit de “haute qualité” ainsi que des “créations uniques, conçues et confectionnées sur mesure par des artisans d’ici, en étroite collaboration avec ses client(e)s ”. »

Par la suite, l’article rapporte que l’Office de la protection du consommateur a « reçu près d’une dizaine de plaintes concernant La Boutique Champagne! au cours des deux dernières années, notamment pour pratiques trompeuses ou déloyales ». La dernière partie de l’article présente le point de vue de la copropriétaire Cassandra Bourret, la plaignante dans le présent dossier : 

« Champagne! se défend

En entrevue, Cassandra Bourret, co-propriétaire de La Boutique Champagne!, affirme que son établissement a connu l’an dernier une forte croissance avec plus de 400 clientes… et qu’elles seraient presque toutes satisfaites.

“Les expériences […] que vous nous rapportez demeurent pour moi des cas isolés parce que 95 % d’entre elles sont satisfaites”, dit-elle.

La boutique soutient qu’elle informe ses clientes sur ses politiques de remboursement et d’annulation, et qu’elle offre un service téléphonique de 9h à 21h tous les jours, afin d’offrir des alternatives en cas de problèmes.

“Ça ne veut pas dire que les solutions que nous proposons sont acceptées. Mais nous faisons tout notre possible pour y arriver”, ajoute la jeune entrepreneure. »

Ces contreparties générales ne sont pas suffisantes puisqu’elles ne répondent pas aux allégations des clientes à qui le reportage et les articles donnent la parole. Rien n’indique, ni dans le reportage ni dans les articles, que l’entreprise a eu la possibilité de répondre aux allégations spécifiques formulées par les clientes. 

Afin de donner une vraie chance aux parties en présence de répondre aux allégations qui les visent, les journalistes doivent leur indiquer ce qui leur est reproché, comme l’explique la décision rendue par la commission d’appel dans le dossier D2022-11-220 / D2023-01-004 (2). Dans ce dossier, la commission d’appel a maintenu la décision de retenir le grief de manque d’équilibre. Après avoir confirmé que le quotidien Le Devoir constituait l’une des parties en présence dans le reportage et le balado réalisés conjointement par La Presse et le 98,5 FM qui revenaient sur une enquête journalistique réalisée deux ans plus tôt par Le Devoir, la décision d’appel fait valoir : « En ne présentant pas clairement au Devoir les faits qui pouvaient lui être reprochés et qui pouvaient expliquer le changement de perspective des femmes interviewées, La Presse et le 98,5 FM ne lui ont pas donné la chance de répondre en toute connaissance de cause à leur demande d’entrevue. En ne permettant pas au Devoir de comprendre les révélations qui la visaient directement, les journalistes n’ont pas donné une vraie chance au Devoir de répondre aux allégations concernant l’enquête initiale qu’il avait effectuée. En ce sens, elles n’ont pas offert au public une juste pondération du point de vue des parties en présence. »

Il est établi que les journalistes doivent permettre aux parties qui font l’objet de reproches dans un reportage de pouvoir faire valoir leur point de vue. C’est d’autant plus important lorsque les allégations sont graves, comme le souligne la décision D2024-01-002, dans laquelle le Conseil a retenu le grief de manque d’équilibre. Cette décision fait valoir que les allégations visant la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) « sont très graves ». Le Conseil a considéré que « les reproches formulés à l’endroit de la DPJ nécessitaient de présenter la version des faits des responsables de l’organisme. L’empressement de publier ne justifiait pas de présenter un article sans sa version et sans explication au sujet de l’absence de sa version des faits ». La décision explique que devant un refus de répondre de l’une des parties en présence ou l’impossibilité de la joindre, un journaliste peut faire l’équilibre en rapportant sa position ou ses réponses aux allégations dont il est question dans le reportage. Dans le cas des allégations qui visaient la DPJ, la journaliste aurait pu rapporter la sortie du ministre responsable sur le même sujet. 

L’équilibre peut en effet se faire de différentes façons, notamment en citant une déclaration écrite. Cependant, les journalistes doivent s’assurer que celle-ci répond aux reproches formulés dans le reportage. Dans le dossier D2020-03-035, le Conseil a retenu le grief de manque d’équilibre même si le média avait publié un extrait d’une déclaration publiée sur Facebook par le plaignant, parce que cette déclaration ne répondait pas directement aux allégations auxquelles le plaignant faisait face dans l’article. Dans la décision, le Conseil fait valoir : « Cet article manque, en effet, d’équilibre. Christopher Kalafatidis [le plaignant dans ce dossier] est le sujet principal de cet article qui rapporte les accusations auxquelles il fait face dans le cadre d’une procédure de destitution. Dans ce contexte, la journaliste devait tenter d’obtenir sa version des faits afin qu’il puisse répondre aux reproches qui lui sont faits publiquement. »

La décision ajoute : « Au lieu de lui permettre de se défendre, la journaliste a publié quelques déclarations écrites que M. Kalafatidis a faites sur Facebook. Ce n’était pas suffisant. Bien que les mis en cause considèrent que la publication Facebook du plaignant constituait une “réponse publique globale” (“comprehensive public response”) et présentait sa position concernant la motion de destitution, le Conseil constate que, dans le texte publié sur Facebook, le plaignant défend son bilan, mais ne répond pas à ceux qui souhaitent sa destitution, ce qui est pourtant le sujet de l’article. »

De la même manière, dans le cas présent, le reportage et les articles ne témoignent pas du fait que la plaignante ait eu accès aux reproches des clientes afin de pouvoir y répondre de façon précise. Les passages du reportage télévisé et des articles qui offrent le point de vue de La Boutique Champagne! présentent une défense générale – on y cite même la mission de l’entreprise – et ne répondent pas aux allégations avancées. Afin d’obtenir des réponses aux cas concrets présentés dans le reportage et les articles, les journalistes devaient présenter à la plaignante les faits qui seraient exposés afin de lui donner l’opportunité d’y répliquer. En ne le faisant pas, les journalistes n’ont obtenu que des réponses générales de la part de la plaignante. Ces propos, rapportés dans le reportage et dans les articles, ne constituent pas une juste pondération du point de vue des parties en présence.

Grief 3 : sensationnalisme

Principes déontologiques applicables

Sensationnalisme : « Les journalistes et les médias d’information ne déforment pas la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’ils rapportent. » (article 14.1 du Guide)

Illustrations, manchettes, titres et légendes : « Le choix et le traitement des éléments accompagnant ou habillant une information, tels que les photographies, vidéos, illustrations, manchettes, titres et légendes, doivent refléter l’information à laquelle ces éléments se rattachent. » (article 14.3 du Guide)

3.1 Légende – Robe verte

Le Conseil doit déterminer si le média a déformé la réalité en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’il rapporte dans le passage suivant de la légende de la photo qui accompagne l’article du Journal de Montréal « Une robe de mariée… verte » : 

« 1. La future mariée Andrée-Anne Hallé, en compagnie de la copropriétaire de la boutique Champagne!, Claudy Tessier, lors du dévoilement de sa robe de mariée… verte. »

Décision

Le Conseil rejette le grief de sensationnalisme sur ce point.

Arguments des parties

La plaignante considère sensationnaliste l’information transmise dans le passage ci-dessus de la légende. Elle affirme : « Cet extrait illustre une utilisation sensationnaliste de situations individuelles pour peindre un portrait globalement négatif de notre entreprise. En choisissant de mettre en avant ces cas particuliers sans offrir un contexte complet ou reconnaître les efforts de résolution de notre part, le média crée une impression trompeuse d’insensibilité et d’incompétence. »

En ce qui concerne la couleur de la robe, la plaignante précise que « la mention d’une robe de mariée “verte” est présentée de manière à susciter le choc et la surprise, sans tenir compte des spécificités du design ou des souhaits de la cliente ou des efforts que l’entreprise a faits pour atteindre la pleine satisfaction de la cliente. Cette approche omet les nuances importantes de la préférence personnelle et du choix stylistique, privilégiant un angle sensationnel. En plus, techniquement, la robe de mariée était plus blanche en tout point qu’elle n’était verte et au final, elle était blanche. »

La plaignante met en preuve des photos de la robe prises au moment de sa livraison, afin de faire voir que la robe était blanche à ce moment-là.   

Analyse du comité des plaintes

Avant de s’attarder à l’analyse de cette première allégation de sensationnalisme, il convient de décrire la disposition graphique de cette page de l’édition papier du 12 janvier 2024 du Journal de Montréal. La page présente trois photos, c’est-à-dire une photo de chacune des clientes qui témoignent dans les trois articles publiés sur cette même page 6. Chacune de ces photos illustre l’un des articles publiés sur la page. 

La première partie de la légende, visée par la plaignante dans le présent grief, est en lien avec la photo qui illustre le texte intitulé « Une robe de mariée…verte ». 

Bien que la plaignante considère que ce passage de la légende est sensationnaliste, celui-ci reflète l’information que l’on peut voir sur la photo. La légende, qui est un texte explicatif succinct, accompagne la photo montrant Andrée-Anne Hallé lors de l’essayage de sa robe dans la boutique. On y voit la future mariée dans une robe dont le haut est en dentelle et le bas en tulle qui est effectivement d’une teinte vert menthe. 

La légende ne déforme pas non plus abusivement le contenu de l’article, dans lequel on lit : « Au moment de l’essayage, Claudy Tessier informe alors la future mariée qu’elle s’est permis une “petite liberté créative”. Tout le bas de la robe allait être… vert. Pourtant, jamais il n’avait été question que la tenue soit d’une autre couleur que le blanc. » 

Les photos transmises par la plaignante montrent que la robe était blanche lors de la livraison. Cela ne constitue cependant pas une preuve que la légende déforme la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits, puisque la légende ne fait pas référence à la couleur de la robe au moment de la livraison, mais bien lors de son dévoilement à la cliente. Dans ce contexte, la photo montre bien que la cliente porte une robe dont la jupe est verte. 

Dans la décision antérieure D2021-11-208, qui visait le titre de l’article « Nouveau procès parce qu’il est anglo », le Conseil a rejeté le grief de titre sensationnaliste. Bien que cette décision concerne un titre, l’argumentaire s’applique également à une légende. On y explique que pour qu’un titre soit jugé sensationnaliste, il faut qu’il y ait eu une exagération ou une interprétation abusive des faits qui a pour conséquence de déformer la réalité. Or, dans le cas de ce dossier, aucun élément ne vient appuyer une interprétation abusive des faits. La référence au statut linguistique de l’accusé dans le titre n’exagère pas la réalité. Au Canada, le terme « anglo » désigne une personne dont la langue maternelle est l’anglais – « an English-speaking Canadian », selon le Collins Dictionary. Or, à titre d’anglophone, l’accusé a souhaité un procès dans sa langue, ce qui relève de son droit. Bien qu’un titre puisse frapper l’imaginaire et attirer le lecteur par son style, il n’en est pas pour autant sensationnaliste du moment où il ne déforme pas les faits par une interprétation abusive ou une exagération manifeste de la réalité. Le titre fait référence au statut linguistique de l’accusé, un anglophone, qui n’a pas été respecté lors du procès initial, et au nouveau procès ordonné par la Cour d’appel.

De la même manière, dans le cas présent, les faits présentés dans l’article et la photo ne démontrent pas que la légende déforme abusivement la réalité en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits.

3.2 Légende – Robe transparente

Le Conseil doit déterminer si le média a déformé la réalité en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’il rapporte dans le passage suivant de la légende de la photo qui accompagne l’article du Journal de Montréal « Une tenue transparente à 72 heures du grand jour » :   

« 2. Sherley Jean-Baptiste (à gauche) a dû s’acheter une nouvelle robe dans les heures précédant son mariage, puisque la boutique lui avait livré une robe transparente au niveau des seins. »

Décision

Le Conseil rejette le grief de sensationnalisme sur ce point.

Arguments des parties

La plaignante considère sensationnaliste l’information transmise dans le deuxième élément de la légende accompagnant les photos publiées en page 6 de l’édition papier du Journal de Montréal du 12 janvier 2024.  Elle affirme : « Cet extrait illustre une utilisation sensationnaliste de situations individuelles pour peindre un portrait globalement négatif de notre entreprise. En choisissant de mettre en avant ces cas particuliers sans offrir un contexte complet ou reconnaître les efforts de résolution de notre part, le média crée une impression trompeuse d’insensibilité et d’incompétence. »

Au sujet de la robe de Sherley Jean-Baptiste, la plaignante déplore que « la description d’une robe livrée comme transparente au niveau des seins, juste avant le mariage, joue sur une urgence et une détresse émotionnelle maximales. Cela ignore les mesures prises par la boutique pour répondre à cette situation spécifique, insinuant un défaut général dans notre processus de conception et de livraison sans fournir une vue d’ensemble. »

Analyse du comité des plaintes

Le texte de la légende ne déforme pas la réalité en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits présentés sur la photo qu’elle accompagne ni ceux exposés dans l’article. Alors que la photo montre Sherley Jean-Baptiste et son époux enlacés dans leurs tenues de mariage, l’article à laquelle elle se rapporte indique que Mme Jean-Baptiste s’est acheté une nouvelle robe de mariée parce qu’elle considérait que celle livrée par La Boutique Champagne! était transparente au niveau des seins. On y lit : « Sherley Jean-Baptiste a fait quelques allers-retours, de Montréal, pour la prise de ses mesures et des essayages. Mais à une semaine du mariage, lors de l’essayage final, la robe se révèle être extrêmement inconfortable… et surtout transparente. “On voyait mes seins au travers de la robe”, peste Shirley Jean-Baptiste, qui a ensuite tenté de se faire rembourser, en vain. »

Comme c’était le cas au grief précédent, les faits présentés dans l’article et le contenu de la photo ne démontrent pas que la légende déforme abusivement la réalité en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits. 

3.3 Légende – Manque de compassion

Le Conseil doit déterminer si le média a déformé la réalité en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’il rapporte dans le passage suivant de la légende de la photo qui accompagne l’article du Journal de Montréal « Son futur mari meurt 11 jours avant les noces » : 

« 3. Mélanie Noël déplore le manque de compassion des propriétaires suite au décès de son futur mari. »

Décision

Le Conseil rejette le grief de sensationnalisme sur ce point.

Arguments des parties

La plaignante considère sensationnaliste l’information transmise dans le troisième élément de la légende accompagnant les photos publiées en page 6 de l’édition papier du Journal de Montréal du 12 janvier 2024. Elle affirme : « Cet extrait illustre une utilisation sensationnaliste de situations individuelles pour peindre un portrait globalement négatif de notre entreprise. En choisissant de mettre en avant ces cas particuliers sans offrir un contexte complet ou reconnaître les efforts de résolution de notre part, le média crée une impression trompeuse d’insensibilité et d’incompétence. » 

À propos du manque de compassion allégué, la plaignante considère que « le récit du manque de compassion suite au décès du futur mari d’une cliente exploite une tragédie personnelle pour critiquer la boutique. Ce faisant, il simplifie excessivement la complexité des interactions humaines dans des moments de crise, sans reconnaître les efforts de soutien ou les politiques de l’entreprise en place pour de telles circonstances. » 

Analyse du comité des plaintes

La photo montre Mélanie Noël lors de l’entrevue accordée dans le cadre du reportage de l’émission « J.E. » et la légende indique : « Mélanie Noël déplore le manque de compassion des propriétaires suite au décès de son futur mari. » Cette légende ne déforme pas la réalité en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits. Elle résume les reproches de Mélanie Noël envers le commerce de robes de mariée qui se retrouvent dans l’article « Son futur mari meurt 11 jours avant les noces ».

La légende étant un texte explicatif succinct, qui résume l’information, il est impossible d’y mentionner toutes les nuances et précisions qui se trouvent dans l’article plus détaillé. L’article rapporte entre autres : « Pour comble d’insulte, la boutique lui aurait rapidement fait parvenir un courriel pour savoir si elle et sa sœur – la future mariée – viendraient récupérer les robes dans les jours à venir, comme cela avait été prévu avant le décès. Encore là, sans condoléances ou sympathies pour la nouvelle veuve. »

Tout comme aux deux griefs précédents, ce passage de la légende reflète l’information transmise par la photo et l’article auxquels elle se rapporte sans la déformer en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits.

3.4 « C’est 50 $ »

Le Conseil doit déterminer si les journalistes Kathryne Lamontagne et Richard Olivier ainsi que l’émission J.E. ont déformé la réalité en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’ils rapportent dans le passage suivant :

« C’est 50 $, bulles incluses. »

Décision

Le Conseil rejette le grief de sensationnalisme sur ce point.

Arguments des parties

La plaignante considère que l’extrait ci-dessus du reportage « Le pire du mariage », diffusé à l’émission « J.E. », est sensationnaliste. Selon elle, « le reportage évoque le prix d’un essayage comme étant de “50 $, bulles incluses”, insinuant ainsi un coût plus élevé que la réalité. En vérité, l’essayage dans notre boutique est proposé à 49 $, taxes incluses, une précision cruciale qui a été omise dans cette présentation dramatisée. Ce détail, bien que minime, révèle une tentative de créer un impact sensationnel en exagérant les coûts associés à nos services. »

La plaignante ajoute : « Cette façon de gonfler le prix pour le rendre plus sensationnel ne reflète pas notre pratique de tarification. En réalité, nous nous efforçons de communiquer clairement nos prix à nos clients, sans frais cachés ni surprises. »

Analyse du comité des plaintes

Le passage visé par le grief est prononcé par le journaliste Richard Olivier lorsqu’il relate l’expérience vécue par Andrée-Anne Hallé à La Boutique Champagne! : 

« Après ses recherches sur Internet, elle arrête son choix sur la boutique et réserve une séance d’essayage. C’est 50 $, bulles incluses. »

Bien que la copie de la facture déposée en preuve par la plaignante indique que le coût d’un essayage de robes de mariée est de 49 $ taxes incluses, le journaliste n’a pas déformé la réalité en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits en arrondissant à 50 $ le prix de ce service.

À moins que la précision d’un chiffre soit requise pour comprendre le sens d’une information, arrondir un chiffre ne constitue pas du sensationnalisme. Dans la décision D2022-05-177, le Conseil a rejeté le grief de sensationnalisme alors que le journaliste avait fait une moyenne. La plainte visait la phrase suivante : « Nous savions déjà que chacun avale, sans le vouloir, au moins 250 grammes de plastique chaque année. » Le plaignant considérait que le passage visé était sensationnaliste parce qu’il ne rapportait « que le pire cas cité des études ». Le rapport dont il est question dans l’article indiquait qu’une « personne pourrait ingérer en moyenne 5 grammes de plastique par semaine » (citation du WWF). La décision affirme : « Comme il y a 52 semaines dans une année, on peut dire que la quantité de plastique ingérée annuellement serait en moyenne 260 g. » Le Conseil a conclu que la formulation du passage visée « ne constitue pas une déformation de la réalité ni une interprétation abusive des faits, tels que présentés dans l’étude d’origine ».

De la même façon, dans le cas présent, parler de 50 $ lorsque le montant exact est de 49 $ n’est pas sensationnaliste; il s’agit simplement d’arrondir la somme à la dizaine la plus près, soit dans ce cas-ci un écart d’un dollar.

3.5 OPC

Le Conseil doit déterminer si les journalistes Kathryne Lamontagne et Richard Olivier ainsi que l’émission J.E. ont déformé la réalité en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’ils rapportent dans le passage suivant du reportage :

Richard Olivier : « L’Office de la protection du consommateur a reçu sept plaintes au cours des deux dernières années. L’OPC a aussi constaté que La Boutique Champagne! ne respecte pas la loi qui l’oblige à placer l’argent en fidéicommis. »

Charles Tanguay (porte-parole de l’Office de la protection du consommateur) : « Il y a une disposition à l’article 256 de la Loi sur la protection du consommateur qui dit que si un contrat prévoit que l’exécution principale du commerçant doit se faire plus de deux mois après la signature du contrat, le commerçant a l’obligation, lui, de placer les sommes qu’on lui donne dans un compte en fidéicommis c’est-à-dire que les sommes doivent être protégées. »

Décision

Le Conseil rejette le grief de sensationnalisme.

Arguments des parties

La plaignante considère que, dans le passage ci-dessus du reportage, le « traitement de l’information par le journaliste, en dépit de sa connaissance préalable des faits réels et des actions que nous avions entreprises, révèle une inclination vers une narration sensationnelle au détriment d’une représentation fidèle de la situation ».

Elle affirme : « L’OPC a adressé une recommandation à La Boutique Champagne!, une démarche que nous avons immédiatement prise au sérieux. Nous avons également informé Richard Olivier que nous avions créé un compte en fidéicommis enregistré auprès de l’OPC. L’entreprise fait réviser ses politiques par des conseillers juridiques, et ce, bien avant que l’OPC communique avec elle. Toutes ces informations ont été communiquées avant la diffusion de l’émission, lors d’une entrevue préalable avec le journaliste. »

La plaignante ajoute : « Malgré notre transparence et nos efforts proactifs, le reportage a choisi de présenter les faits d’une manière qui dramatise inutilement la situation. En mettant l’accent sur une prétendue non-conformité sans reconnaître les mesures que nous avions déjà mises en œuvre, le média a adopté une approche ignorant notre engagement actif à répondre de manière responsable à l’OPC. » 

Analyse du comité des plaintes

La plaignante ne fait pas la démonstration que des démarches ont été faites de la part de la boutique pour créer un compte en fidéicommis enregistré auprès de l’OPC avant la diffusion du reportage. Il est donc impossible de conclure qu’il y a eu déformation abusive de la réalité ici.

En l’absence de preuve démontrant un manquement à la déontologie journalistique, il est impossible de retenir un grief, comme ce fut le cas dans le dossier D2021-05-100. Bien que cette décision antérieure concernait deux griefs d’informations inexactes, elle rappelle qu’en l’absence de preuve, les griefs sont rejetés. Dans ce dossier, les griefs concernaient l’apport d’un expert en cybersécurité et le fait que des tests précédents avaient été effectués, dans le contexte d’une fuite de données informatiques. Le Conseil a jugé que le plaignant n’apportait pas de preuve pour soutenir ses allégations que des informations inexactes avaient été rapportées. 

De la même manière, dans le cas présent, en l’absence de preuve permettant d’établir qu’il y a eu une déformation de la réalité en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits, le grief de sensationnalisme est rejeté.  

Grief non traité : atteinte à la réputation

« La plainte ne peut constituer une plainte de diffamation, viser le contenu d’une publicité ou exprimer une divergence d’opinions avec l’auteur d’une publication ou d’une décision. » (Règlement 2, article 13.04)

La plaignante déplore une atteinte à sa réputation, un grief que le Conseil ne traite pas, car la diffamation n’est pas considérée comme étant du ressort de la déontologie journalistique et relève plutôt de la sphère judiciaire.

Note

Le Conseil de presse déplore le refus de collaborer de TVA, du Journal de Montréal, du Journal de Québec et de QUB radio, qui ne sont pas membres du Conseil et n’ont pas répondu à la présente plainte.

Conclusion

Le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Cassandra Bourret, propriétaire de La Boutique Champagne!, visant l’article  « Une robe de mariée… verte », publié le 12 janvier 2024, et blâme les journalistes Kathryne Lamontagne et Richard Olivier ainsi que Le Journal de Montréal concernant le grief d’information inexacte relatif aux frais d’ajustements. 

Le Conseil retient également la plainte de Mme Bourret concernant le grief de manque d’équilibre et blâme les journalistes Kathryne Lamontagne, Richard Olivier et Maude Boutet ainsi que les médias TVA, Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec, QUB radio et leurs sites Internet pour le reportage « Le pire du mariage », de l’émission « J.E. » diffusé le 12 janvier 2024 à TVA et sur le site Internet de TVA Nouvelles; les articles « Une robe de mariée… verte », « Son futur mari meurt 11 jours avant les noces », « Une tenue transparente à 72 heures du grand jour » et « Quand la robe rêvée devient le pire cauchemar », publiés le 12 janvier 2024 dans le quotidien Le Journal de Montréal; et les articles publiés le même jour « Calvaire des futures mariées : la robe rêvée devient leur pire cauchemar » (publié sur les sites Internet de TVA Nouvelles, du Journal de Montréal, du Journal de Québec et de QUB radio), « Pas de robe à 72 heures de ses noces : “On voyait mes seins au travers”» (publié sur les sites Internet du Journal de Montréal et du Journal de Québec), « Son futur mari décède 11 jours avant le mariage : la boutique Champagne! refuse de rembourser sa robe » (publié sur les sites Internet du Journal de Montréal, du Journal de Québec et de QUB radio), « Une robe de mariée… verte : “C’était tellement absurde. C’était plus gros que moi comme situation » (publié sur les sites Internet de TVA Nouvelles, du Journal de Montréal, du Journal de Québec et de QUB radio).

Cependant, le Conseil rejette les autres griefs d’informations inexactes et le grief de sensationnalisme.

La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :

Représentants du public
Mathieu Montégiani, président du comité des plaintes
Simon Denault

Représentants des journalistes
Daniel Leduc
Jessica Nadeau

Représentants des entreprises de presse
Marie-Andrée Chouinard
Éric Grenier