Les journalistes d’opinion ont la liberté de critiquer, mais pas de tenir des propos discriminatoires

Le Conseil de presse du Québec a publié huit nouvelles décisions relativement à des plaintes qu’on lui avait soumises. Il en a rejeté cinq et en a retenu trois. 

D2018-05-066 : propos discriminatoires entretenant les préjugés envers les travailleurs mexicains

Le Conseil a blâmé l’animateur Jeff Fillion et CHOI 98,1 Radio X pour des propos discriminatoires entretenant les préjugés. Les propos visés par la plainte ont été tenus alors que l’animateur commentait l’idée que l’immigration serait une solution à la pénurie de main-d’oeuvre. 

Dans sa décision, le Conseil a fait valoir qu’en suggérant d’aller chercher des Mexicains, des « gars […] de l’Amérique centrale » parce qu’ils n’ont « pas peur de l’ouvrage », que « ça va prendre un maudit bout avant qu’ils parlent français » et qu’ils ne « vous écoeureront pas avec des histoires de syndicat pis des patentes de même », l’animateur a fait preuve de discrimination en véhiculant des préjugés selon lesquels les Mexicains et les latino-américains représentent une main-d’oeuvre docile qui n’apprendra jamais le français et qui est peu revendicatrice en matière de droit du travail.

Le Conseil a souligné qu’à titre de journaliste d’opinion, M. Fillion pouvait partager son point de vue selon lequel les Mexicains seraient une solution à la pénurie de main-d’oeuvre québécoise. En employant des termes discriminatoires pouvant entretenir des préjugés envers les travailleurs mexicains, il a toutefois dépassé les limites de la déontologie journalistique. 

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D2018-07-081 : une critique générale n’est pas discriminatoire

Le Conseil a rejeté une plainte déposée par le président de la Ligue des Noirs du Québec, Dan Philip, contre le chroniqueur Richard Martineau et Le Journal de Montréal concernant la chronique « Je pars mon groupe de pression ». Dans cette chronique, M. Martineau mettait en doute la représentativité de certains organismes à but non lucratif, notamment la Ligue des Noirs du Québec et la Fédération des femmes. 

Le Conseil a jugé que cette critique n’était pas basée sur un motif discriminatoire et ne visait pas uniquement la Ligue des Noirs, mais « les associations formées sur la base du sexe ou de l’ethnie ». À titre de chroniqueur, M. Martineau dispose d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. Il était ainsi libre de critiquer de manière générale des organismes à but non lucratif qu’il qualifie de groupes de pression, dont la Ligue des Noirs du Québec.

Le grief de manque d’équité a également été rejeté. M. Philip alléguait que des actes posés à la suite de la publication de la chronique pouvaient être « le début d’une vague de violence ». Le Conseil a noté que les réactions subséquentes à la parution d’un article, même si la preuve était faite qu’elles résultaient de la chronique, ne sont pas constitutives d’un manque d’équité et sont hors du contrôle du journaliste.

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D2018-06-071 : éviter les conclusions hâtives

Dans un article intitulé « PQ : au tour de Nicolas Marceau de tirer sa révérence », publié par le quotidien La Presse, le journaliste Denis Lessard rapportait que l’ancien ministre des Finances ne solliciterait pas de nouveau mandat lors de l’élection provinciale de 2018.  En tirant une conclusion que ne lui permettaient pas ses prémisses, le journaliste a manqué de rigueur de raisonnement, ce qui lui vaut un blâme, ainsi qu’au média. 

Hormis la mention des deux sources confidentielles, Denis Lessard n’explique pas ce qui lui permet de tirer la conclusion que M. Marceau quitte la politique d’autant plus que ce dernier avait indiqué au journaliste ne pas avoir pris sa décision quant à son avenir politique.   

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Lors de cette réunion, le Conseil a également rendu cinq autres décisions disponibles en cliquant sur les liens ci-dessous.

D2017-07-092 : Olivier Sirard c. Louise Leduc et lapresse.ca

Le Conseil a rejeté le grief de manque de retenue lors d’un drame humain qui visait la démarche de collecte d’information de la journaliste au moment où elle préparait un article rapportant le suicide du Dr Alain Sirard, père du plaignant. La démarche de la journaliste était empreinte de sobriété et de respect, a pu constater le Conseil. D’un point de vue journalistique, il était justifié que la journaliste tente d’obtenir les réactions des proches de ce pédiatre qui avait fait l’objet de plusieurs reportages au cours des dernières années. 

D2018-04-042 : Éliane Gamache-Latourelle c. Nathalie Petrowski, La Presse et lapresse.ca

Le Conseil a retenu la plainte visant l’article « Les mirages de la “jeune millionnaire” Éliane Gamache Latourelle » parce qu’il a jugé inexacte l’information concernant la géolocalisation des photos publiées par la plaignante sur son compte Instagram. Toutefois, s’agissant d’un aspect secondaire du sujet n’affectant pas sa compréhension, le Conseil a déterminé qu’il s’agissait d’un manquement mineur et n’a pas donné de blâme à la journaliste et au média. Le Conseil a rejeté les autres éléments du grief d’informations inexactes ainsi que les griefs de conflit d’intérêts, de partialité, d’incomplétude, de manque de fiabilité des informations transmises par les sources et de manque d’équité.

D2018-05-065 : Audrey Chédor c. Louise Leduc, David Santerre, Éric Trottier et La Presse+

Le Conseil n’a constaté aucun manquement déontologique dans l’article « Sexe indéterminé ». Il a donc rejeté les griefs de bris d’une entente de communication avec une source, d’informations inexactes, d’informations incomplètes, d’atteinte à la vie privée, de sensationnalisme, de partialité, de manque d’équilibre, de manque d’équité, de manque d’identification des sources, de manque de rigueur de raisonnement, de manque de courtoisie et d’absence de rectificatif.

D2018-07-074 : Jacques Blanchette c. Paul Journet et lapresse.ca

Le Conseil a constaté une erreur dans l’éditorial « SLĀV : cher Québec… » dans lequel Paul Journet affirme que 4185 cas d’esclavagisme avaient été répertoriés en Nouvelle-France. Il s’avère que plusieurs experts recensent entre 4000 et 4200 esclaves pour l’ensemble de la période allant du début de la Nouvelle-France jusqu’à l’abolition de l’esclavage en 1834, soit après la conquête britannique. Bien que le Conseil ait retenu le grief d’information inexacte, le journaliste et le média ont été absous, l’erreur ayant été corrigée. 

D2018-03-027 : Jean-François Potvin c. Fanny Lévesque et lapresse.ca

Le Conseil n’a relevé aucune information inexacte dans cet article rapportant les résultats d’un sondage sur les armes à feu, commandé par le groupe PolySeSouvient, qui milite pour un contrôle plus étroit des armes à feu. La journaliste a rapporté fidèlement les termes utilisés dans le sondage. Le grief d’informations inexactes a été rejeté. 

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