Respecter une ordonnance de non-publication: le b.a.-ba du journalisme

Le Conseil de presse du Québec a publié 10 nouvelles décisions relativement à des plaintes qu’on lui avait soumises. Il en a rejeté cinq et en a retenu autant.

D2018-03-028 : Blâme sévère pour un manque de prudence dans une couverture judiciaire

Une journaliste du Journal de Québec a manqué de prudence dans son article intitulé « Un psychiatre radié pour des relations sexuelles avec une patiente » publié le 15 février 2018 dans la version papier et sur le site Internet du quotidien. Alors qu’elle couvrait une audience du Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec visée par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom de la patiente et de toute information permettant de l’identifier, la journaliste a révélé des éléments tels que l’âge de la victime, l’année des faits reprochés au psychiatre et des détails concernant l’occupation de la victime au moment des faits.

Le Conseil, dont le rôle n’est pas d’évaluer si la journaliste avait contrevenu à l’ordonnance de non-publication au sens de la loi, a analysé la question sous l’angle de la déontologie journalistique. Le Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec établit que les journalistes doivent faire preuve de prudence en matière de couverture judiciaire ou quasi judiciaire compte tenu de « l’importance des conséquences qui peuvent résulter de cette couverture ». Le Conseil a souligné que le respect des ordonnances de non-publication représente la base élémentaire de la pratique journalistique puisque les conséquences de la couverture médiatique sur une victime, ou un témoin, sont si importantes que sa protection est prévue par la loi.

Le Conseil a également jugé que les informations personnelles, concernant la patiente du psychiatre, rapportées dans l’article en cause n’étaient pas d’intérêt public et permettaient à certaines personnes d’identifier la victime. Or, l’objectif d’une telle ordonnance est de protéger l’identité d’une victime ou d’un témoin afin que cette personne ne soit pas reconnaissable, même par ses proches, a souligné le Conseil.

Bien que les mis en cause aient retiré de l’article certaines des informations permettant d’identifier la victime, le Conseil a regretté que la modification ne soit pas mentionnée et qu’on n’ait pas précisé qu’il y avait une ordonnance de non-publication dans cette affaire.

Les griefs de manque de prudence et de non-respect de la vie privée ont été retenus et les mis en cause blâmés sévèrement.   

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D2018-04-035 : Manque d’équité envers une adolescente

Le Conseil a jugé qu’en traitant de « guidoune », à plusieurs reprises,  une adolescente contestant le code vestimentaire de son école, et en commentant à la radio la taille de ses seins, le coanimateur Martin Everell et la station BLVD 102.1 FM ont fait preuve d’un manque d’équité envers cette jeune fille. Bien que l’animatrice Nathalie Normandeau ait tenté de modérer les propos de son co-animateur, le Conseil a observé que ce dernier avait persisté en répliquant : « J’assume! » Le Conseil a également blâmé M. Everell pour ses commentaires « dégradants » sur la morphologie de l’adolescente.  

Le fait que la jeune fille soit nommée et que M. Everell vise son apparence physique au lieu de ses propos politiques exacerbe sa vulnérabilité comme personne mineure, ce qui représente un traitement inéquitable envers elle, a souligné le Conseil.

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D2018-04-044 : Chronique de Sophie Durocher sur « la jeune millionnaire » : pas de manquement à la déontologie

Le Conseil a déterminé que Sophie Durocher n’avait pas entretenu de préjugés ni transmis d’information inexacte dans sa chronique intitulée « La millionnaire trop cute pour être vraie » publiée dans Le Journal de Montréal.

Dans son texte qui portait sur les difficultés financières rencontrées par Éliane Gamache Latourelle, la plaignante dans ce dossier, Mme Durocher n’a pas outrepassé les limites permises par la déontologie aux journalistes d’opinion qui bénéficient d’une grande latitude pour faire valoir leur point de vue. Bien que la plaignante estimait inexact le passage dans lequel la chroniqueuse affirme « que l’histoire était trop belle pour être vraie », le Conseil a jugé qu’il s’agissait de l’opinion de Mme Durocher et que la plaignante n’avait pas apporté la preuve de l’inexactitude.

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Lors de cette réunion, le Conseil a également rendu sept autres décisions disponibles en cliquant sur les liens ci-dessous.

D2018-04-037 : Caroline Blanchard, directrice au Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Abitibi-Témiscamingue c. Pascal Lafortune, « TVA Nouvelles » et RNC Média

Dans la présentation faite par la lectrice de nouvelles d’un reportage rapportant la détresse psychologique des employés d’un centre de réadaptation, le Conseil a constaté un manque de rigueur de raisonnement. L’introduction du reportage établit un lien entre deux suicides et une surcharge de travail, sans que la démonstration ne soit faite dans le reportage. Le Conseil a rappelé que les médias doivent faire preuve de prudence lorsqu’ils traitent d’un sujet aussi sensible que le suicide. Les motifs d’un suicide sont complexes, multifactoriels et souvent impossibles à déterminer. Le blâme ne vise pas le journaliste Pascal Lafortune puisque le passage en question ne faisait pas partie de son reportage. Le Conseil a rejeté les griefs d’informations inexactes et de manque d’équilibre.

D2018-04-038 : Mathieu Préfontaine c. Yves Poirier et TVA Nouvelles

Le Conseil a constaté une inexactitude dans un reportage affirmant que 500 migrants avaient franchi « illégalement » la frontière , puisqu’il n’est pas illégal de franchir une frontière pour demander l’asile.  Le Conseil a fait valoir que même si certains acteurs de la sphère publique parlent à tort d’« immigration illégale », le devoir de vérité des journalistes implique d’employer les termes justes afin de fournir au public une information de qualité. Dans une précédente décision (D2017-08-099) visant une émission diffusée en août 2017,  le Conseil avait déjà jugé cette expression inexacte sans toutefois blâmer les mis en cause vu la confusion qui régnait à l’époque quant à l’utilisation de ce terme. Cependant, dans le cas présent, le Conseil a jugé que le média avait eu suffisamment de temps pour assimiler la distinction entre les termes « illégal » et « irrégulier ». Le Conseil a également pris en considération le contexte sensible qui entoure le sujet de l’immigration au Québec et il a estimé que le choix des mots est important et a un impact dans le débat social.

D2018-03-023 : Mary Ellen Davis c. Éric Duhaime et FM 93

Comparer Jaggi Singh à un « parasite » est certes une critique dure, mais elle tient de la liberté d’expression d’un journaliste d’opinion, a tranché le Conseil. L’animateur de radio, qui expliquait pourquoi il utilisait ce terme pour qualifier le militant altermondialiste, n’a pas contrevenu à la déontologie en utilisant cette expression au sens figuré pour viser une personnalité publique. Le Conseil a aussi rejeté le grief d’atteinte à la dignité.

D2018-03-026 : Marie-Hélène Legault, Pierre-Michel Morais-Godin et Andrée Paris ainsi que neuf plaignants en appuis c. Michel Beaudry et Le Journal de Montréal

En ridiculisant une personne ayant une expression de genre différente, le chroniqueur a contribué à véhiculer des préjugés envers les personnes trans, a déterminé le Conseil qui a blâmé le média et son journaliste pour discrimination. Le Conseil a cependant rejeté les griefs d’atteinte à la vie privée et d’atteinte à la dignité.

D2018-04-047 : José Breton, Fondation Belles rondeurs, Productions Belles rondeurs c. Anne-Louise Despatie, « Le Téléjournal » ainsi que Myriam Fimbry, « Le Radiojournal » et ICI Radio-Canada

Les reportages visés par la plainte rapportaient les conclusions d’une analyse publiée par la revue scientifique médicale The Lancet mettant en évidence l’efficacité des politiques visant à taxer les produits malsains pour la santé, dont les boissons sucrées. Dans sa décision, le Conseil a souligné que le fait, pour un journaliste, de présenter les résultats d’une étude scientifique ne constitue pas une faute, même si le plaignant est en désaccord avec les conclusions de l’étude. Le Conseil a rejeté les griefs de manque d’indépendance, d’informations inexactes et de confusion des genres journalistiques.

D2018-04-039 : Jean-Philippe Déry c. Nicolas Lachance et Le Journal de Québec

Le Conseil a déterminé que le titre à la une « Extincteurs remplis de poivre de Cayenne et pistolets pouvant enflammer les policiers – Plus dangereux que jamais pour le G7 » et l’article « Manifestants prêts à la guerre » ne comportaient aucune information inexacte.

D2018-04-052 : Stefan Allinger président de la Fondation Équipe-Québec c. le site Internet de la station radiophonique CHOI 98,1 FM Radio X

Le Conseil a rejeté la plainte visant l’exactitude du titre « Maurais jette les gants : Une fondation veut des médailles pour… LA RACE QUÉBÉCOISE! » puisque celui-ci reflétait le sujet de l’entrevue réalisée avec un administrateur de la Fondation Équipe-Québec.

À propos

Le Conseil de presse du Québec est un organisme privé, à but non lucratif, qui œuvre depuis plus de 45 ans à la protection de la liberté de la presse et à la défense du droit du public à une information de qualité. Son action s’étend à tous les médias d’information distribués ou diffusés au Québec, qu’ils soient membres ou non du Conseil, qu’ils appartiennent à la presse écrite ou électronique. Le Conseil reçoit les plaintes du public et rend des décisions relativement à la déontologie journalistique. Mécanisme d’autorégulation de la presse, le Conseil ne peut être assimilé à un tribunal civil, il ne possède aucun pouvoir judiciaire, réglementaire, législatif ou coercitif; il n’impose aucune autre sanction que morale.